Syrie : ce qu'il faut retenir du débat à l'Assemblée
Jean-Marc Ayrault a défendu devant les députés le principe d'une action militaire. Le Premier ministre a dû faire face au feu nourri des critiques de l'opposition. Récit en vidéos.
Le débat au Parlement français sur une éventuelle intervention militaire en Syrie était très attendu, mercredi 4 septembre. Preuve de l'intérêt suscité par ces discussions, les médias étrangers se sont déplacés en masse à l'Assemblée nationale, où s'est exprimé Jean-Marc Ayrault, pour guetter les intentions de la France vis-à-vis du régime de Bachar Al-Assad. Dans le même temps, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, lisait le même discours devant le Sénat.
Le spectacle s'est déroulé autant dans l'hémicycle qu'en coulisses. Francetv info revient sur cet après-midi de débats parlementaires passionnés au Palais-Bourbon.
Ayrault : "La passivité ne peut être une option"
Le Premier ministre fixe d'emblée les termes du débat. Jean-Marc Ayrault souligne que l'attaque du 21 août dans la banlieue de Damas "constitue, en ce début du siècle, le plus massif et le plus terrifiant usage de l'arme chimique". Le chef du gouvernement en conclut que "face à la barbarie, la passivité ne peut être une option, pas pour la France en tout cas". Et d'arguer que "ne pas réagir, c'est laisser Bachar Al-Assad poursuivre ses atrocités, encourager la prolifération et l'emploi d'armes de destruction massive, abandonner la Syrie et la région toute entière au chaos et céder aux menaces".
Dans la salle des Quatre colonnes, les quelques députés socialistes qui viennent s'exprimer devant les médias se rangent comme un seul homme derrière le discours du Premier ministre. À l'inverse, les députés UMP se montrent très critiques, raillant parfois l'intervention de Jean-Marc Ayrault. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République), qui a quitté l'hémicycle mécontent de ne pas avoir eu accès à la tribune, s'insurge contre une "politique étrangère de communication" et juge sévèrement le Premier ministre : "On peut toujours faire un discours sur le registre de l'émotion, mais ce n'est pas le rôle d'un homme d'Etat."
L'UMP accuse Hollande d'isoler la France
En lui succédant à la tribune, le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, passe à l'offensive. Il dénonce la "politique hasardeuse" de François Hollande et l'accuse de prendre "le risque d'affaiblir la fonction présidentielle" mais aussi d'être à la remorque des Etats-Unis et de rompre avec la diplomatie traditionnelle de la France.
Le patron du groupe UMP lui oppose un triple refus : "Refus d'une action strictement militaire sans but réel de guerre (...), refus d'une intervention isolée sans légitimité internationale, refus d'un (...) reniement de notre politique étrangère."
"Le président de la République n'a pas reçu mandat de s'affranchir du cadre des Nations unies ; si d'aventure, il venait à prendre cette lourde responsabilité, les députés UMP ne le soutiendraient pas", martèle Christian Jacob.
"C'est très grave", s'énerve en coulisses Jacques Myard. L'élu UMP de la Droite populaire, qui a boycotté le discours du Premier ministre, va encore plus loin. "Si la France frappe sans mandat des Nations unies, François Hollande deviendrait un criminel de guerre", s'emporte le parlementaire, citant en référence l'article 8 des statuts de la Cour pénale internationale.
Le PS réplique et soutient l'exécutif
Vient le tour du président du groupe socialiste à l'Assemblée, qui réplique à cette attaque en règle de la politique élyséenne par la droite. "Les affaires qui touchent à la sécurité du monde ne peuvent se traiter avec les réflexes de politique intérieure", condamne Bruno Le Roux, sous les protestations des députés de droite. Le député PS Malek Boutih répond également à l'opposition : "Christian Jacob a donné une définition de l'anti-gaullisme, la droite oublie son histoire."
Le Parti socialiste affiche en vitrine sa solidarité vis-à-vis de l'exécutif. Mais derrière la façade, ce front uni se fissure. Sur la question d'un vote d'abord. Bruno Le Roux admet lui-même que plusieurs députés socialistes ont réclamé en réunion de groupe une consultation à l'Assemblée, malgré la position de Jean-Marc Ayrault. Le député PS Pascal Cherki prédit d'ailleurs : "Je pense que l'on votera, c'est la voie d'une grande démocratie moderne."
Les socialistes ne parlent pas non plus à l'unisson sur la question des buts de guerre. La position officielle, exprimée en coulisses par Bruno Le Roux, rejoint celle du Premier ministre : "L'objectif est de dissuader Assad d'utiliser des armes de destruction massive, si on ne fait rien, on le conforte." Malek Boutih se démarque en affirmant que le but reste de "dégager Assad, même si Hollande ne peut pas le dire pour l'instant en raison du droit international".
Borloo met en garde : "Le jour d'après n'est pas prévu"
Le centriste Jean-Louis Borloo renchérit dans la critique. Le président de l'UDI juge impossible pour l'instant une intervention militaire "sans preuves irréfutables" de l'usage d'armes chimiques et "sans une coalition très large". "Pour assurer la paix, il n'y a que le droit", assène-t-il. Et il ajoute à l'intention du banc du gouvernement : "Vous nous proposez tout simplement de renier notre signature de la charte de l'ONU." Il lance enfin un avertissement : "Dans cette affaire pour l'instant, le jour d'après n'est pas prévu."
Une formule qui remporte un franc succès parmi les députés de l'opposition. Benoist Apparu (UMP) la reprend et explique à francetv info : "Il y a une confusion totale dans la ligne du gouvernement, on ne sait pas si le but est la disuassion ou de faire tomber Assad. Vu l'état de l'opposition syrienne, il n'y a pas la possibilité de substituer un pouvoir à un autre, il n'y a pas de jour d'après." L'ancien ministre du Logement, qui se dit par ailleurs plutôt favorable à une intervention sous certaines conditions, s'inquiète de la position américaine : "Si le Congrès américain dit non, on se retrouve comme des cons."
A l'issue des débats, Jean-Marc Ayrault remonte à la tribune pour répondre au principal reproche des députés : l'absence de vote sur le principe d'une intervention militaire. Le Premier ministre explique qu'il n'est pas nécessaire à ce stade de demander aux élus de se prononcer. Il fait valoir que le président de la République doit garder sa "libre appréciation" d'engager ou pas la France dans une intervention militaire.
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