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Elections régionales en Russie : l'opposition dénonce des fraudes
Les Russes votaient le dimanche 13 septembre pour élire leurs représentants régionaux. Les résultats confirment la victoire écrasante et attendue du parti de Vladimir Poutine, Russie unie, et l'isolement de l'opposition, écartée des listes électorales.
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Ce dimanche 13 septembre avait lieu en Russie un scrutin régional dans une moitié des 86 unités administratives du pays. Il s'agissait pour 59 millions d'électeurs de désigner gouverneurs de région, parlements régionaux, chefs de districts et députés municipaux. Le système russe des régions, complexe, se compose de républiques, kraï (territoires), oblast (régions), okroug (districts autonomes), plus deux villes indépendantes : Moscou, Saint-Pétersbourg. Auxquelles est venue s'ajouter Sébastopol depuis l'annexion de la Crimée, en 2014. Le système a été réformé la même année, soi-disant pour une meilleure autonomie, mais les experts redoutaient que le caractère moins direct du vote conduise les gens à se désintéresser de la politique. De fait, l'abstention est estimée à environ 80%. Ces élections sont considérées comme une répétition générale pour les législatives de 2016.
Victoire du parti de Poutine en l'absence d'opposition
Le Premier ministre Dmitri Medvedev s'est déjà félicité le lundi 14 septembre au matin de la nette victoire (attendue : 67 % des intentions de vote) du parti de Vladimir Poutine, Russie unie, confirmée par les premiers résultats. Le Parti communiste, lui, était crédité de 10 % environ. L'opposition ne représente qu'un poids négligeable dans les urnes – et dans les têtes, selon le site pro-Kremlin Sputnik. Le parti libéral centriste Iabloko était crédité de 1%, comme RPR-Parnas, celui de Boris Nemtsov (l'opposant assassiné en pleine rue le 27 février 2015. Onze autres candidats d’opposition libérale seulement, souvent issus de mouvements très locaux, ont pu se présenter dans tout le pays.
L'opposition, qui s'était organisée cet été en Coalition démocratique, a été écartée des listes. Le RPR-Parnas, qui ambitionnait de présenter des listes dans quatre régions, a dû se contenter de deux candidats dans celle de Kostroma. Les commissions électorales ont refusé d'enregistrer la plupart de ses listes sous des prétextes dénoncés par leurs militants comme fallacieux.
Le parti de Nemtsov et l'opposant Navalny dénoncent des fraudes
Dans la journée de dimanche, Mikhaïl Kassianov, cofondateur du RPR-Parnas et ancien Premier ministre, a dénoncé sur Twitter des «fraudes massives» dans la région de Kostroma, qui «remporte la première place en termes de fraudes électorales», selon Alexeï Navalny. A l'issue du scrutin, l'opposant a fait part de son intention de porter plainte pour une vingtaine de cas de fraude. Selon lui, les sondages de sortie des urnes donnaient à Parnas 6%, assez pour faire entrer un député à l’assemblée locale, relate Libération. «En Russie, c’est comme ça : aujourd’hui les sondages montrent 6%, mais demain nous pouvons nous réveiller avec 1%», a-t-il déclaré à l'AFP. La Coalition démocratique aura finalement réuni 2,6 %.
«Les élections à Kostroma. Et en général», tweetait Navalny au lendemain du scrutin. («Pouvoir» contre «Opposition» : échec et mat)
Au soir du scrutin, l’ONG Golos, qui surveille les élections en Russie, recensait près de 1.600 cas de fraudes dans le pays, et la commission électorale nationale faisait état de 60 plaintes.
A Kostroma, un scrutin perturbé après une campagne mouvementée
A Kostroma (300 km au nord-est de Moscou), la police a fait irruption, soi-disant pour un conflit entre plusieurs individus, dans les locaux d'Open Elections – une branche d'Open Russia, mouvement d'opposition fondé par l'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski, qui soutient la Coalition démocratique. Les militants ont dit avoir été enfermés dans leurs locaux et avoir vu un homme armé. Selon Navalny, il s'agissait d'«expulser les observateurs hors des bureaux de vote».
