Présidentielle en Russie : ce qu'il faut retenir de la large réélection sans surprise de Vladimir Poutine

Le président sortant a été réélu à la tête de la Russie pour un cinquième mandat. Il a obtenu 87,28% des voix et a confirmé sa mainmise sur un pays plus que jamais engagé dans son conflit avec l'Ukraine.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président russe Vladimir Poutine lors d'un point-presse, à Moscou, le 18 mars 2024. (NATALIA KOLESNIKOVA / AFP)

Six ans de plus. Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie pour un cinquième mandat, dimanche 17 mars. Le maître du Kremlin, au pouvoir depuis vingt-quatre ans, a récolté 87,28% des suffrages, selon les résultats officiels définitifs, communiqués lundi par la Commission électorale russe. Il s'agit de son meilleur résultat, à l'issue d'un scrutin dans lequel l'opposition a été écartée, malgré quelques rares tentatives de faire entendre une voix différente. Franceinfo vous résume ce qu'il faut retenir de cette élection.

Une large victoire sans surprise 

Ce scrutin qui s'est déroulé sur trois jours, de vendredi à dimanche, s'est terminé, comme attendu, par la victoire du président sortant. Avec 87,28% des suffrages, Vladimir Poutine a estimé lundi que les résultats de la présidentielle en Russie démontraient la "confiance" des Russes dans son pouvoir. "Nous avons beaucoup de tâches concrètes et importantes à accomplir. Les résultats de l'élection témoignent de la confiance des citoyens du pays et de leur espoir que nous ferons tout ce qui est prévu", a-t-il déclaré dans un discours télévisé dans la nuit de dimanche à lundi. La participation, elle, a été annoncée à 74,22%.

Vladimir Poutine bat ainsi son record précédent de 2018 (76%) et s'il ne lui arrive rien d'ici à la fin de son mandat, en 2030, le dirigeant aura dépassé le record de longévité au Kremlin de Joseph Staline. "Ce n'est pas une élection, mais une farce. Il n'y a pas d'opposants, pas de médias libres, pas de contrôle indépendant des urnes", a constaté dimanche sur franceinfo Jean-Maurice Ripert, ancien ambassadeur de France en Russie, en 2013 et 2017.

Des pouvoirs encore renforcés

Vladimir Poutine sort renforcé de cette élection et apparaît encore plus comme le maître de la Russie. "Peu importe qui veut nous intimider ou à quel point, peu importe qui veut nous écraser ou à quel point, (...). Personne n'a jamais réussi à faire quelque chose de semblable dans l'histoire. Cela n'a pas fonctionné aujourd'hui et ne fonctionnera pas à l'avenir", a lancé le président, âgé de 71 ans, lors de son discours dimanche. Les candidats d'opposition ont été "éliminés", et "la question du comptage des bulletins, voire l'invention des résultats" se pose, a avancé Aude Merlin, professeure en sciences politiques à l'université libre de Bruxelles.

Cette réélection est surtout le signe d'un "durcissement du régime poutinien" et d'une "société entraînée vers la spirale du totalitarisme", a observé sur franceinfo Andreï Kozovoï, professeur d'histoire russe à l'université de Lille. "La force de Vladimir Poutine est d'abord dans cette peur", qu'il installe de plus en plus au sein de la population russe, a mis en garde l'historien. Une peur qui pourrait bien durer, puisque Vladimir Poutine pourra se représenter après ce nouveau mandat pour se maintenir potentiellement au pouvoir jusqu'en 2036, grâce à une modification sur mesure de la Constitution adoptée par référendum à l'été 2020.

Concernant la situation en Ukraine, Vladimir Poutine, grâce à cette réélection, "se sent les coudées franches" pour son intervention militaire, a estimé Andreï Kozovoï. Dans son discours, le dirigeant a d'ailleurs salué les soldats combattant en Ukraine, qui "risquent leur vie" pour "protéger les territoires historiques de la Russie". Il a également estimé que les forces russes, à l'offensive depuis la prise d'Avdiïvka mi-février face à une armée ukrainienne en manque d'hommes et de munitions, avaient "entièrement l'initiative" sur le front.

