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Comment le contre-sommet du G7 de Biarritz compte faire de l'ombre aux dirigeants mondiaux

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des opposants au G7 manifestent contre l'organisation du sommet, le 13 juillet 2019 à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). (JEROME GILLES / NURPHOTO / AFP)

Des dizaines d'organisations vont organiser fin août conférences et débats dans le secteur d'Hendaye et Irun (Espagne). Ce contre-sommet du G7 veut mobiliser la société civile.

Deux salles, deux ambiances. Pendant que les dirigeants des pays les plus puissants du monde seront reçus à Biarritz, du 24 au 26 août, quelques milliers d'opposants se retrouveront à Urrugne, 25 kilomètres plus au sud, dans un ancien camp de vacances du groupe Nestlé. Ironie du sort, après des mois de négociations avec la préfecture, les organisateurs du contre-sommet du G7 vont monter leur camp de base sur un terrain du géant de l'agro-alimentaire. "Nous sommes déjà en contact avec des fournisseurs locaux, sourit Laurent Thieulle, membre d'Attac au Pays basque, en ajoutant que les cantines "s'appuieront sur des circuits courts".

Qui dit sommet, dit contre-sommet. Dès le 19 août, plusieurs milliers de mécontents et d'opposants se réuniront dans un triangle transfrontalier compris entre Urrugne, Hendaye et Irun (Espagne). "Arnaque de communication", "absence de légitimité démocratique", "autoritarisme et répression"... Particulièrement remonté contre le bilan des dirigeants conviés à Biarritz, Laurent Thieulle ne croit pas à l'efficacité des grands sommets internationaux pour traiter les grands enjeux mondiaux. "Le thème du G7 est la lutte contre les inégalités. Pour résoudre les problèmes, on demande aux populations de faire confiance à ceux qui les ont créés."

Qu'est-ce qui a pu leur passer par la tête pour imposer un G7 au Pays basque, une terre avec une vieille tradition de lutte militante ? On dirait qu'ils viennent nous narguer.

Laurent Thieulle, membre d'Attac Pays basque (plateforme locale)

à franceinfo

Le camp de base d'Urrugne a fait l'objet de négociations. "Nous avions évoqué la possibilité d'occuper illégalement un terrain, mais la plateforme a voulu passer par une solution légaliste. Cela rassurait au passage les mouvements les plus anciens et institutionnels." Les débats et les conférences, eux, seront organisés à la fois à Hendaye et au parc des expositions Ficoba d'Irun (Espagne), quelques centaines de mètres après la frontière. Les participants devront emprunter une navette mise en place par le syndicat intercommunal de transports.

Un large espace de débats et de discussions

Le site d'Urrugne peut accueillir une dizaine de milliers de personnes mais pour l'heure, impossible de savoir combien de militants répondront à l'appel lancé par la plateforme locale G7 Ez ! ("non au G7" en basque) et la plateforme nationale Alternatives G7, où figurent notamment Attac et CCFD-Terre Solidaire. Quelques centaines de militants sont déjà inscrits mais ils devraient être beaucoup plus nombreux à la fin du mois. Le site est mal desservi et accessible uniquement par une petite route, ce qui pose des problèmes logistiques. En prévision, des agriculteurs ont accepté de mettre à disposition des terrains pour accueillir les voitures.

Du côté de la mairie d'Urrugne, on accueille avec circonspection une décision qui lui a été imposée. Le site retenu est situé près d'un centre d'une soixantaine de logements Pierre & Vacances occupés par des touristes. "Des représentants sont venus nous exprimer leurs craintes, notamment en ce qui concerne les nuisances sonores, explique Francis Gavilan, premier adjoint. Et puis on a la crainte de voir notre corniche souillée. C'est un site protégé unique sur la côte basque." Mais la question de la sécurité est évidemment centrale. Des appels sont déjà lancés sur les réseaux sociaux pour "saborder" le G7, à l'invitation notamment de groupes antisfascistes ou liés au mouvement des Zad (zones à défendre, comme il s'en est créé sur le site de Notre-Dame-des-Landes).

