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Crimée: Poutine réhabilite les minorités, «dont les Tatars»

Le président russe, Vladmir Poutine, a signé le 21 avril 2014 un décret sur «la réhabilitation des minorités en Crimée», territoire ukrainien récemment rattaché à la Russie. Parmi ces minorités : les Tatars. Cette communauté turcophone et musulmane forte de 250.000 personnes, qui s’était montrée hostile au rattachement, demande son autonomie.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président russe, Valdimir Poutine, lors d'une réunion au Kremlin le 21 avril 2014. (Reuters - Alexei Druzhinin - RIA Novosti - Kremlin)
«Je tiens à vous informer que j'ai signé un décret sur la réhabilitation des Tatars de Crimée, des Arméniens, des Allemands, des Grecs, de tous ceux qui ont souffert sous la répression stalinienne», a-t-il annoncé au début d'une réunion gouvernementale.

Ce décret, disponible sur le site du Kremlin, inclut des mesures «pour le développement des autonomies culturelles nationales», «pour l'accès à l'apprentissage des langues des peuples opprimés», «pour le développement de leur artisanat et d'entreprises locales» et «pour leur développement socio-économique».

Le Kremlin répond ainsi indirectement aux représentants des Tatars qui, le 29 mars, avaient lancé des «procédures légales et politiques (pour) l'autonomie ethnique et territoriale du peuple tatar de Crimée sur son territoire historique, la Crimée». Une demande refusée par les autorités russes de la péninsule, qui avaient juste parlé d'«une autonomie culturelle». Preuve que la question gêne Moscou: le leader des Tatars, Moustafa Djemilev, a été interdit d'accès pour cinq ans dans la péninsule, a annoncé le 22 avril la Medjlis, l'assemblée représentative de la communauté.   

Les membres de cette dernière représente 12% de la population de la région, rattachée en 1954 par Staline à l’Ukraine. Ils ont largement boycotté le référendum du 16 mars 2014, qui a abouti au rattachement à la Russie. Après ce vote, le Kremlin s’était engagé à faire des gestes en faveur de cette minorité.

Celle-ci reste méfiante vis-à-vis de Moscou qui, en 1944, avait déporté ses membres vers l’Asie centrale. Staline les accusait de collaboration avec l’Allemagne nazie. Ils n’ont été autorisés à rentrer en Crimée qu’à la fin des années 80, à la faveur de la dislocation de l’URSS.

L'Ukraine n’a jamais officiellement réhabilité les Tatars de Crimée. Lesquels sont toujours confrontés à des questions de propriété de la terre notamment. En 1991, la Russie avait adopté une loi de réhabilitation des peuples réprimés, qui accorde le droit à des indemnisations.

Réagissant à la signature du décret par le président russe, Nariman Djelial, vice-président du Medjlis, s'est dit «réservé». «Dire que le Medjlis et les Tatars de Crimée l'ont accueilli avec joie et enthousiasme est pure fantaisie», a-t-il dit à l'AFP. «Il s'agit d'un ensemble de souhaits et de directives dont nous avons entendu parler plus d'une fois, y compris du côté des autorités ukrainiennes. Nous allons attendre la mise en œuvre pratique», a-t-il poursuivi.

Le site de la télévision russe RT (Russia Today), qui apporte en anglais «l’opinion de la Russie sur les affaires du monde», revient dans un long article, mis en ligne le 21 avril, sur «les victimes de Staline, notamment les Tatars de Crimée réhabilitées par un décret de Poutine». Il mentionne également les autres minorités de la péninsule : Grecs (qui seraient au nombre d’«environ 15.000», selon le site), Bulgares (12.000), Arméniens (10.000), Allemands (1000). Une manière en creux de rappeler le sort de la collectivité russe (et accessoirement des autres minorités) en Ukraine, objet de toutes les polémiques entre Moscou et Kiev.

Le 17 avril dernier, Vladimir Poutine disait vouloir défendre «les droits et les intérêts légitimes des citoyens russes et russophones du sud-est de l’Ukraine» et n’hésitait pas à parler de «crime grave» de la part des autorités de Kiev. Le décret du Kremlin est décidément très, très politique…

Membres de la communauté tatare en train de prier à Bakhtchyssaraï (sud-ouest de la Crimée) le 29 mars  2014. (Reuters - Shamil Zhumatov)

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