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Le captagon, drogue du djihadiste ou fantasme médiatique?
On la présente comme la drogue des djihadistes. L’amphétamine qui efface la peur et décuple les forces. Les pilules de captagon seraient l’objet d’un immense trafic dans tout le Moyen-Orient. D’un immense fantasme aussi. Au point que les médias ne s’accordent pas sur les bénéficiaires du trafic, Bulgares ou Syriens.
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Dans la fureur de la guerre civile, la Syrie serait devenue un des plus gros consommateurs et exportateurs d’amphétamines. Selon le service des Nations Unies chargé des problèmes de drogue, la consommation du captagon est négligeable hors du Proche-Orient.
Jusqu’alors, la Syrie n’était qu’un carrefour, point de transit de la drogue entre l’Europe, la Turquie ou le Liban du côté fournisseurs, la Jordanie, l’Irak et le Golfe persique côté consommateurs. Ainsi en 2010, l’Arabie Saoudite recevait sept tonnes de captagon.
Une économie de guerre
Le chaos en Syrie a transformé le pays en lieu de fabrication. En même temps que la production chutait de 90% dans la plaine de la Bekaa au Liban. Un trafic qui permettrait aux rebelles d’acheter des armes, selon Reuters (lien en Anglais).
La fabrication est simple et bon marché. Des rudiments de chimie suffisent pour la produire.
Régulièrement, les autorités syriennes et libanaises démantèlent des laboratoires clandestins qui fabriquent ces pilules. Au Liban, douze millions de comprimés ont été saisis en 2013, selon le colonel Ghassan Chamseddine, chef de la lutte anti-drogue du pays.
En Jordanie, courant mars, les gardes-frontières ont réalisé une saisie de 10.000 pilules de captagon à bord de deux voitures venues de Syrie. Les policiers ont également saisi plus de 200 armes.
Une drogue de terrain
Troupes gouvernementales syriennes et rebelles s’accusent mutuellement de consommer cette amphétamine pour prolonger l’engagement des forces sans repos. Selon un psychiatre libanais: «la drogue vous rend euphorique. Vous ne dormez pas, ni ne mangez». Reuters raconte l’étonnante attitude de prisonniers qui ne ressentaient aucune douleurs des coups qu’ils recevaient. Il fallait attendre 48 heures, que l’effet s’estompe, pour les questionner (en Anglais).
Cette amphétamine est apparentée aux stupéfiants en France. Pays où elle n’est plus commercialisée depuis 1993. Elle était prescrite dans le traitement de la narcolepsie ou des troubles de l’attention.
En Syrie, les combattants ne seraient pas les seuls consommateurs de captagon (et de haschich). Les civils victimes de bombardements en prennent aussi pour réduire leur stress. Difficile d'en faire la «potion magique» des combattants de Daech comme certains voudraient présenter cette drogue. Nos confrères de Francetv Info remarquent, à juste titre, que sa consommation est peu compatible avec les préceptes du groupe islamiste.
La filière bulgare
Pour couronner le tout, la presse bulgare citée par Courrier International, croit savoir que l’origine du trafic se situe en fait à Sofia, où le captagon serait produit depuis 2011, dans un «laboratoire de l’agence atlantique», entendez de l'Otan. C’est du moins ce qu’annonce l’organe de presse russe Ria Novosti, que les Bulgares ont repris dans leurs articles.
Ria Novosti n’hésite pas à dramatiser les effets de la drogue «potion de la terreur» qui expliquerait la cruauté des djihadistes de Daech. Cette drogue, toujours selon l'agence, aurait aussi joué un grand rôle dans les printemps arabes.
En réalité, si la Bulgarie a été, dans les années 60, un centre de production, les experts cités par Courrier International reconnaissent que la production s’est déplacée au Proche-Orient.
Beaucoup d'informations contradictoires qui, au final, relativisent l'importance accordée à cette drogue.
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