Lors des premiers G7, les dirigeants pensaient être les maîtres du monde. C'est beaucoup moins fort aujourd'hui. Nous jouons donc sur les capacités de mobilisation de la société civile.

Annick Coupé, Attac (plateforme nationale)

à franceinfo

Début juin, le préfet des Pyrénées-Atlantiques Eric Spitz avait assuré qu'aucune manifestation ne serait tolérée dans la zone Bayonne-Anglet-Biarritz. Les organisateurs ont toutefois obtenu l'autorisation de défiler le 24 août à Hendaye. Un test grandeur nature pour les organisateurs du contre-sommet. "Nous avons un consensus d'action pacifique et nous allons tout faire pour que les choses se passent bien", insiste Annick Coupé (Attac), de la plateforme nationale. Elle ajoute que les "peurs et les craintes reposent visiblement" sur la possible présence de black blocs, mais que ces réseaux "ne sont pas dans la plateforme".

Pour occuper le terrain médiatique, les organisateurs du contre-sommet du G7 misent sur des opérations de "désobéissance civile". Ils prévoient notamment de se rendre aux abords de la zone bleue restreinte de Biarritz et d'occuper sept places publiques dans un périmètre pourtant interdit aux manifestations, qui sera rebaptisé "zone arc-en-ciel" à cette occasion. "Nous allons essayer de donner le maximum de visibilité à certains temps forts", explique Annick Coupé. Les différentes organisations et associations sont également susceptibles de lancer leurs propres actions, à titre individuel.

Manifestations et pétitions

C'est notamment le cas de l'association Bizi !, qui prévoit notamment à Bayonne une "marche des portraits" d'Emmanuel Macron dérobés ces derniers mois dans les mairies, écoles et administrations françaises par des militants. Txetx Etcheverry veut ainsi "profiter de la caisse de résonnance du G7 et de la présence de 3 500 journalistes pour démonter l'image d'un président qui se dit en pointe sur les questions environnementales", alors que selon lui sa politique va en sens contraire. Une pétition a également été lancée à l'attention de la population pour dénoncer les perturbations liées au sommet, d'ailleurs organisé en plein pic d'activité touristique.

Stratégiquement, il ne faut pas que le match se résume à une opposition entre l’Etat et les militants altermondialistes. A côté de cette pétition, on imagine des modes d'action basés sur l'imagination, l'humour et la participation du plus grand nombre.

Jean-Noël Etcheverry dit "Txetx", responsable de Bizi

à franceinfo

Les organisateurs veulent également tendre la main au monde syndical et aux mouvements sociaux. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, participera à une conférence pour évoquer la situation en France et des appels sont lancés auprès de certains représentants des "gilets jaunes", qui devraient donc s'exprimer pendant ce contre-sommet.

Les associations et organisations sont bien conscientes qu'il sera difficile de s'approcher de Biarritz, en raison de l'impressionnant dispositif policier déployé dans la ville basque. Mi-juillet, plusieurs centaines d'opposants au G7 ont donc effectué un baroud d'honneur dans la ville. "C'est certainement une des dernières manifestations dans Biarritz avant que la ville ne soit fermée, donc c'est important de dire aux gens qu'il faut se mobiliser, parce que c'est eux qui seront les plus embêtés dans cette ville militarisée", résumait alors Eñaut Arramendi, du syndicat basque LAB.

Des centaines d'opposants au G7 ont défilé à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), le 13 juillet 2019. (IROZ GAIZKA / AFP)

En repérages à Biarritz, deux semaines plus tôt, Christophe Castaner avait annoncé la couleur. "On se prépare à l'hypothèse de contre-manifestations, si elles sont violentes nous les neutraliserons", avait expliqué le ministre de l'Intérieur, tout en évoquant le déploiement de forces "pour gérer les différents sites à Biarritz et dans d'autres communes". La police basque et le syndicat espagnol des transports routiers ont d'ores et déjà déconseillé les trajets au Pays basque français durant la période et la frontière fera l'objet de sérieux contrôles.

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