La difficile élection d’un président au Liban
Dans le système politique libanais, le président de la République est chrétien maronite, le Premier ministre sunnite et le président de l’Assemblée chiite. Les députés doivent trouver un successeur au président Michel Sleimane, dont le mandat s'est achevé fin mai. La tâche n'est pas simple et, au-delà des problèmes institutionnels, le débat montre la difficulté de trouver un homme de compromis parmi le personnel politique maronite.
Le principal candidat, Samir Geagea, leader des Forces Libanaises, est loin d’être un personnage inconnu sur la scène libanaise et son passé guère porté vers le compromis. Il a nettement mené le premier scrutin au parlement. Mais depuis, le quorum n'a jamais été réuni pour valider un nouveau vote. Le 2 juillet 2014, l’Assemblée a encore échoué à réunir suffisamment de députés pour participer au scrutin.
Ce huitième échec prolonge la vacance du pouvoir dans un pays aux prises avec les violences qu'aggrave la guerre civile en Syrie voisine, mais aussi des difficultés économiques et les conséquences de l'afflux d'un million de réfugiés syriens. En attendant, une partie des prérogatives présidentielles est assumée par le gouvernement de Tammam Salam.
Geagea, un politique contesté
Le camp chrétien n'a pas fait bloc derrière Samir Geagea. Loin de là. Il faut dire que le leader des Forces libanaises (FL) est, à 61 ans, un personnage très contesté de la politique libanaise. Il est un des seuls à avoir fait de la prison à l’issue de la guerre civile durant laquelle ses actions de miliciens ont laissé des souvenirs sanglants (dans à peu près tous les camps...). «Samir Geagea a été rattrapé par son passé sous la coupole de l'hémicycle. Les bulletins comportant les noms de ses victimes présumées (Rachid Karamé, Dany Chamoun et les deux enfants Tarek Dany Chamoun et Jihane Tony Frangié) ont eu autant d'impact sinon plus que les 48 bulletins où était inscrit son nom. Les sept députés qui ont pris cette décision courageuse ont, en quelque sorte, gâché la fête que le chef des FL s'apprêtait à célébrer, écornant sérieusement son image d'homme politique d'envergure nationale», rappelle un journal proche du Hezbollah.
Le passé sanglant de la guerre civile libanaise n'est pas la seule cause du blocage. Samir Geagea est en effet aussi un partisan de de la révolte en Syrie contre le régime de Bachar al-Assad, et est très critique du soutien que lui fournit le Hezbollah sur le terrain. Il entend représenter à la tête du Liban la coalition du 14-Mars qui regroupe des formations opposées à l'ingérence de la Syrie dans les affaires libanaises. Le terme de 14-Mars fait référence à la date de la grande manifestation qui a regroupé à Beyrouth plus de 1,3 million de Libanais réclamant le retrait des troupes syriennes du pays et la pleine lumière sur l’assassinat de Rafiq Hariri en février 2005.
Il s'oppose ainsi à un autre personnage phare de la communauté maronite, le général Michel Aoun, aujourd'hui allié du Hezbollah. Mais Michel Aoun ne s'est pas présenté à l'élection. Pour l'instant, ce dernier préfère proposer une réforme constitutionnelle...
Hélou, «l'homme de la modération»
Un troisième homme, Henri Hélou, s'est porté candidat. Il est présenté comme plus consensuel et est notamment soutenu par le leader druze Walid Joumblatt qui l'a décrit comme un «homme de la modération». «Un président fort est celui qui rassemble les Libanais», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse commune avec M. Joumblatt. «Nous tendons la main à toutes les parties, l'ouverture est la seule solution, a-t-il insisté. Nous préférons l'élection d'un président au vide à la Magistrature suprême.»
En cas de blocage durable, d’autres candidatures pourraient émerger. Notamment pour ménager l'accord qui a permis de constituer un gouvernement d’union nationale dirigé par Tammam Salam qui réunit des ministres de toutes les tendances. «Le gouvernement de 24 ministres accorde huit portefeuilles au camp du Hezbollah dont deux pour des membres du parti, huit à la coalition dite du 14-Mars de M.Hariri, dont l'Intérieur, et huit à des ministres proches du président Sleimane, considéré comme neutre, et du leader druze Walid Joumblatt, considéré comme "centriste"». Cette formule a été trouvée de manière à ce qu'aucun des deux groupes rivaux n'ait le droit de veto sur les décisions gouvernementales», précisait Le Monde.
C’est la fragilité de ce délicat équilibre alors que toute la région est en pleine crise que les députés libanais ne veulent sans doute pas mettre à bas pour l’instant. Surtout que toutes les tendances sont réunies au sein de l’exécutif, via le gouvernement.
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