Moscou: mobilisation populaire contre un plan d'urbanisme
«Non aux destructions» ; «Bas les pattes de Moscou !». Voilà ce que l’on pouvait entendre dans les rues de la capitale russe le 14 mai 2017. Dans les grandes avenues moscovites, l’ONG indépendante Compteur Blanc a dénombré 20.000 personnes. Parmi les habitants en colère, l’opposant Alexeï Navalny, connu notamment pour l’organisation d’une manifestation anti-corruption en mars 2017, était présent. Des revendications apparemment liées, car ce sont les «autorités qui vont toucher d’énormes commissions», a affirmé une résidente du quartier concerné à l’AFP.
Dans la capitale russe, connue comme la ville la plus chère au monde au niveau immobilier, 12 millions d’habitants se disputent les logements disponibles. Pour pallier ce déficit, le projet prévoit de construire de grands immeubles, rasant ainsi plus de 4000 petites habitations. A l'époque soviétique, ces bâtiments de cinq étages, les «Khrouchtchevki» ont été symboles de progrès pour des millions de citoyens dès la fin des années 1950. Des foyers entiers y avaient gagné leur indépendance en quittant les «kommounalki», ces résidences communautaires où ils cohabitaient avec plusieurs familles. Après la mort de Staline en 1953, Khrouchtchev avait organisé les logements individuels en micro-quartiers, autour des écoles et hôpitaux. Dans les cuisines de ces petits appartements se réunissaient les intellectuels moscovites, opposants au régime soviétique.
Au fil du temps, les ambitions contradictoires de la Russie ont fait muter la capitale de façon anarchique. Entre une volonté évidente de s’internationaliser et un attachement prononcé aux racines typiquement russes, les quartiers d’affaires aux airs de Manhattan côtoient d’imposants bâtiments staliniens. Autour d'un centre-ville hétéroclite, les quartiers des «Khrouchtchevki» sont devenus agréables à vivre et restent bon marché. Mais la crise économique qui a suivi l’éclatement de l’URSS a laissé des logements délabrés et mal isolés.
«L’objectif est d’améliorer les conditions de vie des habitants qui vivent dans des immeubles sur le point de s’écrouler», a déclaré le président russe Vladimir Poutine lors d’une réunion ministérielle. Un discours qui ne convainc pas la majorité des Moscovites concernés par le projet car en dépit de cette insalubrité, il s’agit pour eux d’une claire violation de la propriété privée. Si les habitants ne cèdent pas leur logement dans les soixante jours règlementaires, ils perdront leurs droits dessus.
Cela avait été le cas pour certains foyers lors des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, en 2014. Anastasia Brioukhanova, députée moscovite, a expliqué au Monde : «Aujourd’hui, on construit des tours sans se préoccuper des transports, des écoles, des établissements de santé…» A Moscou comme à Sotchi, les habitants les moins fortunés se retrouvent ainsi de plus en plus loin du centre et les inégalités se creusent.
Thousands protest #moscow at govt plans to demolish #soviet era low rises.This time it's personal we told.Our report https://t.co/yWnCdFlChg
— Stefanie Dekker (@StefanieDekker) May 15, 2017
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