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Depuis l'annexion de la Crimée, il fait bon être russe en Asie centrale
Depuis l'annexion de la Crimée, une solidarité croissante envers les actions de la Russie en Ukraine est palpable. Aujourd'hui, la diaspora russe en Asie centrale est mieux perçue que dans les années 90.
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Au moment de l'effondrement de l'Union soviétique, les Russes sont très présents en Asie centrale : ils sont près de 10 millions à résider ans les cinq Etats de la région. Du jour au lendemain, ils se retrouvent étrangers dans leur propre pays, confrontés à des réactions de défiance et d'hostilité. Ils ne sont plus qu'une minorité dans des pays où la culture est très éloignée de la leur.
A cette époque, les pays d'Asie centrale veulent se détacher de leur histoire commune avec leur «grand frère russe» et mènent une politique indépendantiste, critiquant le colonialisme russe. Pour Géopolis, Ilya Namovir, rédacteur en chef du journal Les Russes au Kazakhstan, explique que ce fut effectivement la pire période pour y vivre en tant que Russe: «Les conditions de vie en Asie centrale après l'effondrement de l'Union soviétique se sont détériorées de façon significative. En cause, plusieurs éléments. La mise en place, sauf au Kirghizstan, de régimes autoritaires, qui sont devenus des foyers de la corruption, le tribalisme et le népotisme. Je citerais aussi le capitalisme oligarchique, qui a remplacé le modèle socialiste de l'économie soviétique. De même, l'internationalisme soviétique a été remplacé par un nationalisme ethnique agressif justifié par la revendication de la souveraineté des Etats.»
Etre Russe en Asie Centrale : une évolution des statuts
Aujourd'hui, l'absence de statistiques fiables ne permet pas de quantifier la présence russe dans la région. Une chose est sûre, leur condition a changé. Pour Akhmed Rahmanov, chercheur associé à l'IPSE (Institut Prospective et Sécurité de l'Europe), «les droits des Russes on été toujours les mêmes, égaux avec les autochtones. Mais c'est leur statut social qui a changé. Dans les années 80, être russe était signe d'appartenance à une élite. Dans les années 90, ils ont perdu ce statut.»
Actuellement, les Russes en Asie centrale sont représentés dans presque tous les groupes sociaux: les institutions municipales, les entreprises, l'éducation… Le statut social des Russes dépend aussi de la politique linguistique de l'Etat. Au Kirghizstan et au Kazakhstan, par exemple, le russe est la langue officielle, ce qui leur confère une certaine place. Ailleurs, c'est différent. L'exemple du Turkménistan est particulièrement frappant. Malgré l'amour du président turkmène pour la Russie et sa proximité avec le pouvoir, il n'a ouvert qu'une seule école primaire où l'on peut apprendre le russe. Elle se trouve à Achgabat et n'accueille que 350 enfants.
«Nous n'avons pas eu de réformes identitaires, donc les Russes en Asie centrale se considèrent toujours russes par leur ethnicité. Ils profitent aussi de la politique pseudo-multiculturaliste des pays d'Asie centrale. Au Kazakhstan et en Ouzbékistan notamment, les Russes réclament leur égalité avec la population locale. Il ne faut pas oublier que la population d'origine centre-asiatique est largement pro-russe», explique Akhmed Rahmanov.
L'Asie Centrale soutient la Russie depuis son annexion de la Crimée
La popularité des Russes en Asie centrale peut s'expliquer, paradoxalement, par le conflit ukrainien. Les pays d'Asie centrale soutiennent la Russie dans son intervention en Ukraine et l'annexion de la Crimée. Depuis l'effondrement de l'URSS, la Russie et les pays d'Asie centrale ont conservé de forts liens culturels communs, entretenus notamment par la forte immigration des centre-asiatiques vers la Russie.
La Russie qui, dans sa communication officielle, met en avant les traditions et l'histoire commune entre l'Ukraine et la Russie, rappelle justement ces liens aux Centre-Asiatiques. En outre, dans ces pays où les médias occidentaux sont très peu présents, on s'informe grâce aux médias russes, qui imposent une vision unilatérale des événements en Ukraine. Dans cette vision, la Russie est totalement légitimée, au contraire de la présence européenne à Kiev, qui est considérée comme un interventionnisme inadmissible. Une réalité biaisée qui marque la difficulté pour les journalistes, occidentaux et russes, à couvrir ce conflit.
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