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Yémen : "Les gens viennent se faire soigner sous les bombes"

Le président de Médecins sans frontières raconte le quotidien dramatique dans le pays, malgré la trêve mise en place à Hodeïda sous l'égide des Nations unies.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un membre des forces pro-gouvernementales devant un hôpital de Hodeïda, le 13 novembre 2018. (SALEH AL-OBEIDI / AFP)

De retour du Yémen, le président de Médecins sans frontières (MSF) a témoigné mercredi 19 décembre sur franceinfo de la "situation dramatique" vécue par la population civile dans ce pays ravagé par la guerre depuis bientôt quatre ans. Mego Terzian dénonce "l'indifférence" des pays occidentaux et raconte le quotidien de l'un des derniers hôpitaux encore debout à Hodeïda, dans l'ouest du pays [où une trêve précaire a commencé mardi] où les gens "viennent se faire soigner sous les bombes".

franceinfo : Vous rentrez tout juste du Yémen, qu'avez-vous pu voir sur place ?

Mego Terzian : La situation est dramatique, avec un blocus instauré par la coalition guidée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis depuis plusieurs mois maintenant sur la partie nord du pays. Mais il y a aussi des combats très violents qui sont en cours notamment dans la ville de Hodeïda, dans l'ouest du pays, mais aussi dans l'extrême nord, dans le gouvernorat de Saada, à la frontière saoudienne, où deux districts vivent des combats et des violences quotidiens avec une arrivée massive de blessées dans l'un des hôpitaux gérés par MSF à proximité.

C'est un conflit très compliqué : d'un côté les forces loyales au président, de l'autre les houthistes, des rebelles chiites venus du nord et appuyés par l'Otan. Quels sont vos interlocuteurs sur place ?

Nous parlons à tout le monde, j'ai rencontré toutes les autorités houthistes, dans leur fief. Elles ont un discours plutôt cohérent. C'est la première fois de leur histoire qu'elles gèrent un État. Elles font de leur mieux mais elles ont d'énormes difficultés pour gérer le quotidien des populations. Il y a un blocus qui est instauré sous l'excuse de la résolution 22-16 des Nations unies qui doit empêcher l'entrée des armes dans le pays, mais en fait on empêche presque tout, même l'aide humanitaire. Pour l'acheminer par la route dans la partie nord du pays, il faut négocier des jours et des jours avec les belligérants, pour passer les barrages. C'est un travail très dur. Il faut négocier également avec les Saoudiens pour ne pas avoir de bombes sur nos voitures, nos véhicules, nos hôpitaux. C'est une tâche très difficile.

Vous gérez l'un des derniers hôpitaux encore debout à Hodeïda, quelle est la situation sur place ?

À Hodeïda, nous gérons l'un des derniers hôpitaux encore debout, 31 lits, au milieu des trois lignes de front. Les équipes ne dorment presque pas la nuit, elles continuent toute la journée, c'est très dur à tenir. Mais on a aussi, paradoxalement, des victimes de violences qui viennent de plus loin que Hodeïda. Parce que dans les zones limitrophes, il n'y aucun hôpital qui fonctionne. Donc les gens prennent le risque de venir sous les bombes pour se faire soigner à MSF.

De quoi souffre la population locale ?

On voit surtout des victimes de violences, on voit des enfants atteints de maladies comme la rougeole, la coqueluche, ou la diphtérie, une maladie qui avait disparu depuis 25 ans dans ce pays, une maladie infectieuse qui réapparaît avec 500 cas traités par MSF ces derniers mois. On n'observe pas une situation de famine généralisée dans ce pays.

Vous dénoncez un silence coupable de la part de la communauté internationale sur cette guerre au Yémen ?

Oui, les occidentaux sont complices avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à propos de cette guerre, ils sont indifférents. Beaucoup de médias sont aussi absents et indifférents. C'est difficile pour les journalistes d'aller là-bas, mais il y a sur place des humanitaires comme nous, dont les propos sont très peu rapportés et entendus.

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