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La bataille d'Alep: les cartes pour comprendre les enjeux

Depuis juillet 2012, Alep est le théâtre de la plus importante bataille entre les troupes du régime et la coalition des rebelles islamistes et modérés. Isolés à l'est de la cité par l'armée syrienne, ceux-ci ont réussi une percée inespérée le 6 août 2016. Retour en cartes sur quatre années de combats urbains.
Article rédigé par Valentin Pasquier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des rebelles syriens célèbrent  la fin du siège d'Alep dans les rues de la ville. (THAER MOHAMMED / AFP)
Des combattants rebelles de Jaïch-al-Fatah lors de la percée de l'école d'artillerie au sud d'Alep le 6 août 2016. (THAER MOHAMMED / AFP)

De manière inespérée, les rebelles ont réussi à briser le blocus qui étranglait le centre de la capitale économique du pays. Ce qui a permis de rétablir l’équilibre entre les deux camps. L’acheminement d'importants renforts laissent entrevoir une intense reprise des combats.

Cet équilibre avait été rompu le 7 juillet, lors de la prise, par l'armée syrienne, de la «route de la mort», surnom donné à la route du Castello, au nord-ouest d'Alep. C'est par cet axe stratégique qu'arrivent de l'extérieur approvisionnement et renforts pour les rebelles combattant à l'est de la ville.

Les forces rebelles, véritable mosaïque de mouvements confessionnels et modérés, ont uni leurs forces - près de 6 000 hommes - durant les six premiers jours d'août 2016 pour mener l'assaut sur deux fronts au sud: à la fois à l'extérieur de la ville en prenant l'école d'artillerie et de Ramoussah (voir cartes ci-dessous), mais aussi depuis les quartiers assiégés du sud, tel Sukkari.

Des combattants rebelles se rassemblent dans l'école d'artillerie nouvellement prise, le 6 août 2016. (Ammar Abdullah / Reuters)

Une progression en cartes
Nous avons résumé, en 12 cartes, la progression des deux principaux camps depuis les débuts de la bataille d'Alep.
[Vous pouvez faire défiler les cartes chronologiquement en cliquant sur la carte ou utilisant les flèches du pavé numérique]

  • En rouge sont représentées les forces loyalistes, fidèles au régime de Bachar Al-Assad. Cette faction regroupe l'armée syrienne, mais aussi des groupes armés alliés venant du Liban (Hezbollah), d'Iran, d'Irak, principalement de confession chiite. Ils sont appuyés par l'aviation russe.
  • En vert sont représentées les zones contrôlées par les forces rebelles, opposées au régime syrien. On y trouve des combattants «modérés», fédérés notamment au sein de l'Armée syrienne libre (soutenu par les Occidentaux), mais aussi bon nombre de mouvements islamistes tel le Front Fatah Al-Cham ou Ahrar Al-Cham, réunis dans l'Armée de la reconquête («Jaïch Al-Fattah»).
  • En jaune est représentée la zone contrôlée par les Kurdes des «unités de la protection du peuple» (YPG et YPJ). Elle se concentre, depuis 2012, autour du quartier de Cheikh Maksoud, au nord d'Alep. Début avril 2013, ces combattants appuient les rebelles et subissent la répression des forces gouvernementales, mais se montrent ambigus.
  • Une zone grise apparaît furtivement en haut à droite de la carte du 1er février 2016 (diapo n°10). Il s'agit de la zone contrôlée par le groupe État islamique. Le groupe terroriste ne combat pas dans Alep pour le moment, et reste cantonnée au nord-est de la ville.

 
Les méthodes de combat et l'acharnement des djihadistes du Front Fattah Al-Cham (ex-Front Al-Nosra) ont joué un rôle majeur dans l'ouverture de la brêche du 6 août. Fin juillet, le mouvement a changé son nom et souhaite à présent prendre ses distances avec Al-Qaïda. Interrogé par le Monde, le chef de la Coalition nationale syrienne (opposition politique syrienne en exil) fait à présent le pari d'une «normalisation» de ces alliés radicaux.

Un corridor très fragile
L'équilibre entre les deux camps reste extrêmement fragile. Le couloir (2 km de long, 900 m de large) ouvert par la rébellion ne semble pas permettre un approvisionnement normal des quartiers est d'Alep. Dans le même temps, la zone est aussi la cible d'intenses raids aériens et de tirs d'artillerie. Elle peut donc être reconquise à tout moment.

Le 11 août 2016, les habitants d'Alep profitent de l'ouverture du blocus pour acheter des vivres au marché noir. (Abdalrhman Ismail / Reuters)

Le général russe Sergueï Koudkoï, allié de Bachar Al-Assad a appelé les rebelles qui souhaitent rendre les armes à emprunter l'un des «sept corridors humanitaires» mis en place par le régime de Damas et les troupes russes. Peu de civils ont fui la zone est, ce que Moscou et Damas interprètent comme une prise en otages des habitants de ces quartiers par les «terroristes».

Cette bataille aux fronts volatils est un calvaire pour les populations civiles. Environ 250 000 personnnes vivent encore dans les quartiers est assiégés, contre 1,2 million dans le centre, côté loyaliste. Victimes des bombardements venus des deux camps, ces habitants sont aussi au premier rang des blocus que chaque camp souhaite imposer à l'autre. Après trois semaines de blocus et de montée des prix, le marché d'Alep a pu rouvrir et retrouver son animation. Une bouffée d'oxygène pour les civils.

Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, près de 290 000 personnes ont trouvé la mort selon l'AFP. Le président turc Recep Tayyip Erdogan parle, lui, de plus de 600 000 victimes.

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