Ukraine : à quoi sert l'Otan ?
Le traité créant l'Otan (NATO en anglais) est signé à Washington le 4 avril 1949 à la suite de négociations entre d’un côté la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni et de l’autre le Canada et les Etats-Unis. Nous sommes au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
L’Alliance, organisation politico-militaire, a pour but d’assurer une défense commune des pays membres, avec un arrière fond idéologique très clair: «Maintenir les Russes loin, les Américains ici et les Allemands faibles», résumait l’Anglais Ismay, premier secrétaire général de l’Organisation.
Comme tout bon traité militaire, toute agression contre un de ses membres est considérée comme une agression par les autres pays membres. L'article 5 de la charte de l'Otan précise : «Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles (...) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées (...) y compris (par) l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.»
Même si l’adversaire n’est pas officiellement désigné, l’URSS est considérée comme la menace potentielle de l’Otan. La Guerre froide vit ses prémices : le blocus de Berlin-Ouest par l’URSS a duré de juin 48 à mai 49 et le Coup de Prague (12 février 1948) fait basculer la Tchécoslovaquie dans le camp soviétique. Le rideau de fer annoncé par Churchill a réellement coupé l'Europe (et une partie du monde) en deux camps.
Paris capitale de l’Otan
En 1952, le siège de l’organisation est basé à Paris. Tandis que la partie militaire de l’organisation est basée à Rocquencourt. Plus la séparation entre le camp soviétique et la zone américaine s’accroît, plus l’Otan se développe. Entrent dans l’organisation l’Allemagne (de l’Ouest) et des pays loin de l’Atlantique-Nord comme la Turquie, la Grèce.
L’Otan sera obligée de déplacer son siège pour Bruxelles en 1966 après la décision du président Charles de Gaulle de rompre avec le commandement intégré de l’Organisation. La partie militaire quitte aussi la France pour la Belgique. A l’époque, les socialistes français s’opposent à cette rupture tandis que sur la gauche (communiste notamment) la critique de l'Otan rencontre un écho très positif du fait de la domination de l'Organisation par les Etats-Unis.
L’Otan n’a finalement jamais participé à des combats contre le bloc soviétique qui a aussi construit sa propre alliance avec le pacte de Varsovie. L'équilibre de la terreur a sans doute joué son rôle. La plus grave tension qu’ait eu à résoudre l'Organisation a finalement été le conflit larvé entre deux de ses membres, la Grèce et la Turquie…
L’écroulement de l’URSS
La chute du mur de Berlin en 1989, puis la fin de l’URSS, oblige l’Otan à gérer les demandes d’adhésion des pays qui se détachent de l’ex-Union soviétique. En 1999, d’anciennes «démocraties populaires» rejoignent l’Otan, comme la Hongrie ou la Pologne.
Pour la première fois, l’Otan intervient militairement en tant que telle en 1999. Des pays membres de l’alliance (dont la France qui se rapproche de l'Otan jusqu'à y reprendre une place complète sous Sarkozy) participent aux bombardements de la Yougoslavie (en fait la Serbie) lors du conflit du Kosovo. L’Otan intervient aussi en tant que telle, mais avec le feu vert de l’ONU, en Afghanistan, à partir de 2001. Dernière opération en date, la guerre en Libye en 2011... loin de l'Atlantique-Nord.
En mars 2004, d’autres pays de l’ex-bloc de l’Est rejoignent l’Otan, avec notamment les pays Baltes. Pour la première fois, des pays membres de l’Otan ont une vraie frontière commune avec la Russie .
L’Otan et la Russie
Créée au départ contre l’URSS (même si ce n’est pas la raison officielle), quel est aujourd’hui le rôle de cette alliance militaire? La Russie est devenue un pays au même système économique que ses voisins et que ses ex-«adversaires». Les échanges entre la Russie et l’Europe occidentale se sont fortement développés. Il n'existe plus de divergences idéologiques entre les blocs mais parfois des intérêts géopolitiques divergents entre grandes puissances.
«Fin 1989, au lendemain de la chute du mur, Vaclav Havel, dramaturge qui présida la Tchécoslovaquie, fit une proposition décapante : une auto-dissolution simultanée des deux alliances militaires», rappelle Rue89. Si le Pacte de Varsovie (sorte d'Otan pro-soviétique) a bien disparu, l’Otan a continué.
Et sa généralisation aux portes de la Russie ne va pas sans créer de tensions. La volonté de la Géorgie de rejoindre l’organisation (promis au président Mikhaïl Saakachvili au sommet de l'Otan de Bucarest en avril 2008, le plan d’adhésion n'avait finalement pas été accordé à Tbilissi en raison de l'opposition de la France et de l'Allemagne) n’est sans doute pas totalement étrangère à l’opération russe en Ossétie en 2008.
La multiplication des adhésions en Europe a dessiné comme un cordon autour de la Russie. Ce que n’apprécie guère Moscou. «La Russie renforcera sa sécurité en réponse aux démarches de l'Otan dans l'est de l'Europe, la présence croissante de l'Alliance dans la région risquant de porter atteinte à la stabilité euro-atlantique», a prévenu le 3 septembre 2014 sur son compte Twitter la délégation permanente russe auprès de l'Otan.
La crise en Ukraine donne à Moscou l'impression que l'Otan en profite pour avancer ses pions. «Arguant de la nécessité de garantir la sécurité des alliés, l'Otan a déjà intensifié ses patrouilles aériennes au-dessus des pays Baltes et a dépêché des renforts en mer Baltique et en Méditerranée. Des avions de reconnaissance de l'Alliance survolent régulièrement la Pologne et la Roumanie. La Russie a dénoncé l'augmentation sans précédent des activités militaires de l'Otan en Europe sur fond de derniers événements en Ukraine», a rappelé l'agence russe d'information.
Régis Debray avait résumé la situation de l'ONU dans une tribune. Le philosophe y dénonçait le retour, accepté par les socialistes, de la France dans l'Otan. «La (l'Otan, NDLR) voilà privée d’ennemi mais à l’offensive. L’Alliance atlantique ne supplée pas à la faiblesse de l’Union européenne (sa "politique de sécurité et de défense commune"), elle l’entretient et l’accentue. Un problème pour l’Europe.»
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