Les Russes sont dans leur grande majorité très méfiants envers Parnas, accusé d'être financé par les Etats-Unis. Ce que n'hésitent pas à affirmer des électrices interrogées à la sortie des bureaux de vote, relate la Croix. «Je sais que Parnas se présente, les Américains les soutiennent», affirme l'une d'elles, tandis qu'une retraitée estime que Parnas «a été acheté par les Américains». Une accusation portée aussi par un reportage diffusé par une chaîne de télévision locale.
La campagne s'est déroulée avec beaucoup de difficultés. Une des bénévoles qui y a participé avec Ilia Iachine, l'un des proches collaborateurs de Nemtsov, la raconte pour l'EchoDeRunet, rubrique de Global Voices dédiée à la Toile russe. Aussitôt après leur arrivée, dit-elle, sont apparus des tracts contre leur action, promettant viols, pillages et assassinats «comme en Ukraine».
Le principal organisateur, Andreï Pirovarov, a ensuite été inculpé pour «accès frauduleux à des informations protégées par la loi» et «complicité d'abus de pouvoir de fonctionnaire». Dimanche soir, une grosse somme d'argent a été saisie dans les bureaux d'Open Russia. Les responsables du mouvement expliquent aujourd'hui qu'elle était destinée à acquitter la caution de Pirovarov. Ilia Iachine, l'un des candidats, a lui aussi été arrêté brièvement.
Des élections sur fond de mécontentement social
Ce scrutin s'est déroulé sur fond de mécontentement dû à la crise économique qui s'est installée dans le pays après la dégringolade du rouble. Un mécontentement occulté par les partis, les syndicats et les médias, dont les principales chaînes de télévision, occupées à faire de la propagande pro-Kremlin. Le hashtag ToшнитОтВыборов (DégoûtéDesElections) était en bonne place le 13 septembre dans les tendances Twitter.
La défaite de la Coalition démocratique n'a pas calmé ses adversaires, qui ont lancé une campagne d'affichage haineuse. «Sorry, we failed !» («Désolés, nous avons échoué») clame une affiche placardée en face de l'ambassade américaine à Moscou représentant les candidats sur une siège de toilettes, pantalon baissé, tandis qu'une autre les montrant en train de boire la tasse est légendée «Kostroma n'a jamais porté chance aux étrangers. Cf. Soussanine» – paysan russe considéré comme un héros national qui en 1613 conduisit les ennemis polonais dans les marais kostromiens. Ambiance...
Victoire du parti de Poutine en l'absence d'opposition
Le Premier ministre Dmitri Medvedev s'est déjà félicité le lundi 14 septembre au matin de la nette victoire (attendue : 67 % des intentions de vote) du parti de Vladimir Poutine, Russie unie, confirmée par les premiers résultats. Le Parti communiste, lui, était crédité de 10 % environ. L'opposition ne représente qu'un poids négligeable dans les urnes – et dans les têtes, selon le site pro-Kremlin Sputnik. Le parti libéral centriste Iabloko était crédité de 1%, comme RPR-Parnas, celui de Boris Nemtsov (l'opposant assassiné en pleine rue le 27 février 2015. Onze autres candidats d’opposition libérale seulement, souvent issus de mouvements très locaux, ont pu se présenter dans tout le pays.
L'opposition, qui s'était organisée cet été en Coalition démocratique, a été écartée des listes. Le RPR-Parnas, qui ambitionnait de présenter des listes dans quatre régions, a dû se contenter de deux candidats dans celle de Kostroma. Les commissions électorales ont refusé d'enregistrer la plupart de ses listes sous des prétextes dénoncés par leurs militants comme fallacieux.
Le parti de Nemtsov et l'opposant Navalny dénoncent des fraudes
Dans la journée de dimanche, Mikhaïl Kassianov, cofondateur du RPR-Parnas et ancien Premier ministre, a dénoncé sur Twitter des «fraudes massives» dans la région de Kostroma, qui «remporte la première place en termes de fraudes électorales», selon Alexeï Navalny. A l'issue du scrutin, l'opposant a fait part de son intention de porter plainte pour une vingtaine de cas de fraude. Selon lui, les sondages de sortie des urnes donnaient à Parnas 6%, assez pour faire entrer un député à l’assemblée locale, relate Libération. «En Russie, c’est comme ça : aujourd’hui les sondages montrent 6%, mais demain nous pouvons nous réveiller avec 1%», a-t-il déclaré à l'AFP. La Coalition démocratique aura finalement réuni 2,6 %.
