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Libération de Mossoul : "Ça tirait tout le temps, des canons, des tanks, des roquettes... Alors on est partis"

A mesure que les quartiers de Mossoul, en Irak, sont repris au groupe Etat Islamique, des centaines de familles fuient les combats pour les camps de réfugiés. Exemple à Khazir, à l'est de Mossoul, vendredi.

Article rédigé par Eric Biegala, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le camp de réfugiés d'Hassan Cham à l'Est de Mossoul en Irak le vendredi 4 novembre.  (ERIC DAMAGGIO / RADIO FRANCE)

Les civils de Mossoul, en Irak, arrivent en masse dans les camps de réfugiés, à mesure que les quartiers de la ville sont libérés. Dès le début de la semaine, il y avait déjà environ 2 500 réfugiés dans le camp de Khazir, sur la route de Mossoul. Ils étaient 8 000 vendredi 4 novembre, d'après le responsable du camp. Des réfugiés provenant des zones reprises aux jihadistes du groupe Etat islamique, essentiellement des villages dans la plaine de Ninive qui s'étend sur une cinquantaine de kilomètres à l'est de Mossoul.

A Khazir, Maryem témoigne, devant la tente qui lui a été allouée, pour elle et sa famille. Maryem est l'une des premières arrivée dans ce camp, il y a plus d'une semaine, lorsque les combats ont touché son village près de Al Quwayr, au sud-est de Mossoul. "Daech nous étranglait, raconte-elle, on était au courant que les Peshmergas avançaient... On a donc décidé de fuir dès le début des combats de l'opération sur Mossoul, parce que les gens de Daech savaient que certains d'entre nous renseignaient les combattants kurdes. On avait peur qu'ils ne nous tuent, alors on est partis."

Depuis l'entrée des forces spéciales irakiennes dans Mossoul, le 1er novembre, le camp a vu arriver des milliers de personnes supplémentaires. Elles fuient les combats qui se déroulent dorénavant dans les premiers quartiers à l'est de Mossoul. La plupart de ces nouveaux arrivants viennent du faubourg de Gogjali, repris au groupe Etat islamique il y a trois jours et dorénavant a peu près tenu par l'armée irakienne. "On a eu un afflux dramatique de personnes depuis hier [jeudi] et cette nuit, explique Abi Ruzgar, le directeur du camp de Khazir. 4 000 à 5 000 réfugiés sont arrivées de la zone de Gogjali. Actuellement, nous avons 8 000 personnes dans le camp et on vient de me prévenir qu'un convoi de 140 véhicules est en train d'arriver !"

Les combats pour reprendre Gogjali ont été intenses. Ils ont duré trois jours et n'ont pas encore suffi pour sécuriser la totalité du quartier. Une pluie d'obus de mortier tombe en permanence et il y a plusieurs attaques à la voiture suicide, bourrée d'explosif. "Ça bombardait en permanence, beaucoup de gens sont morts, témoigne Kemal Djeli Hassan, la cinquantaine qui a quitté Gogjali. Ça tirait tout le temps, des canons, des tanks, des roquettes... Depuis le matin jusque tard dans la nuit, c'était en permanence ! Alors on est partis se réfugier, dans un camp. Un de mes voisins est mort, un autre a été très sérieusement blessé. Il y avait des corps de combattants de Daech partout dans la rue."

"On a les identités de ceux qui ont collaboré"

L'arrivée dans un camp de réfugié commence par un petit interrogatoire, très succinct pour le moment. Les autorités sécuritaires locales, c'est-à-dire les peshmergas kurdes, fouillent au corps tout nouvel arrivant, redoutant la présence parmi tous ces réfugiés de possibles combattants de Daech, porteurs de bombes... et puis on fait aussi la chasse à ceux qui ont collaboré avec l'organisation Etat Islamique. "On a été très bien accueillis, raconte Kemal Djeli Hassan. L'entretien n'est pas très pénible. On nous a juste demandé la carte d'identité irakienne et pris nos empreintes digitales."

Ils savent très bien qui est un vrai civil et qui ne l'est pas. Ils connaissent parfaitement les noms de ceux qui sont des terroristes et ceux qui n'en sont pas... Nous aussi, d'ailleurs, on les connaît.

Kemal Djeli Hassan, réfugié

Pour faire face à l'arrivée des civils, le camp d'Hassan Cham vient d'ouvrir. Situé à un petit kilomètre du camp de Khazir, à 35 kilomètres à l'est de Mossoul, il accueille depuis vendredi un millier de personnes. A la porte du camp, le lieutenant-colonel Ershat, responsable de la sécurité, avoue qu'il est impossible de vérifier les identités de tout le monde... pour le moment. "Comme vous le voyez, c'est la grande foule, on ne peut pas interroger chaque réfugié correctement. Mais on a les noms, on a les identités de ceux qui ont collaboré. Vous croyez vraiment qu'aucun d'entre eux n'a travaillé pour Daech ? Pour le moment on accueille tout le monde, et, quand ils seront tous là, on vérifiera tout. Certains seront arrêtés. On a la clef du camp !"

A partir du moment où les réfugiés sont entrés, ils ne peuvent plus sortir. Selon le responsable du camp, certains de ses pensionnaires sont des combattant de Daech. "Au moins une vingtaine... c'est ce que je crois ! Les Shabaks, je peux garantir qu'aucun d'entre eux n'a fait alliance avec Daech. Mais ici, dans ce camp, il y a beaucoup d'Arabes que je soupçonne."

Les Shabaks sont des musulmans chiites. Ils ne sont guère soupçonnables d'avoir fait cause commune avec l'extrêmisme sunnite qui demeure l'idéologie du groupe État Islamique, qui les considère d'ailleurs comme des hérétiques... Restent les Arabes sunnites, qui constituent la majorité de la population de Mossoul, environ un million de personnes qui pourraient bientôt se retrouver dans ces camps de Khazir, à mesure que l'armée irakienne avance dans Mossoul.

Le reportage d'Eric Biegala, l'envoyé spécial de franceinfo à Mossoul.

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