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Stations-service, restaurants, supermarchés... Quatre questions sur les pénuries qui touchent le Royaume-Uni

Le pays fait face depuis plusieurs semaines à des difficultés d'approvisionnement dans plusieurs secteurs, en raison des effets combinés de la pandémie de Covid-19 et du Brexit.

Article rédigé par franceinfo
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Une station-service est fermée en raison d'une pénurie de carburant, le 24 septembre 2021, à Hildenborough (Royaume-Uni). (BEN STANSALL / AFP)

L'armée en renfort. Le gouvernement britannique a annoncé, mercredi 29 septembre, que 150 militaires étaient formés pour répondre au manque de main-d'œuvre qui affecte le pays et entraîne des pénuries dans plusieurs secteurs. "Dans les prochains jours, les gens verront des soldats conduire la flotte de camions-citernes", a garanti le ministre des Entreprises, Kwasi Kwarteng, alors que les files d'attente se multiplient devant des stations-service à sec. Quels produits sont affectés par ces pénuries ? Et comment expliquer ce phénomène qui persiste depuis plusieurs semaines ? Franceinfo décrypte la situation au Royaume-Uni.

Quels sont les secteurs affectés ?

Le Royaume-Uni fait face à une importante pénurie de main-d'œuvre depuis plusieurs mois. Selon une étude de la société Adzuna relayée début août par Le Figaro, le nombre d'offres d'emplois en ligne a bondi de 40% dans cinq des douze régions du pays, par rapport à 2019. Un déficit d'employés qui touche de nombreux secteurs, notamment le transport de marchandises.

Résultat, plusieurs entreprises ont rencontré des difficultés à s'approvisionner depuis l'été, rapporte la chaîne Sky News*. La chaîne de fast-foods KFC a dû retirer certains plats de son menu, quand McDonald's s'est trouvé privé de milkshakes et de certaines boissons. En manque de poulet, la chaîne Nando's a pour sa part été contrainte de fermer temporairement une cinquantaine de ses restaurants. Du côté des supermarchés, plusieurs groupes ont vu leurs rayons se vider faute de livraisons, notamment de volaille, de boissons et de produits laitiers. Et plusieurs pubs ont même manqué de bière.

Fin septembre, la pénurie a également gagné les stations-service. Le groupe BP a annoncé dimanche 25 septembre qu'un tiers de ses stations étaient à court de carburant, selon Le Figaro. Du côté de l'association de distributeurs de carburant PRA, qui représente 5 550 stations indépendantes, deux tiers étaient à sec à la même date et "les autres, presque", ajoute le quotidien.

Craignant de ne pas pouvoir assurer leurs missions à cause de cette pénurie, les travailleurs essentiels ont appelé mardi le gouvernement à "prioriser l'accès aux stations-service". "Les ambulanciers, infirmiers, soignants, enseignants, policiers et autres travailleurs essentiels ne doivent pas se retrouver coincés ou contraint de faire la queue durant des heures pour faire le plein", a alerté le syndicat Union Unison sur Sky News*. Des médecins s'inquiétent également des conséquences pour leurs patients s'ils doivent passer une partie de leurs journées dans les files d'attente, alors que certaines écoles s'interrogent sur la possibilité de revenir à l'enseignement à distance si la pénurie persiste, rapporte France 24.

Comment expliquer ces pénuries ?

Plusieurs facteurs se cachent derrière ces difficultés d'approvisionnement. Pour ce qui est du carburant, le gouvernement assure que la pénurie est principalement due à un mouvement de panique : de crainte d'en manquer, les Britanniques se sont rués dans les stations-service qui se sont retrouvées à sec. Mais ces dernières ont désormais du mal à refaire le plein, en raison d'un manque de chauffeurs routiers pour acheminer le carburant.

