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Guerre en Ukraine : à quoi ressemblait le pays il y a 31 ans, lors de sa déclaration d'indépendance ?

Le 24 août 1991, les Ukrainiens proclament leur indépendance face à l'Union soviétique. Si le pays est déjà une grande terre agricole, il n'a pas encore le poids géopolitique qu'on lui prête aujourd'hui.

Article rédigé par franceinfo - Salomé Boulet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des Ukrainiens manifestent devant le siège du comité central du Parti communiste, le 25 août 1991, à Kiev. (ANATOLY SAPRONENKOV / AFP)

Retour en arrière. Six mois jour pour jour après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré que son pays se battrait "jusqu'au bout" pour reconquérir tout son territoire, dans un discours à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance ukrainienne vis-à-vis de l'URSS, en 1991.

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Si ce Jour de l'indépendance intervient dans un contexte de forte tension - l'Ukraine redoutant de possibles provocations russes -, cela tranche avec l'ambiance dans les rues de Kiev, il y a 31 ans : les Ukrainiens sortaient dans les rues pour célébrer la fin de l'ère soviétique. À ce moment-là, à quoi ressemblait alors l'Ukraine ? 

Un long chemin vers l'indépendance

C''est ce qu'on appelle le "Maidan" de granit, du nom de l'importante place au coeur de Kiev, où se réunissaient les manifestants. Il était 17h, le 24 août 1991, lorsqu'en pleine session extraordinaire de la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, le ton monte, les esprits s’échauffent. Des cris fusent : en plein effondrement, l'URSS vit ses dernières heures, et l’indépendance de l’Ukraine est décrétée. Dans un pays qui se remet encore de la catastrophe de Tchernobyl, survenue dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, et a qui alors inscrit son nom sur la carte de nombreux occidentaux, c'est l'épilogue de manifestations monstres de Lviv à Kiev pour la démocratie.

Des Ukrainiens célèbrent l'indépendance du pays, le 25 août 1991 à Kiev. (ANATOLY SAPRONENKOV / AFP)

"Le 24 août 1991, les Ukrainiens ont saisi très rapidement une opportunité de prendre leur indépendance offerte par l'Histoire, précise ainsi Antoine Arjakovsky, historien et directeur de recherche au Collège des Bernardins, invité de franceinfo. Le 19 août, un putsch du parti communiste de l'époque a lieu à Moscou et échoue au bout de trois jour, Boris Elstine en sort vainqueur. Très vite, les Ukrainiens comprennent que c'est leur chance, les députés se réunissent, proclament l'indépendance de l'Ukraine", précise le spécialiste.

Et c'est ce 24 août 1991 que Mikhaïl Gorbatchev, démissionnaire du poste de secrétaire général du parti, dissout le Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique. Effet domino oblige : le Conseil suprême de l'Ukraine promulgue alors la déclaration d'indépendance de l'Ukraine, marquant ainsi le début de la fin de l'URSS. Il faudra toutefois attendre quelques mois pour la formation d'un gouvernement. 

Un pays sans Constitution ni armée

Le 1er décembre 1991, 90,3% des citoyens votent en faveur de leur indépendance. Le premier président de l’Ukraine est élu. Il s’agit de Leonid Kravtchouk, l’ancien président du Conseil suprême ukrainien. De nombreux défis attendent cet apparatchik du régime soviétique qui s’est rallié à la cause nationaliste : établir une Constitution, reconstruire l’appareil administratif, gérer la transition économique, créer une armée... Avant l’indépendance, les réserves militaires de l’Ukraine étaient dirigées depuis Moscou. En 1992, les anciennes forces armées de l’Union soviétique sont partagées entre les nouveaux Etats souverains : l’Ukraine se dote ainsi d’une des armées de terre les plus puissantes d’Europe.

"Il faut bien rappeler que tous les territoires étaient favorables à l'indépendance, avec la Crimée et le Donbass. Cela a précipité la fin de l'Union soviétique le 26 décembre et le début de la nouvelle histoire de l'Ukraine", rappelle Antoine Arjakovsky. Jusqu’en 1989, le parti communiste ukrainien est alors le parti unique sur le territoire. En proclamant l’indépendance, les parlementaires exigent la dissolution de ce groupe politique. Si le parti a réussi à se reformer en 1993, et à devenir majoritaire aux élections législatives suivantes, il a été de nouveau interdit en 2015. En cause : une loi entrée en vigueur en mai 2015 portant sur la pénalisation de l’utilisation de symboles communistes ou nazis. 

Une femme tient le portrait du futur premier président ukrainien, Leonid Kravtchouk, le 30 novembre 1991 à Kiev. (SERGEY SUPINSKI / AFP)

Le "grenier à blé" de l’Union soviétique

Antoine Arjakovsky l'assure : "Les Ukrainiens se sont beaucoup battus depuis pour réaffirmer le fait qu'ils ont une histoire propre et millénaire, qu'ils ont une identité et une culture propres, distinctes de leurs voisins, la Russie et de la Pologne." Il faut dire qu'avant d'être une république à part entière, le pays, dont le drapeau représente un ciel bleu au-dessus d'un champ de blé, était avant tout le "grenier à blé" de Moscou. En effet, si l’indépendance ukrainienne sonne le glas de l’URSS, l’Union soviétique perd dans le même temps son premier fournisseur de céréales.

D'ailleurs, depuis une vingtaine d'années, la puissance agricole de l'Ukraine n'a fait que se renforcer. Aujourd’hui, l'Ukraine est le plus grand pays agricole du continent européen avec ses 41,5 millions d'hectares de surfaces agricoles utiles. Chaque année, ce sont 74% du blé ukrainien qui partent à l'étranger, notamment en Afrique.

Un "soft power" très faible

En 1991, peu d’Ukrainiens sont des célébrités en dehors des frontières du pays. Le plus célèbre est sans doute l’athlète Sergueï Bubka, spécialiste du saut à la perche. S’il concourait alors sous le maillot de l’URSS, il devient le premier athlète à franchir la barre des six mètres, le 13 juillet 1985. Il bat 35 fois le record du monde de saut à la perche, entre 1984 et 1994, fixant, finalement, un record à 6m15 en salle. De son côté, en 1991 Volodymyr Zelensky n'a que 13 ans et n'a pas encore commencé ni le théâtre, ni la politique.

Serguei Bubka, alors sous le maillot de l'URSS, aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988. (MARC CARDWELL / AFP)

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