Frappe américaine en Syrie : le "danger de l'escalade" dans une "ère de mâles dominants"
Suite à la frappe militaire américaine en Syrie, la Russie a dénoncé une infraction au droit international. Selon Thomas Snégaroff, historien et consultant de franceinfo "aucun des deux [dirigeants] ne semble vouloir baisser les yeux".
Le président américain, Donald Trump, a ordonné, jeudi 6 avril, une frappe militaire ciblée sur une base aérienne dans le nord-ouest de la Syrie, précisément dans le gouvernorat de Homs, d'où a été menée l'attaque chimique de mardi.
La Russie a immédiatement réagi. Vladimir Poutine estime que la frappe américaine contre une base aérienne militaire en Syrie constitue une infraction au droit international et qu'elle pénalise gravement les relations entre les Etats-Unis et la Russie, ont rapporté les agences de presse russes citant le Kremlin, vendredi.
Selon Thomas Snégaroff, historien et consultant de franceinfo, on peut craindre "une escalade", car nous sommes dans une "ère des mâles dominants", et dans le face-à-face entre Donald Trump et Vladimir Poutine, "aucun des deux ne semble vouloir baisser les yeux".
"Ce qui est inquiétant c'est qu'on a deux mâles dominants qui ne semblent pas prêts à baisser les yeux" analyse @thomassnegaroff pic.twitter.com/a6i3V0Ue9l
— franceinfo (@franceinfo) 7 avril 2017
franceinfo : Est-ce un geste politique de la part des Etats-Unis ou un geste de politique internationale ?
Thomas Snégaroff : Donald Trump a agi à l’instinct, mais il n’est pas vraiment imprévisible. D'après ce qu'il a pu dire par le passé, on voit bien qu’il n'est pas un ami de Bachar al-Assad. Pendant la campagne électorale, il avait dit que c’est "un mauvais gars", qu'on ne peut pas traiter avec lui, il avait été très dur. Dans son jeu de remise à zéro de relation avec les Russes, il fallait bien composer avec l’allié des Russes, en l’occurrence Assad. Donc, il y a une évolution.
On est en train de prendre pour fait acquis que l’ère des mâles dominants est arrivée, avec des gens tels que Erdogan, Poutine, Trump.
Thomas Snégaroffà franceinfo
Ils décident par la force d’agir. Ils sont dans une logique de rapports de force constants et permanents : comme dans un western, c’est celui qui clignera du premier de l’œil qui aura perdu.
Historiquement, les relations entre la Russie et les Etats-Unis n’ont jamais été sur sur le même pied. C'était plutôt le leader américain qui était fort et qui bombait le torse. Dans les administrations républicaines américaines récentes, on peut penser Ronald Reagan, ou à Georges Bush par exemple. Ils se retrouvaient face à des leaders russes qui étaient effacés. Ce qui me paraît inquiétant et effrayant, c’est que le cas échéant, si on prend pour acquis cette théorie des mâles dominants, on a un face-à-face entre deux mâles dominants.
Ils semblent ne pas être en volonté ou en capacité, par rapport à leur politique intérieure, de baisser les yeux.
Thomas Snégaroffà franceinfo
On peut se demander si on n'est pas dans quelque chose d’irrationnel. Lorsque j'entends Poutine dire que l'attaque américaine est une agression d’une nation souveraine, cela implique des réactions, des répliques.
Est-ce-que Donald Trump a, selon vous, anticipé les réactions de Poutine ou de Bachar al-Assad ?
D’un côté, on peut dire que non. L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley disait mardi 4 avril, qu’il faut envisager un avenir avec Bachar al-Assad, donc il y a quelque chose qui semble irrationnel.
Lors du massacre de la Ghouta, près de Damas, en 2013, plus de 1000 personnes ont été tuées. Donald Trump tweetait à l’époque contre une intervention militaire américaine.
Thomas Snégaroffà franceinfo
Or, depuis le début de l’année, selon les ONG, il y a eu une demi-douzaine d’attaques chimiques en Syrie. Les mêmes gens qui savent qu’il y a eu des attaques chimiques nous disent qu’il faut envisager un avenir avec Assad, mais aujourd’hui parce qu’il y a des images, parce qu’il y a une opinion publique qui est prise à témoin, ils nous disent maintenant qu'il faut agir militairement. Quand j’entends cela, je me demande s'il n'y a pas autre chose. Cet autre chose, c’est un coup certainement politique. Il y a selon moi un vrai danger derrière ces coups politiques, celui d’une escalade. Nous sommes en effet face à deux individus, Donald Trump et Vladimir Poutine et aucun des deux ne semble vouloir baisser les yeux.
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