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Embargo russe à trous pour le fromage suisse

La Suisse semble profiter de l’embargo décrété par Moscou sur certaines denrées européennes en réaction aux sanctions imposées par Bruxelles contre la Russie dans le cadre du conflit ukrainien. Pays neutre, la Confédération helvétique n’a en effet pas suivi les USA ou l’UE dans la politique des sanctions.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Une meule d'Emmental suisse (Hermes Images / AGF / Photononstop)

Le conflit ukrainien a des conséquences inattendues. Le fromage suisse semble en effet tirer des avantages surprenants de la crise qui a débouché sur l'embargo russe visant les denrées alimentaires provenant des Etats-Unis ou de l'Union Européenne. 

Car cet embargo décidé par Moscou est loin d'être symbolique puisque la Russie importait «près de 35% de sa consommation alimentaire et les importations en produits agro-alimentaires en provenance du monde entier ont représenté pas moins de 17 milliards de dollars (12,7 milliards d'euros) entre janvier et mai 2014», rappelait Le Figaro

Le marché est donc juteux. Si le Brésil se positionne pour remplacer la viande européenne sur le marché russe, la Suisse est servie sur un plateau en ce qui concerne le fromage. «A la fin du mois d'août, les exportations de produits laitiers suisses vers la Russie avaient bondi de 561% et à la fin du mois de septembre de 420%, par rapport à la même période l'an dernier», ont rapporté les quotidiens suisses en octobre.

Du côté des producteurs on se frotte les mains. Le principal exportateur de fromages suisses en Russie, Antony Margot (Margot Fromages), reçoit chaque jour des dizaines de coups de téléphones d'importateurs en quête de lait, de yaourts et de fromage. Il envisage de multiplier par trois ses exportations, mais est freiné par la quantité disponible de lait et de fromage, limitée en Suisse pour éviter les surplus. 

Plateau de fromages suisses. (DR)


Même son de cloche chez les maraîchers: «les frères Stoll à Yverdon-les-Bains (Vaud), qui figurent parmi les principaux producteurs de fruits et légumes de Suisse, doivent gérer quotidiennement les appels de chaînes de supermarchés russes qui veulent remplir leurs étals en produits frais. Et tous leurs confrères connaissent, disent-ils, la même situation», rapporte la RTS.

Mais au pays de la raclette et du gruyère, on reste prudent même si 160 tonnes de fromage suisse ont été exportées vers la Russie en septembre 2014, cinq fois plus qu’en septembre 2013. «Berne ne veut pas donner l’impression de profiter de la guerre des sanctions et contre-sanctions entre Moscou et l’Occident pour piquer des parts de marché à ses rivaux en Russie. Mais la Confédération ne veut pas non plus fâcher Moscou en s’alignant sur la position occidentale – et perdre simultanément un puissant allié diplomatique et un partenaire commercial majeur», note le journal francophone Le Temps.

Résultat, la Suisse a limité les activités financières de grands groupes russes et a ajouté quelques noms sur une liste «noire» tout en affirmant contrôler les exportations de produits industriels sensibles vers la Russie. 

Mais si le fromage se vend bien et certaines industries peuvent profiter de la crise entre Moscou et l'UE ou les USA, il n'est pas sur que la balance soit totalement positive pour la Suisse. En effet, note la Tribune de Genève, les Russes ne viennent plus dépenser leur argent dans les boutiques de luxe et les nuitées sont en recul dans les hôtels du bout du lac. «Ils avaient pour habitude de venir en jet privé à Genève et d’y rester un ou deux jours pour faire le plein. Les vols privés entre Moscou-Sheremetyevo et Cointrin auraient chuté de 57% par rapport à l’année précédente.».

Il est pas sur non plus que la chute des cours du pétrole (et du rouble) incite les Russes les plus fortunés à fréquenter les stations suisses de ski cet hiver.

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