Syrie : "Un des arsenaux chimiques les plus puissants au monde"
Olivier Lepick, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, commente le document détaillant l'arsenal chimique syrien, révélé dimanche par le "JDD".
Le document de quatre pages représente "une somme d’informations accumulées pour certaines, depuis près de trente ans" sur l’arsenal chimique syrien. Le Journal du Dimanche, publié dimanche 1er septembre, a pu consulter une synthèse établie par la DGSE (Direction générale du renseignement extérieur) et la DRM (Direction du renseignement militaire) sur l'étendue du programme d'armement du régime de Bachar Al-Assad. Olivier Lepick, expert en la matière et chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), commente pour francetv info "cette synthèse d’un arsenal particulièrement redoutable".
Francetv info : L'existence d'un arsenal chimique syrien est-elle déjà connue depuis longtemps ?
Olivier Lepick : De fait, dans la communauté des spécialistes, ces informations constituent des sujets d'étude bien définis. Et cela n’est pas étonnant, puisque c’est dès les années 1970 que la Syrie a développé un programme d’armes chimiques. Au début avec l’aide de l’Egypte. A l’époque ce projet était rudimentaire, mais au milieu des années 1980, grâce à l’Iran et l’Irak, les choses se sont accélérées. Et la Syrie a pu produire ce type d’armes sans plus aucune aide extérieure. C'est donc un secret qui n'en est plus un depuis longtemps. Mais de là à intervenir… Sans utilisation directe sur le terrain, c’était jusqu’ici chose impossible.
Cet arsenal semble considérable au regard de ce qui existe dans d’autres pays...
Effectivement, le chiffre de plus de mille tonnes d'agents chimiques donne un ordre de grandeur imposant quand on sait que Russes et Américains en possèdent chacun entre 40 000 et 50 000 tonnes. Des stocks qu'ils sont d'ailleurs en train de détruire. C'est donc l’un des plus grands arsenaux existant au monde. Israël, qui a signé sans ratifier la convention sur l’interdiction des armes chimiques, en possède également.
Globalement, l’arsenal chimique syrien n’est pas d’une grande diversité. Certes, chaque agent à des caractéristiques techniques différentes, mais on est surtout face à quelques neurotoxiques et à de l’ypérite, c’est à dire ce qu’on appelle familièrement du gaz moutarde. En ce qui concerne l’attaque du mois d’août sur Damas, les services américains ont établi qu'il s'agissait de gaz sarin. Au moins pour les premiers échantillons analysés. Quant à la responsabilité directe du régime, il apparaît que les quantités de gaz employé sont inaccessibles aux rebelles qui combattent sur le terrain. De plus, l'attaque, qui s’est déroulée sur quatre sites différents et de façon simultanée, demande un savoir-faire que les opposants au régime ne possèdent absolument pas.
Puisque le projet de frappe est à l'ordre du jour au moins pour la France et les Etats-Unis, comment faire pour dissuader le régime syrien d’utiliser à nouveau cette arme ?
Bombarder des dépôts d'armes chimiques pose d’énormes problèmes. Pour d’évidentes questions de sécurité : on risquerait alors de provoquer de terribles drames. Après la phase de gesticulation, celle de la ligne rouge, on se trouve néanmoins à devoir gérer l’intensité, la précision des frappes. C’est pourquoi les objectifs retenus seront très certainement des infrastructures de l’appareil militaire syrien comme des pistes d’atterrissage, ou des lieux symboliques comme les palais officiels.
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