Syrie : Al-Qaïda expulse les rebelles d'une ville stratégique
Le rapport de force, au sein de la contestation au régime de Damas, est en passe de s'inverser, s'il ne l'est pas déjà. Azaz, une ville au nord-ouest du pays, est tombée aux mains de l'Etat islamiste d'Irak et du Levant (EIIL). Un mouvement qui revendique son appartenance à Al-Qaïda.
Une ville particulièrement stratégique
Azaz, ville de près de 40.000 habitants, avait été libérée très tôt par les rebelles, au printemps 2012. Elle était tenue par l'Armée syrienne libre (ASL), dont l'état-major est situé de l'autre côté de la frontière. C'est donc une énorme perte pour l'ASL, d'autant qu'Azaz est située sur la route qui va d'Alep à la Turquie, et représente donc un point important de ravitaillement.
Cet évènement est particulièrement marquant, puisque c'est la première fois que ce groupe djihadiste s'empare d'une ville en combattant l'Armée syrienne libre. Ici, ce sont bien deux groupes opposés au régime de Damas qui s'affrontent, alors que jusqu'à présent, ils combattaient ensemble - ils continuent d'ailleurs à le faire dans certaines régions.
"Depuis 3 mois, l'Etat Islamique d'Irak et du Levant est parti de ses bases dans le sud de la Syrie pour aller à la conquête du nord-ouest de la Syrie, c'est à dire de la province d'Alep ", explique Fabrice Balanche, géographe. "Pour cela, il est en train de chasser tous les autres bataillons, et notamment les bataillons proches de l'Armée Syrienne Libre, parce qu'il considère que ce sont des alliés des Occidentaux et donc des ennemis de l'islam ".
Un basculement du rapport de force
La prise d'Azaz couronne une série de frictions entre l'Etat islamiste d'Irak et du Levant et l'Armée syrienne libre, notamment dans le nord de la Syrie. La Coalition de l'opposition n'a pas manqué de "condamner les agressions de l'EIIL contre les forces de la révolution (...) et son mépris pour la vie des Syriens ".
Mais la voix de la Coalition, dont l'ASL fait partie, peine de plus en plus à se faire entendre. En effet, d'après une récente étude du consultant en défense américain, IHS Jane, si les forces d'opposition au régime de Bachar al-Assad rassemblent aujourd'hui environ 100.000 hommes, près de la moitié seraient des djihadistes. Et ce chiffre serait en constante augmentation.
En réalité, il est éminemment difficile de connaître la vraie proportion des uns et des autres. "*Mais si on se refère au dernier rapport sur la question, l'Armée Syrienne Libre ne contrôlerait plus que 15 % des combattants. Aujourd'hui, la rebellion syrienne serait en majorité tenue par des islamistes radicaux * ", indique Fabrice Balanche.
Quelles risques pour les Occidentaux ?
Un point qui reste également en suspens : la présence de combattants syriens parmi les rebelles. Au sein de l'Etat islamiste d'Irak et du Levant, il y a en effet des combattants irakiens, tchtétchènes, et des djihadistes internationaux. "Mais une choses est sûre, il y a de plus en plus de Syriens. Leur part est en augmentation car ils font du prosélytisme ", explique Fabrice Balanche.
D'autant que les bataillons de l'ASL sont de moins en moins en phase avec le courant majoritaire, qui s'est radicalisé depuis le début de la révolte syrienne, notamment du fait de ces combattants extérieur. Aujourd'hui, une partie de la population critique le rapprochement des rebelles avec les Occidentaux.
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Dès lors, comment faire confiance à une intervention occidentale qui fournirait des armes aux rebelles ? "I l y a de fortes chances que les armes apportées par les Occidentaux finissent dans les mains des groupes islamistes radicaux, puisque de toute façon les bataillons proches de l'ASL sont incapables de les conserver ", conclut Fabrice Balanche. "Ils ne sont pas assez puissants pour pouvoir se défendre face aux islamistes radicaux ".
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