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Séismes en Turquie et en Syrie : comment expliquer que certains survivants ont tenu plusieurs jours sous les décombres

Plusieurs facteurs influencent les chances de survie. Le niveau de blessures bien sûr, mais aussi la présence d'air et d'eau, la météo ou encore la force mentale de la personne.
Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des secouristes cherchent des survivants après un séisme, le 15 février 2023, à Hatay (Turquie). (MUSTAFA YILMAZ / ANADOLU AGENCY / AFP)

Et soudain, au milieu de l'effroi et l'horreur, des moments de joie intense. Trois personnes ont été retrouvées vivantes, samedi 18 février, sous les décombres d'un immeuble effondré à Hatay, dans le sud de la Turquie, soit treize jours après les tremblements de terre qui ont secoué la Turquie et la Syrie. Mardi, un couple de Syriens a été retrouvé vivant. Lundi, c'est une femme qui a pu sortir à l'air libre après avoir passé 175 heures dans le froid, coincée sous les gravats. "A chaque fois, on est nous-même incrédules tellement cela paraît complètement dingue", reconnaît Hervé Roy, médecin-urgentiste qui a notamment été mobilisé après les séismes au Népal en 2015, à Haïti en 2010 ou en Iran en 2003.

Comment ces miraculés ont-ils pu survivre autant de temps dans pareilles conditions ? En réalité, "cela va dépendre de plusieurs facteurs", détaille celui qui dirige l'équipe médicale de l'ONG Secouristes sans frontières. "A commencer par le niveau de blessures : les victimes coincées qui sont blessées, qui perdent du sang, ont malheureusement peu de chances de survivre. En revanche, les victimes coincées mais non blessées peuvent s'en sortir."

L'air peut circuler dans les décombres, même dans une immense poche de béton. "J'étais calme. Je savais que je serai sauvé. J'ai prié. Il était possible de respirer sous les ruines", a ainsi raconté un miraculé turc à la chaîne NTV. Néanmoins, "plus les heures passent, plus le problème de la déshydratation va se poser", poursuit Hervé Roy. L'urgentiste fait remarquer que les survivants de longue durée ont tous en commun la chance d'avoir pu trouver une source d'eau, même faible.

"Le fait qu'il a plu juste avant le séisme a sauvé des vies. Des victimes ont pu boire l'eau qui ruisselait."

Hervé Roy, urgentiste

à franceinfo

Aussi, sans possibilité de bouger, le corps humain va se mettre à ralentir. "Les victimes vont réduire au maximum leurs besoins énergétiques et donc prolonger leur durée de vie dans ces conditions extrêmes", continue le médecin. Mais les conditions hivernales en Turquie rendent la situation bien pire : il fait jusqu'à - 4°C la nuit.

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L'importance de la force mentale

Pour expliquer les longues périodes d'enfermement des survivants, un facteur est souvent sous-estimé : la force mentale. Arnaud Fraisse n'a ainsi pas oublié Hotteline, "cette dame sortie vivante après huit jours passés sous les décombres en Haïti en 2010". "Elle nous a expliqué qu'elle s'était mise dans une posture de survie, qu'elle priait beaucoup, qu'elle savait qu'on finirait par arriver. Elle avait un mental d'acier", rejoue, encore ému, le fondateur de Secouristes sans frontières.

"J'étais allongée par terre dans un supermarché dans le noir sans pouvoir bouger, mais j'avais assez d'espace pour respirer. J'ai passé les jours sans manger ni boire."

Hotteline, une survivante haïtienne

à franceinfo

La survivante raconte aussi avoir "essayé après deux jours de boire de l'urine, mais le goût n'était pas bon du tout, et j'ai laissé tomber". "Je ne faisais que chanter, prier et appeler au secours", poursuit-elle, assurant que sa foi l'a aidée à tenir pendant ces longues heures sous les décombres. "C'est ma foi qui m'a sauvée, c'est cette même foi qui m'a fait tenir aussi longtemps sans manger ni boire. Là où j'étais je me répétais sans cesse cette phrase pleine d'espoir : 'Je ne vais pas mourir, je dois vivre pour raconter au monde entier cette expérience'."

Le risque du "syndrome d'écrasement"

Une autre réalité aussi : rien ne garantit le maintien en vie a posteriori. Ceux qui ont été sauvés des décombres peuvent notamment mourir à cause du "syndrome d'écrasement". "Ce phénomène se produit fréquemment lors de catastrophes telles que les tremblements de terre, chez des personnes qui ont été piégées sous des maçonneries tombées ou en mouvement", explique le docteur Jetri Regmi, du programme d'urgences sanitaires mondiales de l'OMS, à la BBC (en anglais)

Après avoir été dégagés des décombres, les organes écrasés produisent en effet des toxines qui vont se répandre dans l'organisme. Les conséquences peuvent dépendre de la durée et l'intensité de la compression. "Il peut y avoir des troubles du rythme cardiaque et donc un arrêt cardiaque et donc la mort", commence par évoquer Hervé Roy.

"Cela peut bloquer les reins et donc donner une insuffisance rénale aiguë qui nécessite une dialyse pour épurer l'organisme. Cela peut aussi provoquer des atteintes musculo-nerveuses."

Hervé Roy, urgentiste

à franceinfo

A propos des survivants retrouvés en Syrie et en Turquie, Hotteline dit ressentir "de la joie pour eux et un sentiment de reconnaissance qui se renouvelle pour les secouristes qui ont risqué leur propre vie pour nous". Elle a d'ailleurs noué une relation d'amitié avec Arnaud Fraisse, son sauveteur : "Elle va bien, elle vit à Boston, aux Etats-Unis. Je l'ai régulièrement au téléphone."

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