Qui sont les onze Français condamnés à mort en Irak pour appartenance à l'Etat islamique ?
Tous les Français jugés en Irak en mai et juin pour leur appartenance au groupe Etat islamique ont écopé de la peine capitale. Franceinfo revient sur le parcours de ces jihadistes.
La justice irakienne a opté à chaque fois pour la même peine. Onze Français transférés de Syrie en Irak ont été condamnés à mort, entre le dimanche 26 mai et le lundi 3 juin, pour avoir rejoint le groupe Etat islamique. La loi irakienne prévoit la peine de mort pour quiconque a rejoint une organisation "terroriste", qu'il ait combattu ou non.
Le Quai d'Orsay "multiplie les démarches" pour que ces Français échappent à la peine de mort, a assuré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur France Inter le 28 mai. "Nous intervenons au plus haut niveau de l'Etat", a réitéré la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur Europe 1 et CNews dimanche, tout en expliquant "la justice irakienne se fait dans de bonnes conditions, avec une défense qui est présente", ce que contestent les avocats des familles. Franceinfo fait le point sur ces jihadistes français condamnés à mort.
Léonard Lopez
Né en 1986, dans le 11e arrondissement de Paris, Léonard Lopez fait partie de la catégorie des convertis à l'islam. Il a longtemps été employé dans une librairie islamiste de l'est parisien, indique L'Obs (article payant). Il s'est distingué, au début des années 2000, par son activité sur le site jihadiste francophone Ansar Al-Haqq. En juillet 2015, alors qu'il est sous contrôle judiciaire, il part à Mossoul (Irak) avec sa femme et ses deux enfants, âgés à l'époque d'1 et 5 ans, d'après L'Obs. Il rejoint ensuite la Syrie, selon les enquêteurs français.
Condamné en son absence en juillet 2018 à cinq ans de prison dans le dossier Ansar Al-Haqq, celui qui se faisait appeler Abou Ibrahim Al-Andaloussi au sein de l'Etat islamique est considéré comme un idéologue, un propagandiste. Mais il est surtout connu pour avoir cofondé l'association Sanabil, dissoute par le gouvernement français fin 2016 car elle contribuait, sous couvert d'aide aux détenus, à radicaliser des prisonniers. "Tous ceux qui ont été impliqués directement ou indirectement dans les attentats depuis janvier 2015 ont été en lien direct ou indirect avec Sanabil", assurait à l'époque un enquêteur.
Kévin Gonot
Né à Figeac (Lot), Kévin Gonot, 32 ans, a été arrêté en Syrie avec son demi-frère, sa mère et son épouse. Celle-ci est une nièce des frères Fabien et Jean-Michel Clain, qui ont revendiqué les attentats de novembre 2015 à Paris avant d'être tués récemment en Syrie. Kévin Gonot s'est converti à l'islam au début des années 2000, indique La Dépêche du midi. Chauffeur dans une société de nettoyage à Figeac, il a ensuite vécu pendant deux ans au Caire pour étudier l'arabe. Entré illégalement en Syrie, il a rejoint le Front Al-Nosra (une ancienne branche d'Al-Qaïda) avant de prêter allégeance au "calife" autoproclamé de l'Etat islamique, Abou Bakr Al-Baghdadi.
Selon la justice irakienne, celui qui se faisait appeler Abou Sofiane au sein de l'EI a reconnu avoir combattu en Syrie et en Irak. Lors de l'audience de dimanche toutefois, Kévin Gonot a indiqué avoir été blessé au ventre lors de la bataille de Kobané en Syrie en 2015. Il a ensuite été transféré à Mossoul, en Irak, pour y être hospitalisé après une blessure et non pour y combattre, affirme-t-il. A son procès, il a dit au juge "regretter" d'avoir rejoint le groupe terroriste. En France, il a déjà été condamné en son absence à neuf ans de prison, indique le Centre d'analyse du terrorisme (CAT).
Salim Machou
Salim Machou, 41 ans, a appartenu à la brigade Tariq ibn Ziyad, une des unités du groupe Etat islamique menée par un ancien légionnaire français, Abdelilah Himich. Cette "cellule de combattants européens, vivier d'auteurs d'attaques", a compté jusqu'à "trois cents membres", selon les autorités américaines. Salim Machou a hébergé à Raqqa Jonathan Geffroy, un Français capturé en Syrie et remis à la justice française, selon le CAT.
