Syrie : Barack Obama joue (très) gros
La marge de manœuvre de
Barack Obama est limitée. En faisant appel au Congrès, qui ne l'a pas épargné
ces derniers mois, le président américain tente un "coup" risqué.
Car si beaucoup de parlementaires ne doutent pas de la culpabilité de Bachar
al-Assad dans le conflit syrien, ils sont nombreux à se montrer réticents à
toute intervention militaire dans le pays. D'autres voudraient une intervention
plus large, quand certains Républicains pourraient être tentés de profiter du
vote pour affaiblir un gouvernement qui peine à imposer ses vues face à une
Chambre des Représentants rebelle.
Consultations tous
azimuts
Samedi dernier, Barack
Obama a surpris le monde entier en se disant "prêt à frapper " la Syrie,
mais demandant d'abord le soutien d'un Congrès toujours en vacances, de retour lundi prochain. Depuis, le
président et son équipe se sont engagés dans une véritable course
contre la montre.
Dès dimanche, Barack
Obama, le vice-président Joe Biden et le chef des services de la Maison-Blanche
ont multiplié les coups de téléphone aux membres du Congrès. Le message est
clair : tenter de convaincre qu'une réponse militaire est essentielle, car
il faut à tout prix montrer que la violation des règles internationales – en l'occurrence
l'usage d'armes chimiques – ne peut rester sans réponse de la part des Etats-Unis. Ainsi, environ 70
parlementaires ont été réunis autour de l'équipe gouvernementale dimanche
après-midi, pour tenter de faire passer le message.
("Le secrétaire d'État : des échantillons de cheveux et de sang recueillis à Damas ont été testés, et sont positifs au gaz sarin ")
Autre rendez-vous
important, lundi après-midi, Barack Obama reçoit John McCain, influent
Républicain, ancien challenger pour la présidence. S'il se dit ouvert à des
frappes sur la Syrie, il se montre bien plus réservé quant à l'objectif "limité "
de l'intervention vantée par Barack Obama, c'est-à-dire qui n'aboutirait pas au
départ de Bachar al-Assad.
Et mardi, le secrétaire d'État John Kerry et le secrétaire à la Défense Chuck Hagel témoigneront devant la commission des Affaires étrangères du Sénat.
Congrès réservé
D'ailleurs, la presse
américaine s'est faite lundi matin l'écho des hésitations des parlementaires.
Si de nombreux quotidiens sont revenus sur les preuves d'utilisation de gaz
sarin par le régime syrien, présentées par le secrétaire d'État John Kerry, les grands titres américains sont également revenus sur la division
régnant au sein du Congrès. Le Boston Globe , par exemple, titrait en une "Les
parlementaires divisés ", tandis que le Los Angeles Times revenait sur le "pessimisme "
de ces mêmes parlementaires quant au succès de la résolution présentée à partir
de lundi prochain au Congrès. Un pessimisme partagé par les "lawmakers"
cités dans le Washington Post . Le prestigieux New York Times se concentrait
quant à lui sur la course aux votes entreprise par le président.
("Editorial : Obama a raison de demander au Congrès d'approuver les frappes militaire en Syrie ")
Le risque pour Barack
Obama – qui rappelons-le n'avait pas l'obligation formelle de recueillir l'assentiment
du Congrès pour lancer une intervention – est de faire les frais de calculs
politiciens. Si le Sénat, où les Démocrates sont majoritaires, devrait selon
toute vraisemblance lui accorder son soutien, la Chambre des Représentants est
un terrain bien plus hostile. Et elle l'a prouvé ces derniers mois, en forçant
Obama à reculer sur plusieurs projets-phares, comme la loi sur les armes. L'aile droite des Républicains n'aurait aucun scrupule à
utiliser la Syrie comme moyen de frapper au cœur la politique gouvernementale.
Obama : un mandat
en jeu
Le dossier syrien
ressemble à un tournant dans le deuxième mandat de Barack Obama. En faisant
appel au Congrès, le président rompt avec les pratiques de ses prédécesseurs,
mais il met aussi son image, et la fin de son mandat, dans la balance.
Car Obama l'a dit, il est
pour une intervention en Syrie. Une intervention qui a du mal à passer dans l'opinion
américaine, encore traumatisée par les bourbiers irakien et afghan. C'est
pourquoi le président lui-même s'échine à écarter toute intervention impliquant
des troupes au sol, se limitant à une "punition " après le
bombardement chimique du 21 août près de Damas, attribué au régime. L'usage d'armes chimiques en Syrie changerait aussi la donne pour l'opinion américaine, opposée dans sa majorité à toute implication américaine.
Cela ressemble à un piège
pour Barack Obama : s'il ne recueille pas l'assentiment du Congrès, ce
sera considéré comme un désaveu. Si les parlementaires disent oui et que l'intervention
est un désastre dans une région explosive, la responsabilité sera entièrement
sur les épaules du président. Enfin, si le Congrès dit non, mais qu'Obama y va
quand même, le risque s'en retrouve multiplié. Sans compter qu'au niveau
diplomatique, les Etats-Unis se couperaient encore un peu plus de la Russie,
avec laquelle les relations sont devenues exécrables, à trois jours d'un sommet
du G20 qui s'annonce glacial à Saint-Petersbourg. L'équation, à multiples
inconnues, s'avère extrêmement délicate.
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