Randonneuses tuées au Maroc : "Un réveil brutal" pour les habitants, mais le pays "était menacé depuis très longtemps"
Le chercheur Kader Abderrahim a commenté mercredi sur franceinfo la réaction des Marocains après le meurtre la semaine dernière de deux jeunes randonneuses scandinaves dans le sud du pays.
Au Maroc, des manifestations ont été organisées après le meurtre de deux touristes scandinaves. Cela montre "à quel point les Marocains ont été eux-mêmes choqués par ce qui est arrivé dans une région particulièrement touristique", a déclaré sur franceinfo mercredi 26 décembre Kader Abderrahim. Le chercheur, maître de conférences à Sciences Po et auteur de Géopolitique du Maroc aux éditions Bibliomonde, a jugé que le pays "était menacé depuis longtemps" par le jihadisme.
franceinfo : Ce retour du jihadisme en pleine lumière est-il une surprise pour les Marocains ?
Kader Abderrahim : Oui c'est une surprise, évidemment, un réveil brutal. Mais le Maroc était menacé depuis très longtemps et il le savait. Et cela fait maintenant des années qu'il démantèle régulièrement des cellules qui étaient présentes sur son territoire avec une certaine efficacité puisque aucune d'entre elles, depuis 2011, n'avaient réussi à passer à l'acte. Et puis aujourd'hui, on est dans une situation où c'est très compliqué parce qu'il suffit d'une personne isolée qui prenne une initiative tragique pour déstabiliser l'économie d'un pays comme le Maroc.
Que traduisent les manifestations au Maroc, après les meurtres ?
Il y a eu beaucoup de manifestations pour dire 'non' au terrorisme. Ce sont des manifestations à tout le moins humanistes et légitimes qui prouvent aussi à quel point les Marocains ont été eux-mêmes choqués par ce qui est arrivé dans une région particulièrement touristique. Une ville comme Marrakech reçoit à peu près 10 à 12 millions de touristes chaque année, c'est considérable, et par conséquent, le choc est terrible. Et il est vrai que pour combattre efficacement le terrorisme, il faut aussi avoir le soutien de sa population. Ce qui semble être le cas au Maroc.
La lutte contre le terrorisme est d'autant plus cruciale au Maroc que beaucoup de jeunes Marocains sont partis rejoindre l'Etat islamique en Syrie et en Irak...
Beaucoup de Marocains et beaucoup de Tunisiens ont effectivement rejoint les rangs de Daech. Le Maroc doit représenter le premier contingent de combattants arabes dans ses rangs. Aujourd'hui, l'organisation terroriste est considérablement affaiblie et ses capacités militaires ont été réduites. Daech n'a plus les mêmes moyens que ceux dont elle disposait autour des années 2014 jusqu'à 2016 mais elle garde une capacité de nuisance, c'est indéniable, incontestable, et le travail n'est pas terminé, cela prendra du temps. Si militairement Daech a été battu et vaincu politiquement son projet reste et demeure. Et il semble qu'il soit encore suffisamment attractif pour un certain nombre de desperados.
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