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Syrie. Quels scénarios pour l'après-Assad ?

Après 17 mois de conflit civil, la fin serait proche pour le président syrien. A quoi pourrait ressembler la nouvelle Syrie ? FTVi détaille les différents scénarios envisagés.

Article rédigé par Isabel Contreras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un homme marche sur des affiches du président syrien Bachar Al-Assad, dans les locaux de l'Armée syrienne libre, à Tal Rifaat, le 22 août 2012. (PHIL MOORE / AFP)

SYRIE - Après l'attentat qui a tué quatre hauts responsables du régime le 18 juillet dernier et de nombreuses défections depuis, Bachar Al-Assad semble de plus en plus affaibli. Le vice-Premier ministre syrien, Qadri Jamil, a d'ailleurs laissé entendre mardi 21 août que le parti Baas au pouvoir était prêt à discuter une démission du président syrien. Quels scénarios sont envisagés pour la Syrie post-Al-Assad ? Eléments de réponse.

Un gouvernement multiconfessionnel et démocratique

Nous sommes "ouverts à toutes les composantes de la société syrienne, y compris à la communauté alaouite dont est issu le président syrien Bachar Al-Assad", a affirmé mardi 21 août Abdel Basset Sayda, président du Conseil national syrien (CNS, principale coalition de l'opposition), à l'issue d'une rencontre avec François Hollande à l'Elysée.

La tâche est complexe : 80% de la société syrienne sont des musulmans sunnites, tandis que les 20% restants se composent d'alaouites (branche de l'islam chiite à laquelle appartient la famille Al-Assad), de chrétiens et d'autres minorités religieuses.

Le scénario d'un nouveau gouvernement multiconfessionnel et démocratique est pourtant le plus plausible, puisqu'il peut compter avec le soutien de la communauté internationale, notamment des pays de la Ligue arabe. Côté européen, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, salue lui aussi une sortie de Bachar Al-Assad et la formation d'un gouvernement de transition démocratique. "Pour éviter un règlement de comptes entre minorités, il faut parvenir à associer toutes la société syrienne", a-t-il souligné mercredi 22 août.

Pour Agnès Levallois, spécialiste du monde arabe contactée par FTVi, "le défi reste énorme". Elle explique que "pour instaurer une démocratie, Il faut d'abord que les rebelles présents sur le terrain et le CNS s'entendent. Mais ce dernier est critiqué par 'l'intérieur' car les membres du Conseil voyagent, restent dans des grands hôtels et regardent les combats depuis leur canapé." Et de conclure : "Pour arriver à un gouvernement de transition solide, il faut une entente entre les deux parties."

Un éclatement de la Syrie en "mini-Etats" 

Autre scénario envisagé, si les forces en présence n'arrivent pas à se mettre d'accord : une division de la Syrie "en plusieurs enclaves ou mini-Etats, formés en fonction de critères confessionnels ou ethniques", imagine le bimensuel américain The National Interest, traduit par Courrier International. Ce qui permettrait à Bachar Al-Assad de se réfugier dans la province côtière de Lattaquié et de créer un "réduit alaouite"analyse dans le Figaro Fabrice Balanche.

"Ce serait la meilleure solution pour Bachar Al-Assad. Déjà son père, Hafez Al-Assad [au pouvoir de 1970 à sa mort, en 2000] s'était préparé à un éventuel repli dans cette région si l'occasion se présentait", rappelle Antoine Basbous, politologue spécialiste du monde arabe, interrogé par FTVi. "En plus, les alliés du régime salueraient la formation de ce mini-Etat, notamment la Russie qui a une base navale dans la région, à Tartous", ajoute-t-il.

Mais Agnès Levallois n'est pas convaincue que le reste du territoire syrien suive le mouvement. "La Syrie se caractérise par son unité patriotique, malgré les divergences confessionnelles. Le meilleur exemple est le parti Baas, qui est aussi composé de chrétiens alors que la famille Al-Assad est musulmane."

Un gouvernement de rebelles "autoritaire"

Ces derniers mois, des rapports ont fait état de l'arrivée en Syrie de nombreux jihadistes en provenance de Turquie. Mais combattants et experts assurent qu'Al-Qaïda reste minoritaire dans la région et n'est pas organisée, explique L'Express. Toutefois, si Bachar Al-Assad tombe, y a-t-il un risque que la présence d'extrémistes parmi les rebelles donne naissance à un nouveau gouvernement autoritaire ? "Les jihadistes vont probablement réclamer leur part du gâteau", juge Antoine Basbous. Agnès Levallois tempère : "Les médias les mettent au goût du jour alors qu'ils sont minoritaires. Il faut savoir prendre des distances : les rebelles sur le terrain se caractérisent par leur formation composite."

En revanche,"des guerres fratricides" ne sont pas à exclure, affirme Antoine Basbous. "Car après un tel conflit, les violences ne disparaissent pas totalement."

Une transition avec Bachar Al-Assad ?

Et si le président syrien se maintenait au pouvoir ? C'est le scénario le moins plausible. "Nous avons atteint un point de non-retour, estime Agnès Levallois. Un changement de gouvernement avec Bachar Al-Assad en tête n'est plus une solution envisageable. Et la raison est simple :  plus le conflit est long, plus la situation se dégrade."

Le président syrien fait d'ailleurs de moins en moins d'apparitions publiques. La dernière remonte à dimanche 19 août, lorsqu'il s'est rendu dans une mosquée de Damas pour prier à l'occasion de l'Aïd-el-Fitr. "Il est désespéré de son avenir", pointe Antoine Basbous. "Le délitement de la colonne vertébrale du régime, les services de renseignements, le mine jour après jour. Si jamais, dans le meilleur des cas, il finit par se replier à Lattaquié et décide d'entamer la reconquête de l'ensemble du territoire, ce ne sera que de la rhétorique pour masquer la tentative d’établir un Etat alaouite", conclut-il.

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