Mustapha Merzoughi
Mustapha Merzoughi, 37 ans, a servi dans l'armée française entre 2000 et 2010. Il a notamment été envoyé "en Afghanistan en 2009", selon ses "aveux". En France, celui qui se faisait appeler Abou Omrane Al-Faranssi au sein de l'Etat islamique a vécu à Toulouse, ville d'où venaient aussi les frères Clain. Ce Français d'origine tunisienne a expliqué avoir rejoint le mouvement jihadiste après des recherches via internet et les réseaux sociaux. Il est surtout connu par le renseignement français pour avoir recruté, sur internet, des candidates au jihad, affirme La Dépêche du midi.
Passé par la Belgique puis le Maroc, ce Français d'origine tunisienne a dit au juge, lors de son procès, avoir suivi "des formations obligatoires religieuses et militaires à Mossoul" avant de se voir remettre "une Kalachnikov et un salaire mensuel de 200 dollars". "Je ne suis pas coupable de crimes et de meurtres, je suis coupable d'être parti là-bas", a-t-il dit, avant de demander pardon. Il a déclaré lors de ses interrogatoires avoir "prêté allégeance devant un chef de l'Etat islamique au visage masqué à Mossoul", mais, lors de son jugement, il a nié avoir prêté allégeance à Daech.
Brahim Nejara
Agé de 33 ans, Brahim Nejara a facilité l'envoi de jihadistes en Syrie, selon le Centre d'analyse du terrorisme. D'origine tunisienne, il se faisait appeler Abou Souleimane Al-Tounsi au sein de l'Etat islamique, indique Le Progrès. Il est également apparu dans une vidéo du groupe terroriste après les attentats de novembre 2015.
Originaire de Meyzieu, près de Lyon, d'où sont partis plusieurs jihadistes français, il a également incité un de ses frères à commettre un attentat en France, de même source. En Syrie, ajoute le CAT, il a fréquenté Foued Mohamed-Aggad, l'un des kamikazes du Bataclan. Reconnaissant avoir été pendant "un mois et demi" membre de la très redoutée police islamique de Daech, il a toutefois assuré au juge : "Je n'ai pas prêté allégeance à l'Etat islamique car quand je suis arrivé en Syrie, c'était le chaos."
Karam El Harchaoui
D'origine marocaine, Karam El Harchaoui, 32 ans, est parti en Syrie en 2014 depuis la Belgique, selon La Libre Belgique. D'après le quotidien belge HLN, son jeune frère et leurs épouses belges étaient également membres de l'Etat islamique. Sur une photo diffusée par la justice irakienne après son arrestation, il apparaît en sweat à capuche, l'avant du crâne dégarni et barbe encadrant son visage.
Lors de son procès, Karam El Harchaoui s'est présenté crâne et barbe rasés. Il a expliqué avoir pris la route de la Syrie depuis Bruxelles où il était chômeur. En Syrie, il a épousé successivement deux ressortissantes belges. Visiblement très stressé à la barre, il s'est dit "innocent" : "Je ne suis pas entré en Irak et je n'ai participé à aucun combat ni en Syrie, ni en Irak."
Yassine Sakkam
Agé de 29 ans, Yassine Sakkam a quitté la France fin 2014 pour aller combattre au sein du groupe Etat islamique. Il est visé par un mandat d'arrêt criminel français depuis 2016. Originaire de Lunel (Hérault), il a été l'un des derniers à quitter cette ville et a été arrêté en Syrie par les Kurdes. Il a mis en ligne des photos où il pose avec des armes et, selon le CAT, son frère Karim a commis un attentat-suicide à la frontière irako-jordanienne en 2015. "Je reconnais avoir fait allégeance. Je touchais un salaire de 70 dollars" par mois, a-t-il déclaré lors de l'audience, regrettant ses actes et demandant "pardon à l'Etat irakien et aux victimes".
