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Procès Moubarak : l'Egypte entre la joie, la colère et la pitié

Le première journée du procès de l'ancien président égyptien aura été un choc pour le pays. Choc de voir pour la première fois un ex-raïs, personnage tout puissant, jugé comme un simple criminel, choc de revoir Hosni Moubarak pour la première fois depuis six mois, choc enfin, de le voir affaibli et malade. Le pays est divisé face aux images du procès. Certains prennent le président en pitié, d'autres lui reprochent son intransigeance.
Article rédigé par franceinfo
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Le programme aujourd'hui en Egypte était simple : regarder la télévision. Dehors, sur le grand écran installé à l'extérieur de l'académie de police, dans la banlieue nord du Caire. Chez soi, chez des voisins ou chez des amis. Dans des cafés, dans des salons de coiffure etc. Ces images ont fait le tour du monde, mais elles ont été passionnément suivies en Egypte, bien-sûr, et dans l'ensemble du monde arabe, où elles prennent valeur d'exemple. Ou d'avertissement.

L'homme qui, il y a encore quelques mois, était auréolé de ce statut quasi sacré qu'est celui du raïs d'Egypte, couché sur une civière, dans une cage, revêtu de la tenue blanche qui est celle des prisonniers en attente de jugement. Pâle, visiblement affaibli et fatigué, entouré de neuf autres prisonniers dont ses deux fils, Gamal et Alaa, jadis puissants et craints.

“Juge ! N'aies pas peur que de Dieu !” (un partisan de Moubarak)

L'image a fait chanceler jusqu'à certains révolutionnaires, qui admettent se sentir mal à l'aise, devant ce spectacle d'un homme de 83 ans à terre. “Je suis vraiment triste. Je n'aurais jamais pu croire que je verrais un jour mon président dans cet état. Après tout c'est un vieil homme, il faudrait avoir pitié de lui”, dit Khaled, un homme de 41 ans.
_ Hosni Moubarak a encore de nombreux partisans dans le pays. Ils ont d'ailleurs donné de la voix, brandissant des portraits du temps de la splendeur, criant des slogans du style “Juge ! N'aies pas peur que de Dieu !” Devant la salle d'audience, qui portait encore il y a quelques mois le nom du président déchu, de brefs affrontements ont éclaté entre partisans et adversaires d'Hosni Moubarak, vite contenus par les forces de l'ordre massivement déployées, mais faisant une cinquantaine de blessés.

Car le premier choc passé, le souffle révolutionnaire a repris le dessus. Hosni Moubarak a été copieusement hué lorsqu'il a pris le micro pour rejeter toutes les accusations qui pèsent sur lui. En particulier par les proches des 850 “martyrs” de la révolution. “Je n'arrive pas à y croire (...) Voir comme cela un président devant des juges ! Je ne l'aurais jamais imaginé. Je suis vraiment heureux, je pense que l'avenir sera meilleur. Le prochain président saura ainsi à quoi s'en tenir s'il s'oppose à la volonté du peuple”, s'enthousiasme Ahmed, 30 ans. “Je critiquais les jeunes qui manifestaient sur la place Tahrir au Caire. Mais quand je vois que grâce à eux ce pharaon est finalement traîné en justice, je dois dire que je salue aujourd'hui la révolution et la jeunesse d'Egypte”, reconnaît un commerçant de Charm el-Cheikh.

“Chers dictateurs arabes, le temps pour vous est compté” (un militant bahreïni)

Et ce procès Moubarak n'est pas, loin de là, une affaire égypto-égyptienne. Dans tout le monde arabe, secoué par les “révolutions de jasmin”, réussies, avortées ou en cours, le symbole prend une tournure presque prophétique : “Chers dictateurs arabes, regardez bien Moubarak aujourd'hui. Il était aussi puissant que vous. Et pour vous le temps est compté si vous ne changez pas”, écrit ainsi un militant bahreïni sur internet.

Le président du tribunal a promis un procès rapide, et il a ajourné les débats au 15 août. Un délai rapproché presque jamais vu dans les anales de la justice égyptienne.

Grégoire Lecalot, avec agences

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