Yémen : la situation est "catastrophique" pour MSF, qui estime que "l'ensemble du pays a besoin d'une aide d'urgence"
"Une grosse épidémie de choléra" et "des cas de diphtérie sur l'ensemble du pays" : Caroline Seguin, responsable adjointe de la cellule Moyen-Orient de Médecins sans frontières, a listé pour franceinfo lundi les problèmes sanitaires du Yémen qui s'aggravent avec le conflit.
La mort de l'ancien président du Yémen Ali Abdallah Saleh pourrait annoncer un tournant majeur pour le pays, englué depuis plus de trois ans dans une guerre. La situation humanitaire, déjà catastrophique, pourrait empirer avec la multiplication des combats au sol et des bombardements.
L'ONU estime à sept millions le nombre de personnes qui ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Pour Caroline Seguin, responsable adjointe de la cellule Moyen-Orient de MSF, invitée de franceinfo lundi 4 décembre, "l'ensemble du pays a besoin d'une aide d'urgence".
franceinfo : quelle est la situation au Yémen ? Les hôpitaux sont-ils visés ?
Caroline Seguin : Elle est extrêmement tendue, surtout à Sanaa où il y a encore beaucoup d'affrontements. On ne sait pas encore combien il y a de blessés ni de morts. On parle de 350 blessés qui ont du mal à atteindre les hôpitaux parce qu'il y a des combats partout. Nos équipes sont confinées depuis trois jours dans les pièces sécurisées des maisons. On ne peut pas sortir, parce que les combats sont beaucoup trop tendus. Les hôpitaux ne sont pas visés jusqu'à présent, même si des bombes sont tombées à côté de nos hôpitaux, notamment dans le Nord, à Hadja. Il y a des bombes qui tombent aussi à 300 mètres de notre maison à Sanaa. Donc pour l'instant on ne circule pas. Les routes sont coupées, il y a des checkpoints tenus soit par les Houthis, soit par les fidèles du président Saleh. C'est assez catastrophique.
On est très inquiets. J'ai passé tout le week-end en contact avec eux, j'entendais des bombes tomber à côté de la maison. Aujourd'hui même l'aéroport n'est pas accessible, donc cela reste extrêmement inquiétant.
Caroline Seguin, responsable adjointe de la cellule Moyen-Orient de MSFà franceinfo
L'urgence humanitaire, ce sont les épidémies, mais c'est aussi le risque de famine ?
C'est un peu de tout. On a eu cette grosse épidémie de choléra récemment, avec plus d'un million de patients qui se sont présentés dans les hôpitaux. Récemment, on a eu des cas de diphtérie sur l'ensemble du pays, on craint une épidémie de diphtérie, qui est extrêmement létale. Et évidemment la famine : on voit des poches de malnutrition extrêmement sévères dans certains coins du Yémen, ce qui se passe aujourd'hui ne va pas arranger les choses.
Selon l'ONU, sept millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Est-ce aussi votre estimation ?
Je dirais plus. C'est l'ensemble du pays qui a besoin d'une aide d'urgence, quasiment. Il y a eu un blocus total imposé par le coalition menée par l'Arabie saoudite depuis un mois. Il n'y a plus rien qui ne rentre, qui ne sort, à part quelques petits convois humanitaires. Le pays reste dans une crise majeure, qui s'aggrave de jour en jour. Et cela touche vraiment l'ensemble du pays.
Plus la crise est importante, moins l'aide humanitaire peut arriver sur place, plus votre travail est compliqué ?
Exactement. Depuis un mois, on a vraiment du mal à faire entrer et sortir nos expatriés, mais également tout le matériel médical. Toutes les denrées pour la population n'entrent plus au Yémen, alors que ce pays est dépendant des importations à plus de 92 % en ce qui concerne l'alimentaire. C'est donc extrêmement inquiétant. On voit beaucoup de pénuries de fuel dans le Nord et à Aden.
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