Sarajevo, vingt ans après
Rarement guerre aura
autant mobilisé. Ecrivains, intellectuels, artistes, cinéastes: tout au long du
siège ils se sont succédé à Sarajevo. Pour dénoncer l'inertie de la communauté
internationale. Et l'horreur de cette guerre qui a mis bien du temps à dire son
nom.
Sarajevo, ce fut le plus
long siège de l'histoire récente. Près de quatre ans, 1.390 jours, ponctués de négociations,
cessez-le-feu, reprise des combats... Du 6 avril 1992 au 29 février 1996, ses
habitants ont vécu sans eau, sans électricité. Dans la hantise d'être tués par
une balle de sniper, ces tireurs serbes embusqués tout en haut des immeubles,
capables de faire mouche à 500m de distance.
Une paix toujours précaire
Aujourd'hui, 11.541
morts plus tard, Sarajevo a recouvré la paix. Les accords de Dayton, signés le
14 décembre 1995, ont prévu une partition du territoire, la Bosnie-Herzégovine,
entre la Fédération de Bosnie et Herzégovine (croato-musulmane) et la
République serbe de Bosnie. Un statu quo qui n'a fait qu'officialiser la
partition imaginée en son temps par les Serbes - la fameuse épuration ethnique.
Ainsi, Sarajevo, qui comptait avant-guerre 50% de Musulmans, 33% de Serbes, 7% de Croates, est aujourd'hui musulmane à 90%. L'épuration ethnique a bien eu
lieu, se désole Jovan Divjak. Général à la retraite, il est l'un des (rares) Serbes à avoir pris la défense de Sarajevo assiégée, et à y être resté pendant toute la guerre. Aujourd'hui, il dirige une ONG, L'éducation construit la Bosnie-Herzégovine, qui distribue des bourses d'études aux orphelins de la guerre. Il rappelle, amer, que Milorad Dodik, le président de la Republika Srpska, répète à qui veut l'entendre que "Sarajevo n'est pas (m)a capitale", qu'il préfère Belgrade...
"La purification ethnique a été efficace" , enchaîne Srdan Dizdarevic. Aujourd'hui directeur de la Maison des droits de l'Homme de Sarajevo, ancien diplomate, il fait le même constat. "Une des ethnies domine numériquement, ce qui n'était pas le cas avant" .
On estime que la guerre a fait quelque 2,2 millions de réfugiés. Déplacés d'une région à une autre, pour se retrouver avec les leurs. Pas forcément par choix, d'ailleurs. Juste pour éviter les brimades.
Bientôt dans l'Europe ?
Inscrit dans les mémoires, le multiculturalisme ferait-il définitivement partie du passé ? Il semble en tout cas l'apanage d'une certaine partie de la population, bourgeoise ou intellectuelle. Celle-là même qui appelle de ses vœux une entrée dans l'Union européenne.
Car les accords de Dayton ont tout figé. Les dirigeants politiques actuels semblent incapables d'en sortir. Bref, un coup de pouce extérieur serait le bienvenu. D'autant que les pays voisins ont déjà franchi le pas : la Slovénie fait partie de l'UE depuis 2004 ; la Croatie y entre l'an prochain, le 1er juillet 2013.
"La seule possibilité qui s'offre à nous, c'est ce rapprochement à l'Europe" , estime Srdan Dizdarevic, qui européanisera la Bosnie. Sauf que, ajoute-t-il, "l es actuels hommes politiques bosniens craignent l'Europe" parce que "l'Europe veut dire la fin de la corruption, le fonctionnement des tribunaux" ...
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