"Images dingues", "moment extraordinaire"... Une équipe de CNN filme la libération d'un Syrien encore détenu dans une "prison secrète" de Bachar al-Assad
"Incroyable reportage". Ce sont les mots que l'on peut lire après la diffusion d'un reportage de CNN en Syrie mercredi 11 décembre et dont les images font le tour des réseaux sociaux. Dans ce reportage, qualifié de "remarquable moment", Clarissa Ward, la "correspondante internationale en chef" pour la chaîne d'information en continu américaine, s'est en effet retrouvée face à un homme présenté comme l'un des derniers prisonniers d'une "prison secrète" du régime de Bachar al-Assad à Damas.
On peut alors voir l'homme y apprendre en direct la chute du dictateur depuis sa cellule. Des images tellement incroyables que certains mettent d'ailleurs en doute leur véracité.
Alors que la journaliste déambule dans cette "prison secrète" de Damas, comme indiqué dans le commentaire, des hommes ouvrent des portes de cellule, lorsque Clarissa Ward pénètre dans l'une d'elles pour "voir de plus près".
La reporter voit au sol une couverture et indique dans son commentaire qu'à "ce moment-là, ce n'est pas clair qu'il y a quelqu'un en dessous". "Y a-t-il quelqu'un ici ?", l'entend-on demander à deux reprises sans que la couverture ne bouge et que personne ne réponde. Un homme en treillis s'approche alors de la couverture qu'il soulève avec son arme, la journaliste semble se mettre en retrait, protégée derrière la porte de la cellule. L'inquiétude est palpable. Soudain, la couverture se lève et un homme apparaît, il lève immédiatement ses mains alors que le garde le met en joue. Il dit immédiatement qu'il est "un civil", le regard visiblement ébahi.
"Il dit au rebelle qu'il est de la ville de Homs et qu'il est en cellule depuis trois mois", explique alors la reporter dans son commentaire. Sur les images, la journaliste soupire de soulagement après avoir semble-t-il ressenti un moment de frayeur. L'homme saisit alors le bras de la reporter. "You are okay", lui dit-elle, avant de réclamer de l'eau pour l'homme qui se met alors à boire. "Okay, you're okay", répète-t-elle en boucle comme pour se rassurer.
"La Syrie est libre"
Ils finissent alors par se diriger vers l'extérieur. L'homme, qui dit s'appeler Adil Hurbal, est toujours fermement accroché au bras de Clarissa Ward. "Remercie Dieu, tu es sauvé. N'aie pas peur, tu es libre", lui dit l'homme en arme présent sur les lieux, rapporte la journaliste dans son commentaire.
L'homme avance, tenu par la reporter d'un côté et le rebelle de l'autre. "Après trois mois dans une cellule sans fenêtre, il peut enfin voir le ciel." Il marque alors un temps d'arrêt, levant les yeux vers le ciel, "Mon Dieu, ce n'est pas vrai", dit-il, semblant redécouvrir la lumière du jour. "Ça fait trois mois que je n'ai pas de nouvelles de mes enfants", dit-il. Les rebelles lui apportent à manger et lui disent qu'il "n'y a plus d'armée, plus de prison, plus de checkpoints", rapporte la journaliste. "Es-tu sérieux ?" lance l'homme. "La Syrie est libre", lui répond le rebelle. L'homme l'embrasse alors sur le front.
Il explique avoir été arrêté par les Mukhabarat, le service de renseignement militaire, et interrogé pour donner des noms, notamment de terroristes. Des secours du Croissant Rouge arrivent et finissent par emmener celui qui est désormais libre, mais en état de choc. "Des dizaines de milliers de Syriens ont disparu dans les prisons d'Assad et cet homme, il y a encore à peine quinze minutes, faisait partie de l'un d'entre eux", conclut la journaliste.
"En près de vingt ans de carrière de journaliste, ce fut l’un des moments les plus extraordinaires dont j’ai été témoin, explique la journaliste a la fin de son reportage, face à la caméra. Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas. Nous ne savons pas pourquoi le régime a emprisonné cet homme, on ne le saura peut-être jamais".
CNN précise les circonstances du reportage
Si de nombreux internautes et journalistes saluent, notamment sur X, un reportage "historique" et époustouflant, certains émettent des doutes quant à sa véracité et soupçonnent une mise en scène. "Clarissa Ward devrait gagner un Oscar pour sa performance", moque l'un d'entre eux. "Ce type a l'air en bonne santé, sa barbe et ses ongles coupés, n'entend pas le garde tirer sur la serrure", croit démasquer un autre.
D'autres internautes rappellent la polémique ayant entouré un précédent reportage de la journaliste, cette fois tourné à la frontière entre Israël et Gaza. Elle a été accusée d'avoir "bidonné" une séquence. Nos confrères de CheckNews avaient enquêté et conclu que "contrairement à ce que prétendent de nombreux commentateurs et internautes, les arguments invoqués pour établir le 'bidonnage' sont peu pertinents".
Dans un communiqué, CNN donne un peu plus de détails sur le contexte dans lequel a été tourné le reportage à Damas. "Alors qu'ils recherchaient le journaliste américain Austin Tice dans l'une des nombreuses prisons secrètes de Syrie, Clarissa Ward, grand reporter CNN, et son équipe - le producteur Brent Swails et le caméraman Scott McWhinnie - ont fait cette découverte surprenante au plus profond du quartier général des services de renseignements de l'armée de l'air syrienne. Après qu'un garde a tiré sur le verrou de la porte de la cellule, l'équipe a trouvé un homme caché sous une couverture", peut-on lire.
Interrogée dans une autre séquence sur CNN sur ce qu'elle a ressenti au moment de ce reportage, Clarissa Ward explique : "Je pense que tous les membres de l’équipe ont été en état de choc. Au début, nous pensions que c’était juste une pile de couvertures. Être témoin d’un moment si surréel, voir une personne dans un état de joie absolue d’un côté et complètement traumatisée de l’autre, est quelque chose qu’aucun d’entre nous ne pourra oublier et qui résonne d’autant plus profondément quand on pense à la peine et aux souffrances de ces prisonniers syriens."
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