Un scrutin perturbé par des incidents isolés

Cette période de vote ne s'est pas déroulée totalement dans le calme. Le scrutin a, en effet, été marqué par des bombardements ukrainiens meurtriers et des incursions de combattants armés se disant être des Russes pro-Ukraine dans des régions russes frontalières. Dimanche matin, une adolescente de 16 ans a été tuée dans une attaque aérienne sur la ville de Belgorod, proche de la frontière et très souvent prise pour cible. Dans l'après-midi, une autre personne est morte et 19 autres ont été blessées dans cette même région.

En Russie, l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi de la répression, a fait état d'au moins 85 interpellations pour diverses formes d'actions de protestation électorales. Des incidents isolés ont été repérés, notamment à Moscou où une femme a été interpellée après avoir "mis le feu" à un isoloir, a annoncé l'agence de presse Ria Novosti. Toujours à Moscou, une habitante âgée de 20 ans a été arrêtée après avoir aspergé d'un "liquide colorant" des bulletins déposés dans des urnes, a annoncé dans un communiqué le ministère de l'Intérieur russe.

A Saint-Pétersbourg, une jeune femme a lancé un cocktail Molotov à l'entrée d'un bureau de vote dans une école, sans faire de victimes, selon un responsable local. Elle a ensuite été arrêtée, d'après le média local Fontanka. 

Une opposition mobilisée, mais sans influence

Symbole d'une opposition muselée, les trois autres candidats à l'élection présidentielle étaient sélectionnés par le Kremlin et sur la même ligne que celui-ci. Aucune place n'a été laissée aux contradicteurs. Principal adversaire de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny est mort en février, un "événement triste" selon le président russe, qui a déclaré qu'il avait été favorable à l'idée de l'échanger avec les Occidentaux. "Il n'y avait qu'une condition : que nous l'échangions pour qu'il ne revienne pas", a-t-il lancé.

La veuve de l'opposant politique numéro 1, Ioulia Navalnaïa, avait appelé les partisans d'Alexeï Navalny à se montrer en nombre en allant tous voter au même moment, dimanche à midi, contre le maître du Kremlin. Elle-même a voté après plusieurs heures d'attente dans une foule immense à l'ambassade de Russie à Berlin. "J'ai écrit (sur le bulletin de vote) le nom 'Navalny' parce qu'il n'est pas possible (...) qu'un mois avant les élections, le principal opposant à Poutine, déjà emprisonné, soit tué", a-t-elle déclaré à la presse après avoir voté. L'équipe d'Alexeï Navalny a déclaré que le score obtenu par Vladimir Poutine à la présidentielle russe n'avait "pas de lien avec la réalité".

Vladimir Poutine a assuré lundi que les actions de protestation à l'appel de l'opposition n'avaient eu "aucun effet" sur la présidentielle, tout en menaçant de poursuites ceux qui ont gâché des bulletins de vote. "Il s'agit d'une infraction pénale et nos forces de l'ordre et nos instances judiciaires agiront conformément à la loi", a-t-il menacé.

L'Europe déplore des élections inéquitables, la Chine félicite Poutine

Les réactions internationales après cette réélection se sont multipliées. La France a déploré lundi que "les conditions d'une élection libre, pluraliste et démocratique" n'aient pas été "une nouvelle fois" réunies. Le ministère des Affaires étrangères a en outre salué "le courage des nombreux citoyens russes ayant manifesté pacifiquement leur opposition à cette atteinte à leurs droits politiques fondamentaux".

La réélection de Vladimir Poutine est basée sur "la répression et l'intimidation", a, de son côté, déclaré lundi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, David Cameron, a, lui, dénoncé dès dimanche "l'organisation illégale d'élections sur le territoire ukrainien, l'absence de choix pour les électeurs", et "l'absence de contrôle indépendant de l'OSCE", l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

La Pologne a réagi en affirmant que cette élection n'était "pas légale, libre et équitable", ajoutant que le scrutin s'était déroulé "dans un contexte de répressions sévères" et dans les régions occupées de l'Ukraine, en violation du droit international. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a, lui, estimé que Vladimir Poutine était un homme "ivre de pouvoir" voulant "régner éternellement". Les Etats-Unis ont critiqué la tenue du scrutin dans les territoires ukrainiens occupés par Moscou.

Les dirigeants du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba et de Bolivie ont de leur côté félicité Vladimir Poutine pour sa réélection, tout comme la Chine, qui a exprimé "ses félicitations", selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois. "Nous sommes convaincus que, sous la direction stratégique du président Xi Jinping et du président Poutine, les relations entre la Chine et la Russie continueront à progresser", a-t-il ajouté.

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