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Comment la mort de Diana a forcé la monarchie britannique à se moderniser

Vingt ans aprÚs la mort de "Lady Di", franceinfo vous explique en quoi cet événement tragique a marqué un tournant dans l'histoire de la famille royale.

Article rédigé par Benoßt Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
La reine Elizabeth II, le 4 juillet 2017 Ă  Edimbourg (Ecosse). (JANE BARLOW / AFP)

Le 31 aoĂ»t 1997, le Royaume-Uni se rĂ©veille en deuil. Des sanglots dans la voix, le jeune Premier ministre travailliste, Tony Blair, pleure la disparition de "la princesse du peuple". Quelques heures avant le lever du jour, Diana est morte Ă  Paris, aprĂšs un accident de voiture dans le tunnel de l'Alma, Ă  Paris. Sous un ciel gris, les Londoniens Ă©plorĂ©s commencent Ă  dĂ©poser une mer de fleurs devant les palais de Buckingham et de Kensington. Les Britanniques pleurent leur "reine de cƓur" et rĂ©clament des funĂ©railles Ă  la hauteur.

Face Ă  eux, le silence de la famille royale, retranchĂ©e dans son chĂąteau de Balmoral, en Ecosse, comme chaque Ă©tĂ©, devient assourdissant. Pis, il n'y a mĂȘme pas de drapeau en berne au-dessus de Buckingham Palace. La presse se dĂ©chaĂźne : "La famille royale nous a laissĂ©s tomber", assĂšne le Sun. PrĂšs d'un quart des sondĂ©s se prononcent dĂ©sormais pour l'abolition de la monarchie. Le Guardian prĂ©vient : "Si les Windsor ne retiennent pas la leçon, ils n'enterreront pas seulement Diana, mais aussi leur avenir." 

Le 5 septembre, la veille des funérailles, la reine Elizabeth II se résout enfin à prendre la parole, dans une exceptionnelle allocution télévisée - sa deuxiÚme en quarante-cinq ans de rÚgne - pour rendre un hommage appuyé à son ex-belle-fille. Et elle s'incline ensuite publiquement devant le cercueil. Le lendemain, 2,5 milliards de téléspectateurs assistent aux obsÚques grandioses de Diana Spencer. Et tout est pardonné à la royauté. Vingt ans aprÚs la mort de "Lady Di", franceinfo vous explique en quoi ce moment a marqué un tournant dans l'histoire de la famille royale.

Le service de presse Ă  dĂ» ĂȘtre dĂ©poussiĂ©rĂ©

"Une blague circulait à l'époque", se souvient l'expert en relations publiques Mark Borkowski, interrogé par l'AFP. "Quand les histoires les plus intéressantes sur Diana sortaient, les journaux du dimanche et les tabloïds appelaient le service de presse de Buckingham mais tombaient sur un répondeur", parce que "tout le monde était parti le vendredi à 17 heures".

Alors que les moindres dĂ©tails du mariage malheureux du prince Charles et de la princesse Diana, puis de leur rupture, sont Ă©talĂ©s dans les journaux, le poussiĂ©reux service de presse de Buckingham Palace reste silencieux, dĂ©passĂ© par la machine mĂ©diatique, ce qui renforce l'image d'une institution distante et vieillissante, oĂč tout n'est plus que protocole et tradition. AprĂšs la mort de "Lady Di", le palais a fait sa rĂ©volution et engagĂ© des professionnels des relations publiques. Une machine de communication bien huilĂ©e destinĂ©e Ă  faire Ă©voluer l'image d'une institution Ă©cornĂ©e par les frasques.

La monarchie est de plus en plus le produit d'une campagne de gestion de l'information trÚs sophistiquée.

Patrick Jephson, ancien secrétaire privé de Diana

Ă  l'AFP

La stratégie est la suivante : il faut maßtriser la communication, distiller des informations valorisantes et préserver au maximum l'intimité des royals. "La firme", comme elle est surnommée, "est toujours aussi impénétrable", confirme Vincent Meylan, journaliste à Point de vue, joint par franceinfo. "Les accÚs sont toujours aussi limités, et il n'y a pas plus d'interviews de la famille royale qu'avant. D'ailleurs, le prince William a une attitude tout aussi méfiante à l'égard de la presse que sa grand-mÚre." "Rien ne se fait naturellement avec la royauté britannique. Tout est chorégraphié avec une influence plutÎt conservatrice de la reine et une autre plutÎt progressiste des gouvernements successifs", pointe Marc Roche, ancien correspondant du Monde à Londres.

La famille royale britannique au balcon du palais de Buckingham, le 17 juin 2017 Ă  l'occasion de "Trooping the colour" pour l'anniversaire de la reine Elizabeth II, Ă  Londres. (ALBERT NIEBOER / RPE)

La reine s'est "rapprochée du peuple"

Un des principaux chantiers a été de donner une image plus humaine à Elizabeth II, réputée pour s'apitoyer plus volontiers sur le sort de ses chiens et de ses chevaux que sur celui de ses sujets. "Il y a eu une politique de communication plus agressive avec beaucoup plus de présence médiatique de la reine", se remémore Marc Roche. 

