La femme du jour. Edith Bouvier, reporter de guerre sans goût pour la parade
Chaque jour, Nathalie Bourrus raconte une femme. Un portrait, mais surtout une rencontre. Aujourd'hui, la journaliste Edith Bouvier.
Nom : Bouvier. Prénom : Edith. Age : 38 ans. Métier : reporter de guerre.
Pourquoi elle ? Parce que la semaine dédiée au Prix des correspondants de guerre a démarré lundi à Bayeux, près de Caen. Et parce qu’elle sort un livre, Un Parfum de Djihad.
Un énième livre sur Daesh, me dis-je… Une énième façon de parler de la Syrie, me répond elle, du tac au tac, sans ciller.
Edith Bouvier a les yeux grands ouverts. C’est une femme cash. Il faut dire qu’elle a vécu des choses rudes. En 2012, elle s’est retrouvée coincée à Homs, en Syrie, avec des confrères. Grièvement blessée à la jambe, elle a passé 10 jours dans un hôpital syrien ou elle dit avoir vidé tout le stock de morphine. Puis, elle a été exfiltrée.
Les femmes et le jihad
"Ça va ?" "Oui", répond-elle, en tâtant légèrement sa jambe. Et elle passe à autre chose. Pour elle, le sujet n’est pas là. Cette reporter déteste parader. Son sujet, c’est la Syrie. Et les gens qui souffrent. Tout ceci est désormais greffé dans son corps et dans son cœur. Elle s’est donc attaquée, avec une autre journaliste, aux femmes du jihad.
"Je me suis demandée pourquoi 700 femmes se sont engagées auprès du groupe Etat Islamique. Et puis, il y a eu un déclencheur.
– Lequel ?
– Je donnais des conférences. Et un jour, deux filles sont venues me voir, et m’ont demandé comment y aller.
– Ah bon ? Mais c’était risqué de demander ça à une journaliste…"
Elle sourit. Non, ce n’était pas risqué. Parce qu’Edith Bouvier inspire confiance. Le genre de femme à qui on déballe tout. Elle ne leur a pas donné la recette miracle. Mais elle a commencé à les observer. "N’oublions pas qu’un quart de fichier S pour terrorisme, sont des femmes."
Elle est donc partie sur leurs traces.
"J’ai passé beaucoup de temps au téléphone, avec elles. En fait, on a fait un livre WhatsApp. J’ai aussi pu en joindre certaines, en prison en France. Je ne les juge pas. Je regarde, j’écoute, et je livre leurs témoignages. Ce qui les lie, c’est qu’elles cherchent toutes un homme, et la justice par rapport à la Syrie.
– Elles regrettent d’être partie là-bas ?
– En fait, pas vraiment. Elles portent cet engagement, même si certaines sont paumées, elles ont un espoir."
Un mot pour la définir ? Humble. Ma vie n’a aucun intérêt, répète Edith Bouvier. Je suis là uniquement pour raconter celle des autres.
Nathalie Bourrus, grand reporter depuis 20 ans à franceinfo, raconte avec sa plume aiguisée et sa voix chaude les tops et les flops, les rires et les larmes d’une femme. Un portrait, mais surtout une rencontre, du lundi au vendredi à 16h56 et 21h51.
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