Cet article date de plus de cinq ans.

Rencontre Poutine-Macron à Brégançon : "Je pense qu'ils parleront cash de tous les sujets", estime un ancien ambassadeur de France en Russie

Alors que le président français reçoit ce lundi le président russe au Fort de Brégançon, Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie, estime que les deux présidents ont intérêt à cette rencontre.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron dans la galerie des Batailles, au château de Versailles, le 29 mai 2017. (STEPHANE DE SAKUTIN / POOL)

"Je crois qu'il y a un intérêt commun d'Emmanuel Macron et de Vladimir Poutine à avoir cette rencontre", affirme lundi 19 août sur franceinfo Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie, alors le président français reçoit ce lundi le président russe au fort de Brégançon.


franceinfo : Comment expliquez-vous cette volonté d'Emmanuel Macron de réconcilier à tout prix la Russie et l'Europe ?

Claude Blanchemaison : Je crois qu'il y a un intérêt commun d'Emmanuel Macron et de Vladimir Poutine à avoir cette rencontre. Macron a tenu à inviter Poutine pour faire connaissance avec lui, quelques semaines après son installation à l'Elysée, en l'invitant à Versailles. L'année suivante, il a été l'invité d'honneur du forum des investissements de Saint-Pétersbourg, que préside Poutine depuis 20 ans, puisqu'il y a 20 ans qu'il est au pouvoir. Et dans son discours à Saint-Pétersbourg, devant Poutine, il a plusieurs fois répété qu'il voulait arrimer la Russie à l'Europe, qu'il ferait tout pour arrimer la Russie à l'Europe. Alors en effet Poutine avait un air un peu dubitatif, mais pour qui connaît Poutine, c'est un homme concret. Dans le fond il approuve l'idée d'arrimer à l'Europe, mais ça fait un moment qu'il entend ce discours, ça fait 20 ans d'ailleurs. À l'époque où j'étais en poste nous étions allés très loin, en 2003, jusqu'à ouvrir une négociation entre l'Union européenne et la Russie sur l'instauration d'un espace économique commun. Ce n'est pas rien.

On aurait pu faire un espace économique commun à la carte, ce n'était pas nécessairement le libre échange, mais cela voulait dire quand même quelque chose. Cette négociation a capoté, pour des raisons qui sont à la fois européennes et russes. Son scepticisme est un scepticisme de pragmatique. Arrimer la Russie à l'Europe, très beau discours, très bien, mais que faites-vous concrètement pour y parvenir ? Alors il y a eu un élément concret qui est intervenu en juin dernier, c'est le fait que les députés russes ont été réintégrés dans leur droit de vote à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il y a là une polémique : est-ce que c'était bien ou pas ? Est-ce qu'il fallait le faire ? Ce n'est jamais le bon moment. Cela dit, pour les Russes qui s'opposent à Poutine et qui font des recours à la Cour européenne des droits de l'homme, pour eux c'était une bonne décision. Parce que si la Russie était sortie du Conseil de l'Europe, ils ne pourraient plus faire de recours individuels devant la Cour européenne des droits de l'homme. Recours que très souvent les Russes gagnent et le gouvernement russe accepte la règle du jeu. S'il y a une amende, ils paient l'amende.

En 2014, la Russie a été exclue du G8 - devenu G7 - suite à l'annexion de la Crimée, et ce G7 a lieu dans quelques jours. Emmanuel Macron peut-il vraiment s'autoriser ce dialogue avec le président russe ?

Il joue son rôle de président technique du G7 puisque l'année prochaine ce sera le président américain, ça tourne chaque année. Donc il pourrait dire à ses six collègues qu'il vient de lui parler pendant plusieurs heures, qu'il lui a posé un certain nombre de questions. Voilà les sujets sur lesquels il est intransigeant, mais voilà aussi les sujets sur lesquels il est prêt à faire mouvement. [L'avis de Vladimir Poutine] compte, on vient de le voir en Syrie, où il est absolument incontournable. En Iran et partout au Proche-Orient, au Moyen-Orient d'une manière générale, il est incontournable. La Russie est un acteur traditionnel, Poutine ou pas Poutine. Poutine n'est pas éternel et c'est de ça dont il faut tenir compte. Nos rapports avec le grand voisin russe sont très importants, Poutine ou pas Poutine. Et en ce moment il se trouve que c'est Poutine qui est au pouvoir.

Emmanuel Macron cherche à s'imposer comme le principal interlocuteur de Vladimir Poutine en Europe, mais l'est-il dans les faits ?

Probablement, mais c'est dû aux circonstances. C'est dû au fait que la chancelière Merkel, qui est généralement d'accord avec les analyses de Macron sur la Russie, n'est pas en position de force sur le plan de la politique intérieure allemande. Et puis Boris Johnson essaie de se débrouiller de l'affaire du Brexit qui devient de plus en plus compliquée. Donc ce ne sont pas des interlocuteurs extrêmement manœuvrants pour Vladimir Poutine. Il est clair que Macron a devant lui plusieurs années au pouvoir. Dans le fond, tout les oppose sur le plan psychologique. Sauf que Poutine doit avoir une certaine admiration pour la façon dont monsieur Macron est arrivé au pouvoir, à un âge jeune comme lui-même est arrivé au pouvoir à un âge très jeune, et ces questions de pouvoir l'intéressent. L'un comme l'autre sont capables de parler cash, c'est-à-dire de parler des sujets qui fâchent comme des sujets sur lesquels il y a des convergences, et je pense qu'ils parleront cash de tous les sujets.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.