Cité ou apparu dans plusieurs entretiens avec la presse française, il est l'un des Français de l'Etat islamique les plus médiatisés. "La plupart des gens qui sont venus, sont venus avec une croyance, un idéal. Moi, je suis venu sans idéal. Je ne connaissais aucune sourate. Je suis venu chercher mon petit frère", déclarait-il en 2018 dans un reportage de France 2. Un journaliste du Point avait rappelé sur Twitter qu'il avait été menacé par le jihadiste au moment de l'écriture de son livre Le chaudron français (éd. Grasset) : "Contacté en septembre 2016 sur Facebook, (...) ce dernier nous avait menacé de nous égorger avec le sourire."
Fodil Tahar Aouidate
Originaire de Roubaix (Nord) et âgé de 32 ans, Fodil Tahar Aouidate a effectué un premier séjour en Syrie en 2013, au terme duquel il est soupçonné d'avoir voulu commettre un attentat en France. Il est finalement retourné en Syrie en 2014. Il avait été enregistré dans les archives administratives du groupe Etat islamique comme "combattant", selon un document à en-tête de l'organisation terroriste présenté par le juge à son procès.
En France, il avait été emprisonné plusieurs mois pour trafic de drogue. Le renseignement français le connaissait pour ses liens avec la mouvance salafiste belge et notamment avec Abdelhamid Abaaoud, l'un des organisateurs présumés des attentats du 13-Novembre. Fin 2015, il était apparu dans une vidéo faisant l'apologie de ces attaques, dans laquelle il menaçait : "On continuera à frapper chez vous."
Selon la justice française, il avait été rejoint en Syrie par 22 membres de sa famille. Deux de ses sœurs ont par ailleurs été condamnées en France pour "financement du terrorisme" après lui avoir envoyé 15 000 euros alors qu'il se trouvait en Syrie. Elles attendent leur procès en appel.
A l'ouverture de son procès, Fodil Tahar Aouidate avait accusé ses interrogateurs de l'avoir frappé pour "avouer ce qu'ils réclamaient" et montré au juge des marques sur son dos. Son procès avait été reporté le temps d'une expertise médicale. Lors de la nouvelle audience, le 2 juin, le juge a finalement rejeté les accusations de torture.
Vianney Ouraghi
Âgé de 28 ans, Vianney Ouraghi avait quitté la France en juin 2013, selon le Centre d'analyse du terrorisme, aux côtés du Franco-Algérien Lyes Darani, arrêté en octobre 2013 et condamné à huit ans de prison en France pour avoir voulu préparer un attentat à son retour de Syrie. Vianney Ouraghi, lui, était resté, rejoignant d'abord Al-Nosra puis intégrant le groupe Etat islamique à la proclamation de son "califat", en juillet 2014, toujours selon le CAT. Il est marié à deux Syriennes.
A son procès, le 2 juin, Vianney Ouraghi a affirmé ne jamais être allé en Irak et ne pas avoir combattu en Syrie. Il a reconnu avoir "travaillé avec l'EI", mais a plaidé n'avoir été qu'un "fonctionnaire administratif", en charge "des veuves et des familles" de jihadistes.
La justice irakienne, en revanche, a rendu public ce qu'il aurait déclaré lors de sa détention : il aurait reconnu avoir rejoint "un centre d'accueil des combattants étrangers à Mossoul", en Irak, après avoir prêté allégeance à l'Etat islamique. Il aurait affirmé avoir été "convaincu à travers les réseaux sociaux". A l'audience, le juge a présenté un document administratif de l'EI dans lequel il est, lui aussi, présenté comme "combattant".
Mourad Delhomme
Condamné le 3 juin, ce Français de 41 ans, né en Algérie, est présenté par le CAT comme un "vétéran du jihad ayant exercé les fonctions de juge" au sein des tribunaux mis en place par l'EI, qui ordonnaient régulièrement des exécutions sommaires. Selon cette même source, il a été arrêté à Deir Ezzor, en Syrie, il y a près d'un an.
Bilel Kabaoui
Egalement condamné le 3 juin, il est un de ceux sur lesquels on a le moins d'informations. Agé de 32 ans, il est originaire de Sèvres (Hauts-de-Seine). Il serait parti vers la Syrie à l'été 2014, selon le CAT.
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