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M. Snowden, gardez-vous de vos nouveaux amis !

Moscou a accordé un asile temporaire à l’ancien employé de la CIA et du NSA Edward Snowden, recherché par son pays pour espionnage. Il va pouvoir «reprendre ses esprits», dit son avocat. Pas si sûr, rétorque l’écrivain Robert Stone qui rappelle le précédent d’Edward Lee Howard, seul espion américain à avoir obtenu l’asile politique en Russie. Un espion mort en 2002 dans des circonstances troubles…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Edward Snowden, le 14 juin 2013 à Hong Kong. (EyePress - The Guardian)

Après avoir passé plus d’un mois à l’aéroport de Moscou, Edward Snowden peut enfin faire des projets. Il pourrait théoriquement aller où il veut en Russie et avoir un emploi, sauf dans les structures étatiques, disent les services migratoires de la région de Moscou. Pour l’instant, il s’abstient de le faire. Même s’il doit prendre des précautions pour sa sécurité, «c'est un homme absolument libre et ses droits ne sont pas limités», explique son avocat russe. Tout baigne alors…
 
Pourtant, celui qui a permis de révéler le programme de surveillance du web mise en place par les Etats-Unis devrait peut-être écouter «l’édifiante histoire» d’Edward Lee Howard. Une histoire qui débute dans les années 80 et que lui raconte l’écrivain et producteur de films Robert Stone dans un article teinté d’ironie dans le Wall Street Journal du 7 août 2013. «Cet employé de la CIA, lui aussi, s’était brouillé avec l’appareil de renseignement américain. Accusé d’espionnage, il s’était réfugié en Russie dans ce qui était alors l’Union soviétique». En 1986, il y obtient l’asile politique. Il est apparemment le seul agent américain dans ce cas.

La direction de la CIA avait d’abord prévu que cette «étoile montante» aille en poste à Moscou, rapporte Robert Stone. Mais elle lui interdit finalement de partir. Une décision liée, selon un expert cité par un article du New York Times, à des faits de petite délinquance et des problèmes de drogue.
 
Selon le quotidien new-yorkais, Edward Lee Howard «aurait vendu des informations à des agents soviétiques en Autriche en 1984». Sa défection, qui a eu lieu dans des conditions dignes d’un roman de John Le Carré, aurait «contribué à désorganiser le réseau d’espionnage américain en Union soviétique».
 
Curieuse chute
Réfugié en Russie, l’ancien agent de la CIA se voit accorder un appartement à Moscou et une datcha (maison de campagne). Il reçoit une allocation mensuelle et mène apparemment la vie plutôt terne d’un ex-espion. Une vie tranquille, alors… Sauf que l’homme avait «un sérieux problème de boisson», selon l’expert cité par le NYT. «Il passait son temps à se languir de sa femme et de son fils», qui lui rendaient visite de temps à autre. 
 

Le Kremlin à Moscou le 30 décembre 2009 (Reuters - Andreï Rudakov)

De plus, il avait le FBI à ses trousses et ne pouvait donc espérer rentrer chez lui. D’autant que son cas était un enjeu diplomatique entre les deux pays. Le Congrès avait menacé de réduire l’aide américaine à la Russie si Edward Lee Howard n’était pas livré aux Etats-Unis.

En 2002, l’agence russe TASS annonce sa mort : l’ancien agent serait tombé, ivre, dans sa datcha. Il se serait cassé les vertèbres cervicales, précise une autre source. L’information de son décès a été confirmée à Washington.

Tout cela étonne fort Robert Stone. Lui-même connaissait Howard à qui il avait trouvé un éditeur pour un livre de mémoires. Il lui avait même rendu visite dans sa datcha russe. «Connaissant la configuration des lieux, je peux dire qu’on ne risque pas d’y faire de chute mortelle», raconte-t-il. Autrement dit : le scénario fourni par Moscou «n’a aucun sens». Stone pense qu’il a été liquidé. «Les tueurs lui ont probablement brisé la nuque avant de porter un toast de vodka à une mission réussie»
 
Il a sans doute été «une victime d’une ambiance de guerre froide en train de se réchauffer», pense l’auteur de l’article du Wall Street Journal. En clair, les relations entre Moscou et Washington s’étant améliorées, il devenait un obstacle au rapprochement. La mort de l’ex-espion «résolvait le problème à la (grande) satisfaction des deux capitales»
 
«Et c’est là où vous entrez en scène, Mr. Snowden», poursuit Robert Stone. Certes, actuellement, la tension entre les deux pays est grande. Mais à un moment ou un autre, «le Kremlin va peut-être se demander ce qu’il faudrait faire pour parvenir à de ‘‘meilleures relations’’, ou même ‘‘repartir à zéro’’». D’où ce conseil : «Ed Snowden, méfiez-vous des Russes vous offrant l’asile comme cadeau».… 

La Russie accord l'asile politique à la Russie


CNN, 2-8-2013


 

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