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Bachar Al-Assad, faux réformateur, vrai dictateur

Le président syrien apparaissait à son accession au pouvoir comme un réformateur possible du pays. Il a depuis montré un visage autrement plus dur.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Bachar al-Assad avec son ministre de la Défense (à dr.) et son chef détat-major (à g.), le 6 octobre 2011 à Damas (Syrie). (SANA / AFP)

Bachar Al-Assad a depuis longtemps déçu les espoirs des plus optimistes. Un temps perçu comme un réformateur, le président syrien apparaît plus que jamais décidé à mater dans le sang la révolte qui secoue le pays depuis mars. La Ligue arabe, impuissante à le faire fléchir, se réunit mercredi 16 novembre pour entériner la suspension de la Syrie au sein de ses instances.

Les premiers pas : l'illusion d'un réformateur

Son règne n'a pourtant pas toujours été aussi sombre. Lorsque Bachar Al-Assad prend le pouvoir en 2000 à la mort de son père, Hafez Al-Assad, beaucoup lui prêtent des intentions réformatrices. Cet ophtalmologiste de 35 ans, qui a étudié à Londres, n'était pas destiné à la fonction suprême : c'est la mort de son frère aîné, Bassel Al-Assad, qui fait de lui l'héritier d'une dictature désormais héréditaire.

Sa femme Asma, élevée en Angleterre et passée par la banque JP Morgan, lui vante-t-elle les bienfaits du libéralisme ? Bachar Al-Assad amorce au début de son mandat une timide ouverture de l'économie syrienne, aujourd'hui sérieusement mise à mal par la révolte.

Sur la scène politique aussi, l'horizon semble se dégager. Le parti Baas est toujours le seul autorisé mais des opposants historiques, poursuivis et emprisonnés sous le règne de son père, à l'instar du militant communiste Riad Al-Turk, peuvent prendre la parole publiquement. Des groupes de discussion voient le jour dans les appartements damascènes et dans les autres grandes villes du pays. Le "Printemps de Damas" a cependant lieu sous la surveillance étroite du régime et dès l'année 2001, des emprisonnements d'opposants et d'intellectuels mettent un sérieux coup de frein aux espoirs des démocrates.

Une période de grâce à l'international

Une politique intérieure verrouillée n'empêche pas Bachar Al-Assad de bénéficier d'une certaine bienveillance sur la scène internationale, en France surtout. Nicolas Sarkozy voit en lui un allié potentiel au Proche-Orient, et le président syrien est invité à assister au défilé du 14 juillet 2008.

Pour les voyages diplomatiques et les photos officielles, sa femme est peut-être sa meilleure ambassadrice. Elle volerait presque la vedette à la belle Rania de Jordanie, avec qui elle figure en bonne place (lien en anglais) dans les magazines de mode américains. Mais aujourd'hui, le silence d'Asma Al-Assad face à la répression a douché ses admirateurs.

La répression, vrai visage de Bachar Al-Assad

Huit mois après le début de la révolte syrienne, le doute n'est plus permis sur le caractère profondément antidémocratique du régime. Passé maître dans l'art des messages contradictoires - quelques heures après un accord donné à la Ligue arabe sur l'arrêt des violences, ses forces de sécurité tuent des dizaines de manifestants - , le président syrien ne fait plus illusion.

Plusieurs pays longtemps timides dans leur condamnation du régime appellent désormais ouvertement Bachar Al-Assad à quitter le pouvoir. C'est le cas des Etats-Unis ou de la Jordanie voisine, dont le roi, Abdallah II, déclarait encore il y a peu (article en anglais) : "Je crois vraiment qu'il a la réforme dans son âme."

Mais Bachar Al-Assad sait qu'il lui reste quelques cartouches à jouer. Entouré de son clan - son frère cadet Maher al-Assad dirige une unité d’élite de l’armée syrienne et joue un rôle de premier plan dans la répression -, soutenu notamment par la minorité alaouite dont il est issu, il "mise sur le temps, sur les élections prochaines en France et aux Etats-Unis qui, espère-t-il, détourneront l’attention de la Syrie. Il peut aussi rappeler sa capacité de nuisance chez ses voisins, au Liban, ou en Jordanie", explique l'ancien diplomate Ignace Leverrier au Nouvel Observateur. Un jusqu'au-boutisme qui a déjà fait 3 500 morts dans son pays, selon les chiffres de l'ONU.

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