: Vidéo Le Liban "à bout de souffle" face à une crise économique majeure
Inflation généralisée, pénuries d'électricité, pressions du FMI : la crise s'intensifie au pays du Cèdre. Décryptage depuis Beyrouth, avec le journaliste Philippe Hage Boutros.
"Le Libanais vit dans une situation très précaire, coincé par ses banques [...], coincé par l'électricité et coincé par les prix qui augmentent de façon dramatique." C'est par cette formule que Philippe Hage Boutros, journaliste économique pour L'Orient-Le Jour à Beyrouth, résume la crise économique qui enfle au Liban depuis plusieurs mois. Pour lui, le pays est "à bout de souffle".
Parmi les causes identifiées de cette crise, le secteur financier, "moteur historique du pays" comme le rappelle Philippe Hage Boutros, a perdu toute sa vitalité. "Ce secteur traverse une crise de confiance qui ne lui permet plus de remplir son rôle, qui était de financer l'économie et surtout les institutions publiques", détaille-t-il. Très dépendant de ses réserves en dollars, le Liban a vu son stock de billets verts se raréfier, et la valeur de sa monnaie (la livre libanaise) chuter. Un "problème majeur" pour ce petit pays qui importe plus des trois quarts de ses biens et denrées.
L'inflation galopante inquiète
"Tout devient cher", déplore Philippe Hage Boutros, qui évoque des "hausses généralisées" et "affolantes" des prix. Qu'il s'agisse de la viande, des médicaments ou encore du fioul domestique, les conséquences de cette crise pèsent lourdement sur le quotidien des Libanais. "Enormément d'entreprises du secteur privé ont dû fermer boutique, soit temporairement, soit définitivement, indique le journaliste. On n'a aucune idée d'à quel point l'économie informelle est en train de se substituer à l'économie formelle." A la volatilité des prix s'ajoutent les pénuries d'électricité, "bien plus fréquentes" ces derniers mois en raison du rationnement du carburant, qui alimente d'habitude les générateurs des immeubles.
En mai, le Liban a sollicité l'assistance du Fonds monétaire international (FMI), qui s'est penché sur le dossier. Lundi 13 juillet, l'organisation a réclamé des réformes en profondeur. "Il faut restructurer la dette publique, renforcer le dispositif fiscal, renflouer les banques, a déclaré Athanasios Thanos Arvanitis, vice-directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, lors d'une conférence de presse. "Il faut réformer l'économie et en particulier les entreprises publiques, a-t-il ajouté, et améliorer la gouvernance ainsi que la transparence." Des demandes partagées par une grande partie de la population libanaise, qui manifeste massivement depuis octobre 2019.
La résilience en question
En attendant ces réformes, et face à des prix toujours plus élevés, combien de temps le Liban pourra-t-il encore tenir ? "Si rien n'est fait, pas longtemps, mais nous sommes vraiment dans l'incertitude", regrette Philippe Hage Boutros. Pour le journaliste, les aides internationales et les réseaux informels jouent un rôle non négligeable dans la survie des ménages. "Si le Liban était normalement constitué, il n'aurait pas pu tenir ces trente dernières années", sourit-il. Mais la résilience historique du pays pourrait avoir ses limites. "Ceux qui ont connu la guerre civile [1975-1990] vous diront, avec une certaine bonhomie, que le Libanais trouve toujours 'le moyen de'. Ceci dit, je pense que ce sera moins confortable que ça n'a pu l'être par le passé. C'est notre seule certitude."
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