"La reine s'est rapprochée du peuple, analyse-t-il. Soudain, elle qui n'a jamais pratiqué le bain de foule, à l'inverse de Diana qui adorait aller vers le public, est allée visiter un HLM ou s'est rendue au pub, ce qui était impensable avant la mort de Diana. On la voyait toujours dans des fonctions régaliennes trÚs détachées du public : des visites officielles, des réceptions de chefs d'Etat, des parades militaires et des inaugurations en tout genre."

La reine Elizabeth II et le prince Philip (Ă  droite), le 27 octobre 2016, dans un pub de Poundbury dans le sud-ouest de l'Angleterre. (JUSTIN TALLIS / AFP)

L'image du prince Charles a été retravaillée

L'image du prince Charles, le premier dans l'ordre de succession au trÎne, engoncé dans ses costumes croisés et raillé pour sa raideur un peu hautaine, a aussi été retravaillée. "Une campagne a été orchestrée par la machine de relations publiques du palais visant à réhabiliter l'image du prince Charles", à qui les Britanniques n'ont toujours pas vraiment pardonné l'échec de son mariage avec l'iconique Diana. "Ses actions caritatives, son engagement pour l'environnement, le bon pÚre de famille s'occupant de ses enfants orphelins de mÚre... Tout cela a été mis en scÚne", assure Marc Roche.

"Cette campagne médiatique a aussi consisté à faire accepter sa relation puis son mariage, en 2005, avec son ancienne maßtresse Camilla, perçue comme une briseuse de ménage. Cette offensive médiatique a indirectement conduit à faire oublier Diana. Et cela a réussi admirablement bien", analyse l'ancien correspondant du Monde.

Le prince Charles et la duchesse Camilla, le 6 avril 2017 Ă  Vienne (Autriche), lors d'une visite. (GEORG HOCHMUTH / APA / AFP)

Les coups de com se sont multipliés

Pour paraĂźtre plus proche de ses sujets et de leurs prĂ©occupations, "la famille royale a soudain fait attention Ă  ses dĂ©penses", ajoute Marc Roche. "Ils voulaient ĂȘtre une famille plus accessible (...), plus rĂ©solument engagĂ©e envers leur pays et non ces aristos qui ne comprennent pas le peuple", souligne l'expert en relations publiques Mark Borkowski.

Les Windsor "ont essayé de promouvoir les aspects positifs de la famille royale", explique à l'AFP Robert Jobson, coauteur du livre Diana : un secret bien gardé. Ces derniÚres années, la famille royale a enchaßné une séquence médiatique parfaite. Il y a ainsi eu le mariage en grandes pompes du prince William avec Kate Middleton en 2011, la naissance de leurs deux enfants, George puis Charlotte dont les moindres faits et gestes sont médiatisés, et le jubilé de diamant d'Elizabeth II. Et un joli coup de com' : la reine a ainsi fait l'actrice pour un simulacre de parachutage avec Daniel "James Bond" Craig en ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012. 

Des nouvelles tĂȘtes ont Ă©tĂ© mises en avant

La jeune gĂ©nĂ©ration joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans cette Ă©volution, en assurant la relĂšve et garantissant à "la firme" une influence intacte. "Le prince Andrew, la princesse Anne ou le prince Edward ont peu Ă  peu disparu de la scĂšne et la nouvelle gĂ©nĂ©ration est montĂ©e", observe Marc Roche. "On introduit sans cesse de nouveaux personnages qui font rĂȘver. Les derniers en date Ă©tant William, Kate et leurs enfants. Quant au prince Harry, aprĂšs ses frasques adolescentes, il fait aujourd'hui l'unanimitĂ© avec son parcours militaire exemplaire en Afghanistan, son engagement pour les vĂ©tĂ©rans et ses actions caritatives." Et quand la grand-mĂšre Elizabeth II s'invite dans une vidĂ©o au cĂŽtĂ© de son petit-fils Harry pour promouvoir son action, c'est encore mieux.

Mieux, William et Harry, en prenant publiquement position sur des sujets sociaux comme les sans-abri ou les problÚmes de santé mentale, font revivre le souvenir de Diana et perpétuent son héritage. "Ceux qui adoraient Diana - essentiellement à Londres et au sein des minorités ethniques et sexuelles d'ailleurs, car dans le pays profond on était toujours trÚs monarchistes et légitimistes - étaient orphelins, ils ont désormais William, Harry et Kate", commente Marc Roche. 

Le prince William et la duchesse Kate avec leurs enfants George et Charlotte, le 21 juillet 2017 Ă  Hambourg (Allemange), lors d'une visite officielle. (CHRISTIAN CHARISIUS / DPA / AFP)

"La famille royale a certainement tiré des leçons à travers le temps", juge Robert Jobson. Deux décennies aprÚs l'épreuve de la mort de Diana, l'institution monarchique paraßt on ne peut plus solide et la reine Elizabeth II, dont le rÚgne bat un record de longévité, plus respectée que jamais.

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