Cet article date de plus de douze ans.

Femmes démineuses, une première au Moyen-Orient

Article rédigé par Caroline Poiron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Rahil, Monia, Fatima, Zeinab et Ibtisam sont démineuses au sud du Liban pour les Nations-Unies. Ces Libanaises chiites déterrent tous les jours une à deux mines antipersonnel dans les faubourgs de Tyr. C'est en 2009, du jamais vu auparavant au Moyen-Orient, que ces équipes féminines se sont constituées. Reportage sur le terrain à l'époque auprès de ces femmes hors du commun.

Rahil, 37 ans, chiite née à Yater, pensait ne pas être capable de faire ce travail difficile. Elle habite seule à Tyr où elle est revenue après avoir passé douze ans en Lybie en tant qu'infirmière dans une clinique privée, financée par les sociétés pétrolières.

Depuis son retour au Liban, elle met le voile et prie cinq fois par jours après son travail sur le terrain. «Je suis croyante, mais je tolère toutes les autres religions», précise Rahil. En lui demandant ce que pensent ses voisins de son travail, elle répond : «Au début, ils me demandaient pourquoi je faisais ce métier. Puis, ils se sont habitués et maintenant, ils m'encouragent.»

«Trouver une sous-munition est un sentiment de satisfaction énorme pour moi. C'est un bonheur» raconte Rahil. «Dieu nous protège, je n'ai pas peur», insiste-t-elle. Depuis la fin de la guerre, trente démineurs ont été tués et 186 autres blessés par les bombes.

Le déminage, une activité dangereuse mais rémunératrice
La crise politique actuelle au Liban a entraîné un fort ralentissement économique. Le salaire moyen dans le sud est de 200 dollars par mois. Les organisations de déminage offrent des salaires allant jusqu'à 850 dollars par mois.

«Avec ce travail, Mohamed et moi avons pu organiser un mariage digne de ce nom qui a coûté 10.000 dollars. Il y avait 350 invités», déclare Monia, heureuse d’avoir réalisé son rêve. Mariée depuis trois mois, Monia Zataar, 23 ans, est démineuse depuis plus d'un an.

Soutenue par son mari, également démineur, elle traque les sous-munitions sans hésitation, tous les jours de 6h à 14h. Mais depuis quelques semaines, sa concentration baisse. Elle apprend qu'elle est enceinte. Elle compte bientôt arrêter car ce manque de concentration peut lui être fatal.

Une région truffées d'engins explosifs
Choisies parmi trente femmes, sept démineuses ont été recrutées par le Centre de coordination anti-mines des Nations-Unies pour le Sud-Liban (UNMACC), basé à Tyr, après la guerre de l'été 2006 entre le Hezbollah et Israël. L'ONU a estimé qu'Israël avait laissé pas moins de quatre millions de sous-munitions dans la région, dont près d'un million de bombes qui n'ont pas explosé.

«841 sites contenant des bombes à fragmentation ont été localisés au sud du Liban», affirme Dalya Farran, la porte-parole de l’UNMACC. Suite à d’importantes pressions de la part de groupes locaux et internationaux de défense des droits de l’Homme, d’organisations humanitaires et de médias, l’UNMACC a pu réunir les ressources nécessaires à l’entraînement et à la constitution d’équipes de déminage pour nettoyer le sud du Liban et de le rendre plus sûr pour ceux qui y vivent et y travaillent. Parmi ces équipes, on trouve ce groupe de démineuses, entraînées par des Suédois.

Des mines dans des exploitations agricoles
Depuis août 2007, 100.000 bombes à fragmentations ont été désamorcées par l'ONU sur les terres agricoles. Les mines antipersonnel se trouvent dans les cultures de bananes, d'olives et de citrons. Elles sont cachées sous les arbres mais aussi à moins de 20 cm sous terre. Zeinab accroupie sous un olivier raconte : «Les serpents et scorpions sont dangereux et constituent également une vraie menace pour nous qui allons creuser. Il faut une grande concentration pour ne pas avoir d'accident ni de blessures. »

Au Liban, les femmes démineuses sont des femmes volontaires qui endossent un rôle jamais vu auparavant. Elles doivent toutefois faire attention aux conséquences de leurs actes, car une femme non mariée et accidentée sur son lieu de travail est vue comme une femme porteuse de mauvais sort. Dans ce cas, elle ne peut plus avoir ni mari, ni famille.

Texte et photos (2009) de Caroline Poiron.

Cana, Liban du Sud. Une démineuse dépollue des terres agricoles. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Sept jeunes Libanaises formées au déminage. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Tous les jours, elles mettent en péril leur vie. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Centimètre par centimètre, la démineuse cherche les indices d'une mine cachée. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Les démineuses sont souvent enthousiastes de pouvoir aider leur communauté. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Même si elles sont moins robustes physiquement que les hommes, leur mental en font d'excellentes recrues. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Tous les trois quarts d'heure, les démineuses font une pause de dix minutes. Leur concentration est mise a l'épreuve. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Les équipes s'arrêtent à 14h pour éviter les grosses chaleurs. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Monia Mourad Zaatar et Rahil Kourany rentrent chez elles après une matinée de travail. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Rahil Kourany apprécie sa maison après une journée de travail. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Rahil Kourany, chiite, s'engage dans son travail sans rompre avec sa religion. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Monia Mourad Zaatar attend chez elle le retour de son mari, aussi démineur. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Monia Mourad Zaatar et son mari. Les préjugés liés à l'exercice de cette profession en ont empêché plus d'une, pourtant motivée pour ce travail à haut risque. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Le couple se retrouve autour d'un narguilé après une journée de travail dans les champs. (Caroline Poiron pour Géopolis)
Monia et son mari forment un couple uni. Ils rêvent d'un Liban sans mines pour vivre leur histoire d'amour en toute sécurité et avoir des enfants. (Caroline Poiron pour Géopolis)

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.