«Les élections à Kostroma. Et en général», tweetait Navalny au lendemain du scrutin. («Pouvoir» contre «Opposition» : échec et mat)
Выборы в Костроме. И вообще https://t.co/21pdyTayzi pic.twitter.com/pbnhKxAOu2
— Alexey Navalny (@navalny) September 14, 2015
Au soir du scrutin, l’ONG Golos, qui surveille les élections en Russie, recensait près de 1.600 cas de fraudes dans le pays, et la commission électorale nationale faisait état de 60 plaintes.
A Kostroma, un scrutin perturbé après une campagne mouvementée
A Kostroma (300 km au nord-est de Moscou), la police a fait irruption, soi-disant pour un conflit entre plusieurs individus, dans les locaux d'Open Elections – une branche d'Open Russia, mouvement d'opposition fondé par l'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski, qui soutient la Coalition démocratique. Les militants ont dit avoir été enfermés dans leurs locaux et avoir vu un homme armé. Selon Navalny, il s'agissait d'«expulser les observateurs hors des bureaux de vote».
Les Russes sont dans leur grande majorité très méfiants envers Parnas, accusé d'être financé par les Etats-Unis. Ce que n'hésitent pas à affirmer des électrices interrogées à la sortie des bureaux de vote, relate la Croix. «Je sais que Parnas se présente, les Américains les soutiennent», affirme l'une d'elles, tandis qu'une retraitée estime que Parnas «a été acheté par les Américains». Une accusation portée aussi par un reportage diffusé par une chaîne de télévision locale.
La campagne s'est déroulée avec beaucoup de difficultés. Une des bénévoles qui y a participé avec Ilia Iachine, l'un des proches collaborateurs de Nemtsov, la raconte pour l'EchoDeRunet, rubrique de Global Voices dédiée à la Toile russe. Aussitôt après leur arrivée, dit-elle, sont apparus des tracts contre leur action, promettant viols, pillages et assassinats «comme en Ukraine».
Le principal organisateur, Andreï Pirovarov, a ensuite été inculpé pour «accès frauduleux à des informations protégées par la loi» et «complicité d'abus de pouvoir de fonctionnaire». Dimanche soir, une grosse somme d'argent a été saisie dans les bureaux d'Open Russia. Les responsables du mouvement expliquent aujourd'hui qu'elle était destinée à acquitter la caution de Pirovarov. Ilia Iachine, l'un des candidats, a lui aussi été arrêté brièvement.
Des élections sur fond de mécontentement social
Ce scrutin s'est déroulé sur fond de mécontentement dû à la crise économique qui s'est installée dans le pays après la dégringolade du rouble. Un mécontentement occulté par les partis, les syndicats et les médias, dont les principales chaînes de télévision, occupées à faire de la propagande pro-Kremlin. Le hashtag ToшнитОтВыборов (DégoûtéDesElections) était en bonne place le 13 septembre dans les tendances Twitter.
La défaite de la Coalition démocratique n'a pas calmé ses adversaires, qui ont lancé une campagne d'affichage haineuse. «Sorry, we failed !» («Désolés, nous avons échoué») clame une affiche placardée en face de l'ambassade américaine à Moscou représentant les candidats sur une siège de toilettes, pantalon baissé, tandis qu'une autre les montrant en train de boire la tasse est légendée «Kostroma n'a jamais porté chance aux étrangers. Cf. Soussanine» – paysan russe considéré comme un héros national qui en 1613 conduisit les ennemis polonais dans les marais kostromiens. Ambiance...
Оппозиционеров «поздравили» с провалом на выборах http://t.co/vvt7rGiiPW@navalny pic.twitter.com/Sm4IPeHz4h
— URA.RU (@ura_ru) September 14, 2015
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