Quels sont les arguments des opposants à l'intervention française en Irak ?
L'ex-Premier ministre Dominique de Villepin a fortement critiqué, lundi matin, la façon dont la France intervient en Irak contre l'Etat islamique. Ce n'est pas la seule voix dissonante parmi les parlementaires et les responsables politiques.
La classe politique en a fait la démonstration mercredi à l'Assemblée, lors d'un débat sans vote : elle est unie pour soutenir la lutte contre les jihadistes de l'Etat islamique (EI). Toute la classe politique ? Non. Député, ex-Premier ministre, eurodéputé, chefs de partis politiques... Certains irréductibles sont opposés aux frappes aériennes menées par la France dans le nord de l'Irak, aux côtés des Etats-Unis. Voici leurs arguments.
1En intervenant, la France se met en danger
Invité de RTL, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin (UMP) a estimé, lundi 29 septembre, que la France prenait des risques en participant aux frappes en Irak. La participation française à la coalition "nous met beaucoup plus en danger, c'est une évidence. Elle risque de cristalliser les terroristes à travers le monde", a-t-il estimé.
Le député UMP des Français de l'étranger Alain Marsaud, ancien magistrat antiterroriste, estime lui aussi que cette intervention accroît le danger pour la France. "Nous sommes le maillon faible, nous sommes engagés avec trois ou quatre avions Rafale sur la zone, la France n'a pas la capacité de défense, y compris de ses concitoyens à l'étranger, qu'ont les Américains", a-t-il notamment mis en garde sur RTL le 23 septembre. "Nous sommes en train de devenir" la "cible n°1" des jihadistes, à l'étranger comme en France, prévient-il encore.
2Les frappes aériennes ne vont pas régler le problème
"L'intervention militaire nourrit le terrorisme", estime aussi Dominique de Villepin. "Nous savons par l'expérience que l'intervention militaire, ces frappes militaires, ne peuvent pas donner le résultat que nous espérons, l'éradication d'un groupe terroriste. Toute l'expérience depuis une décennie, je dirais même depuis cinquante, soixante ans, c'est qu'au contraire, cela alimente le terrorisme", a-t-il ajouté.
Pour lui, il faut une "stratégie politique" pour lutter contre l'Etat islamique, mais elle doit être différente. "Pour être efficace, il faut que les pays sunnites soient devant (...) il faut que nous [la France et la coalition], si nous intervenons, n'intervenions que ponctuellement en appui, et non pas devant", propose-t-il.
L'eurodéputé du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, désapprouve les frappes en Irak. "Tout le monde sait d'avance qu'elles vont provoquer un chaos encore plus grand après qu'avant", a-t-il jugé le 26 septembre sur France 2. Il prône plutôt de "s'intéresser à ceux qui financent" les jihadistes, au premier rang desquelles "les monarchies saoudienne et qatarie".
Pour Alain Marsaud, il faudrait aller encore plus loin pour espérer éradiquer l'EI. Selon lui, l'Etat ne pourra pas être vaincu sans intervention terrestre, ce à quoi il s'oppose. "On ne réglera pas ce problème de l'Etat islamique sans engagement de troupes au sol, quoi qu'on nous raconte ! On ne va quand même pas aller faire tuer des soldats français en Irak", argumente-t-il.
3La France doit agir sous l'égide de l'ONU
Hormis Jean-Luc Mélenchon, d'autres élus du Front de gauche ont aussi exprimé "de fortes réserves" sur l'intervention française lors du débat sans vote à l'Assemblée nationale mercredi. D'accord pour "apporter une aide militaire à ceux qui résistent aux jihadistes, ainsi qu'un soutien politique, humanitaire, économique", mais "certainement pas sous un commandement américain et sous tutelle de l'Otan", a lancé le député François Asensi.
"Au lieu d'être libre et indépendante, la France est accrochée à l'Otan. C'était le cas sous Sarkozy, ça l'est encore sous Hollande", a dénoncé le patron du PCF Pierre Laurent. Pour lui, seule une intervention validée par l'ONU justifie l'envoi de forces françaises.
4C'est une façon pour Hollande de détourner l'attention
Pour le Parti de gauche, François Hollande use d'une "vieille recette". "Acculé par les difficultés intérieures, le président de la République a utilisé une vieille recette pour tenter de détourner l'attention : il a annoncé l'entrée en guerre de la France en Irak !" a fustigé le 18 septembre Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche.
Sur France 2, Jean-Luc Mélenchon s'est aussi montré critique sur ce point. "François Hollande a décidé tout seul, le 18 septembre, que l'on frappait en Irak. Le lendemain, les frappes ont lieu et cinq jours plus tard le Parlement débat et ne vote pas. Nous devons être le seul pays au monde où les choses se passent de cette façon." Parlant de "monarchie présidentielle", il a ajouté : "Même les Anglais, qui sont un royaume, votent dans leur chambre des Communes."
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