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Manifester en Russie devient quasiment impossible, selon Amnesty International, qui alerte sur "les stratégies policières" devenues "brutales"

Un rapport rendu public ce jeudi par l'ONG décrit le durcissement des dispositifs policier et judiciaire russes afin de limiter la liberté de manifester aux rassemblements pro-régime.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les participants à une manifestation pour la libération d'Alexeï Navalny, le 21 avril 2021 à Moscou. (SEFA KARACAN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Il devient de plus en plus compliqué de manifester en Russie, d’après un rapport publié jeudi 12 août par Amnesty International, en raison de l’arsenal législatif, toujours plus dur, avec notamment "une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement" en cas de participation à un rassemblement jugé illégal, détaille sur franceinfo Alexander Artemyev. Le porte-parole du département régional Europe de l’Est et Asie centrale d’Amnesty International explique que "la législation locale ou régionale impose encore plus de restrictions" que la législation fédérale. Et que, même si certains citoyens descendent encore malgré tout dans la rue, notamment pour défendre l’opposant Alexeï Navalny, ils font face à la "réaction des autorités" qui est "quelque chose de brutal, de violent."

franceinfo : Est-il encore autorisé de descendre dans la rue aujourd’hui en Russie ?

Alexander Artemyev : Oui, et la Constitution l'autorise ouvertement. Elle indique que les citoyens russes ont le droit de participer à des rassemblements publics. Mais dans la pratique, c'est tout à fait différent. Si les gens se rassemblent spontanément, c’est considéré comme des manifestations illégales. Donc les représailles suivent. Cette situation existe depuis longtemps. Mais elle s'est détériorée rapidement ces dernières années, avec une série d'amendements législatifs. En 2014, la loi répressive a été adoptée et elle porte sur les dispositions pénales et une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement qui peut être appliquée contre ceux qui auront violé les règles des rassemblements publics. Et puis, les stratégies policières sont devenues brutales et donc les pratiques judiciaires, mais aussi pénales, ont été aussi augmentées.

"La pratique est telle que seuls ceux qui soutiennent le régime de Vladimir Poutine ont toute liberté à manifester."

Alexander Artemyev

à franceinfo

Est-ce que cela signifie que Moscou considère tout citoyen russe qui manifeste comme un opposant politique ?

Oui. La pratique est telle que seuls ceux qui soutiennent le régime de Vladimir Poutine ont toute liberté à manifester. Et donc ce sont les autorités locales qui organisent les manifestations, et notamment celles qui sont dédiées à l’annexion de la Crimée. Mais si vous voulez protester, contester ou dire que vous soutenez par exemple Alexeï Navalny, non, ce n'est pas possible. Il n’est pas non plus possible d’organiser une manifestation près d’un tribunal ou d’une prison. Mais ça, c’est la législation fédérale. La législation locale ou régionale impose encore plus de restrictions contre les manifestants. Par exemple dans la région de Kirov, c'est le nord de la partie européenne de la Russie, la législation interdit tout rassemblement à proximité d'établissements culturels, éducatifs, médicaux, de centres commerciaux et même des stations des transports publics. Cela veut dire que les rassemblements ne sont plus possibles nulle part dans la ville.

L’opposant Alexeï Navalny a de nouveau été inculpé ce mercredi d'un nouveau délit passible de prison. A l'approche des prochaines élections, ce n’est pas une surprise ?

Non, ce n'est pas une surprise. L'article du Code pénal qui a été appliqué, c’est quelque chose de nouveau parce que cet article est appliqué contre les cultes déstabilisants, comme les sectes qui osent promouvoir la violence. Mais dans ce cas-là, la Fondation anticorruption qui a été créée par Navalny est considérée comme l’ONG qui présente des menaces contre l'intégrité personnelle et les droits de l'Homme. Malgré tout, certains citoyens continuent de manifester. Nous l'avons vu pendant le mois de février, il y avait des milliers de gens qui sont descendus dans la rue, mais nous avons vu aussi la réaction des autorités. C'était quelque chose de brutal, de violent.

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