Climat : la Russie s'engage a minima
Fin juin, 41 pays, parmi les 196 membres de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, avaient déjà déposé leur contributions, pour la COP21. Ces plans nationaux doivent définir les objectifs pour lesquels les pays sont prêts à s'engager pour limiter le réchauffement à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle.
Chercheuse au Centre Energie de l'Institut français des relations internationales (IFRI) Carole Mathieu explique : «Les attentes sont différenciées selon les pays, en fonction de leur contribution à la hausse des émissions. On attend des grands émetteurs, passés et actuels, des contributions ambitieuses et détaillées. (…) L’idée est que chacun précise son plan d’actions, en fonction de ce qu’il estime juste et ambitieux au regard de sa propre situation».
Les forêts au secours de la Russie
La Russie est le quatrième pays émetteur de gaz à effet de serre dans le monde. Dans son plan de contributions nationales, la Russie s'engage à réduire ces émissions, pour la fin de 2030, de 25-30% par rapport aux émissions de 1990, date de référence pour tous les 196 pays.
Un organisme indépendant de l'analyse scientifique Climate Action Tracker a pourtant jugé les efforts annoncés par la Russie insuffisants, en classant son plan comme «inadéquat». L'organisme pointe le fait que le plan repose en effet beaucoup sur la capacité d'absorption du dioxyde de carbone par les forêts, qui en Russie représentent un quart des espaces forestiers du monde entier : «En tenant compte de l'absorption par les forêts, la réduction des émissions industrielles du gaz à effet de serre est de 6% à 11% seulement, par rapport aux émissions en 1990. Cela représente une augmentation de 30% à 38% par rapport à 2012».
L'analyse de Climate Action Tracker souligne également que la Russie dans son plan de contribution ne donne pas de précisions sur le moyen utilisé lors de l'évaluation de l'absorption.
Dans des plans précédents, le pays s'engageait déjà à réduire les émissions de 25% par rapport à 1990 à l'horizon 2020. Ainsi, entre 2020 et 2030, l'objectif n'a pas changé.
La Russie sauve le protocole de Kyoto
La Convention-cadre des Nations unies, à l'origine de tous ces engagements, a été signée en 1992 à Rio de Janeiro. En 1997 le protocole de Kyoto l'a complétée. La Russie ne l'a ratifiée qu'en 2005, quinze après l'avoir signée.
«La Russie pouvait de facto se permettre d'augmenter ses émissions et de vendre son surplus de quotas : au moment de la ratification du protocole, la quantité des émissions russes était bien inférieure au niveau de référence de 1990, ayant fortement baissé à cause de la période de transition économique des années 1990», explique dans un article Nina Tynkkynen, chercheuse à l'Université de Tampere (Finlande), spécialiste des politiques climatiques. L'adhésion au protocole de Kyoto a alors assuré au pays des avantages économiques.
La ratification du protocole a aussi contribué à l'image positive de la Russie sur la scène internationale. En fait, en 2001, les Etats-Unis, un des principaux pollueurs mondiaux, se sont retirés du protocole, dont l'entrée en vigueur était conditionnée par la signature des pays produisant 55% d'émissions mondiales de gaz à effet de serre. De la ratification par la Russie dépendait alors le sort de l'engagement mondial. «Considérant qu'elle rendait un "service écologique" au monde, la Russie avait alors une bonne raison de demander une compensation financière considérable dans le cadre du protocole et a acquis une force de pression dans d'autres débats, même extérieurs à la politique climatique,» - précise l'article.
«Penser l'après-COP21»
Le désengagement russe de la deuxième phase du protocole en 2007 a laissé entrevoir la primauté de l'avantage économique sur la cause écologique. En 2009, un écologiste russe Vladimir Sliviak disait que l'opinion en Russie tolère la pollution en attendant que le pays devienne suffisamment riche. Il soulignait dans une interview à l'Express, que certains, à tort, croient que «les terres de Sibérie pourront devenir plus exploitables pour l'agriculture». Bien au contraire: selon l'analyse de l'Ecole supérieure de l'économie de Moscou, citée par le site The Conversation, les pertes économiques du gouvernement russe liées au changement climatique pourraient bientôt atteindre entre 200 et 700 milliards de dollars par an.
Le plan russe pour 2030, jugé «inadéquat» par les analystes de Climate Action Tracker, met en question le rôle de la Russie dans la cause climatique mondiale. En plus, pour la Conférence en décembre, il est, peut-être, déjà tard pour rendre plus ambitieuses les propositions des pays parties.
«Un rapport du secrétariat de la Convention (convention-cadre signée à Rio, NDLR) doit être publié avant le 1er novembre et mesurer l’effet agrégé de l’ensemble des contributions mais il n’y aura vraisemblablement pas d’analyse au cas par cas, précise Carole Mathieu de l'IFRI. Par ailleurs, il reste trop peu de temps pour que les parties acceptent de revoir leurs contributions nationales avant la conférence de Paris. Il faudra alors penser l’après-COP21 et s’assurer que les ambitions nationales soient revues à la hausse à échéance régulière.» La mobilisation globale se prépare toujours pour le lendemain.
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