Selon la fédération des transporteurs, le Royaume-Uni accuse ainsi un déficit de 100 000 conducteursL'exécutif assure que ce manque de main-d'œuvre est d'abord la conséquence de la pandémie de Covid-19, qui a contraint les centres de formation à fermer durant plusieurs mois et provoqué l'annulation de 40 000 examens, note France 24. Les confinements successifs ont également poussé certains chauffeurs européens à rentrer dans leur pays.

Mais ce phénomène a été accentué par le Brexit, entré en vigueur le 1er janvier dernier. La fédération des transporteurs estime ainsi que 20 000 conducteurs européens ont quitté leur emploi à cause du divorce entre Londres et Bruxelles. Dans le même temps, la politique migratoire post-Brexit "a été conçue pour réduire le nombre de travailleurs peu qualifiés venant au Royaume-Uni", relève CNN*. "Les pénuries de main-d'œuvre auraient peut-être été moins sévères si le Royaume-Uni avait maintenu la libre-circulation des personnes", affirme un chercheur interrogé par la chaîne américaine.

Autre conséquence du Brexit : l'import de produits est bien plus complexe, et donc coûteux. Le président de la chaîne de supermarchés Marks & Spencer, cité par Le Figaro, explique ainsi devoir remplir 700 pages de documents pour chacun de ses camions qui se présente aux contrôles douaniers. Ce phénomène s'ajoute aux difficultés d'approvisionnement et à la hausse des prix provoquées par la pandémie. Le manque de conteneurs en Asie a ainsi multiplié par dix les coûts de transport jusqu'au Royaume-Uni, rapporte la BBC*.

Pourquoi est-ce que cela risque d'empirer à l'approche de Noël ?

Le secteur du commerce commence déjà à se préoccuper d'une aggravation de la situation à l'approche des fêtes de fin d'année. La grande distribution redoute "des ruptures de stock sur l'alimentation et une envolée des prix pour Noël, une situation aggravée par la flambée des prix du gaz", rapporte Le FigaroLe Royaume-Uni craint plus particulièrement à une pénurie de dindes, plat traditionnel des fêtes, car les élèvages de volailles ont réduit leur production à cause du manque de main-d'œuvre.

Les sapins pourraient eux aussi être difficiles à trouver, du fait des difficultés à importer les conifères produits dans l'UE, note le Guardian*. Sans oublier les jouets, fabriqués pour l'essentiel en Asie et dont les délais et coûts de transport ont explosé à cause de la pandémie. En clair, les fêtes de Noël s'annoncent "lugubres" cette année, résume le quotidien britannique.

Que fait le gouvernement britannique pour y remédier ?

Pour l'instant, Downing Street a surtout proposé des solutions provisoires à la pénurie de main-d'œuvre. Outre la mobilisation de 150 militaires pour pallier le manque de chauffeurs routiers, l'éxecutif s'est engagé à délivrer jusqu'à 10 500 visas temporaires pour les travailleurs étrangers. Ils seraient valables trois mois, d'octobre à décembre, le temps de former des chauffeurs routiers britanniques. Le gouvernement a également encouragé les employeurs à augmenter les salaires, pour rendre ces métiers plus attractifs.

Des réponses insuffisantes, pour l'opposition comme pour certains acteurs du secteur du commerce. La Food and Drink Federation, qui représente plus de 800 entreprises, estime ainsi que les pénuries alimentaires pourraient devenir récurrentes en raison du manque de main-d'œuvre, selon la BBC*. La présidente de la Chambre britannique de commerce a par ailleurs déclaré à CNN que les visas temporaires ne seront "pas suffisants pour répondre à l'ampleur du problème qui touche actuellement les chaînes d'approvisionnement". Pour elle, le gouvernement "essaye d'éteindre un feu avec un verre d'eau".

Boris Johnson a néamoins assuré mardi que la situation "s'améliorait" au moins sur le front du carburant, grâce à des "livraisons [reprenant] de manière normale". Selon le Guardian*, la PRA a confirmé que seules 37% des stations-service qu'elle représente sont désormais à sec, contre les deux tiers dimanche.

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.

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