Election présidentielle au Liban : cinq choses à savoir sur Joseph Aoun, le nouveau dirigeant du pays

Ce militaire chevronné au carnet d'adresse bien rempli est officiellement entré en fonction jeudi, alors que le Liban n'avait plus de chef de l'Etat depuis plus de deux ans.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le nouveau président libanais, Joseph Aoun, prête serment à Beyrouth après avoir été élu, le 9 janvier 2025. (PARLEMENT LIBANAIS / AFP)

Il s'est engagé à "restructurer" le Liban et redonner une place centrale à l'Etat. Le commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, 61 ans, a été élu président de la République par les députés du pays, jeudi 9 janvier. Avec 99 voix recueillies sur 128, il a bénéficié d'un consensus rare au sein de la classe politique de ce pays divisé et qui était jusque-là sans président depuis plus de deux ans. Pour certains observateurs, son statut à part, loin des querelles politiques, lui a permis de s'imposer comme le nouvel homme fort. Voici cinq choses à savoir sur le nouveau président libanais, dont la feuille de route est bien chargée.

1 Il était à la tête de l'armée libanaise depuis 2017

Originaire de la banlieue de Beyrouth, Joseph Aoun s'est engagé dans l'armée libanaise en 1983, alors que la guerre civile débutée en 1975 déchirait encore son pays. Il a gravi les échelons militaires en se formant notamment au contre-terrorisme, avant de prendre le commandement de la 9e brigade d'infanterie, en charge de la sécurité de la frontière libano-syrienne, puis d'être nommé en mars 2017 par le gouvernement de Saad Hariri au sommet de l'armée du pays, rapportait à l'époque L'Orient Le Jour

"Au sein de l'armée libanaise, il est perçu comme quelqu'un de dévoué, qui défend l'intérêt national et qui essaye de consolider l'institution, la seule encore épargnée par le confessionnalisme et qui tient encore debout", explique à France 24 le politologue Karim Bitar, professeur de relations internationales à l'université Saint-Joseph à Beyrouth, évoquant une réputation "d'homme intègre"

2 Il n'a aucun lien de parenté avec son prédécesseur, Michel Aoun

S'ils partagent le même patronyme, Joseph Aoun et Michel Aoun, l'ancien président libanais parti en 2022 après quasiment six ans à la tête du pays, ne sont pas de la même famille. Ils sont néanmoins tous les deux des chrétiens maronites, et c'est d'ailleurs ce qui leur a permis d'être élus, car le Liban fonctionne selon un système confessionnel de partage du pouvoir – et la présidence du pays est réservée à ces catholiques orientaux. Michel Aoun est par ailleurs lui aussi issu de l'armée nationale.

Au départ de l'ancien président, le 30 octobre 2022, le Parlement libanais s'était retrouvé paralysé par les oppositions politiques, et dans l'incapacité de nommer un successeur à l'exécutif. Ni le camp du Hezbollah, le puissant mouvement armé musulman chiite, allié de l'Iran, ni celui de ses opposants ne disposaient alors d'une majorité pour imposer un candidat. Malgré les espoirs d'accord et les négociations répétées, cette situation a traîné en longueur jusqu'à jeudi, où un consensus a enfin pu être trouvé.  

Le nouveau président lbanais, Joseph Aoun (à gauche), s'entretient avec son prédécesseur Michel Aoun (à droite), au palais présidentiel de Baabda (Liban), le 10 janvier 2025. (PRESIDENCE LIBANAISE / INSTAGRAM)

Vendredi en début d'après-midi, Joseph Aoun et son prédécesseur se sont rencontrés au palais présidentiel de Baabda, en périphérie de Beyrouth, comme l'a déclaré la présidence libanaise sur les réseaux sociaux. "Nous sommes venus féliciter le président et lui souhaiter tout le succès dans ces circonstances difficiles", a relaté Michel Aoun sur le réseau social X.

3 Il a été désigné après une série de négociations

Lors d'un premier vote des députés, Joseph Aoun n'avait pas recueilli suffisamment de voix pour être élu, car les 30 députés du Hezbollah et de son allié, le mouvement chiite Amal, avaient voté blanc. Ce n'est qu'au terme d'une deuxième session, et une rencontre avec des représentants des deux formations, qu'il a finalement été choisi par une large majorité d'élus. Un nouveau succès, après avoir "réussi (...) à la tête d'une armée multiconfessionnelle comme celle du Liban", note Wissam Charaf, correspondant de TV5 Monde à Beyrouth, qui évoque "une expertise politique assez poussée" du militaire devenu homme d'Etat, apparu en civil pour prêter serment jeudi.

Avant de désigner un Premier ministre, Joseph Aoun va d'abord devoir s'entretenir avec les députés. Le duo exécutif pourra ensuite nommer une équipe de ministres, explique le professeur de droit Rizk Zgheib à L'Orient Le Jour. Mais pour être entérinées, ces nominations devront bénéficier de l'aval du Parlement, qui s'exprimera lors d'un vote de confiance.

4 Il prône le retour de l'Etat dans la vie des Libanais

Lors de son discours de prestation de serment, Joseph Aoun a mis l'accent sur la stabilité au Liban, pays frappé par la catastrophe de l'explosion du port Beyrouth en 2020, puis par une profonde crise économique et, plus récemment, par des bombardements et une offensive terrestre menée par l'armée israélienne sur son sol. "En ma qualité de commandant en chef, je m'engage à restructurer les institutions publiques et à veiller à ce que l'Etat exerce seul le monopole de la force", a-t-il déclaré, cité par l'agence turque Anadolu. Un message loin d'être anodin, dans un pays où le Hezbollah exerce de longue date une grande influence, après avoir développé une force paramilitaire faisant de l'ombre à l'armée libanaise.

Le nouveau président a par ailleurs annoncé vouloir renforcer les forces de l'ordre et repenser le développement des régions du sud et de l'est du pays, très affectées par les attaques israéliennes de l'automne

5 Son élection est bien accueillie en Occident comme au Moyen-Orient

Concernant Israël, Joseph Aoun a promis jeudi de respecter l'accord de trêve entré en vigueur le 27 novembre au terme de longues semaines d'affrontements entre Tsahal et le Hezbollah. Il réclame en parallèle une nouvelle stratégie de défense nationale afin de mettre fin à l'occupation israélienne, qui devrait normalement se terminer le 27 janvier, en vertu du cessez-le-feu. Mais l'Etat hébreu pourrait la prolonger car le risque de tirs de roquettes sur Israël est encore jugé trop élevé, selon le journal israélien Haaretz.

Sur la scène internationale, le nouveau chef de l'Etat libanais peut compter sur un large soutien. Tour à tour, les Etats-Unis et le Qatar, qui soutenaient son profil pour la présidence, ainsi que l'Arabie saoudite, ont accueilli positivement son élection. L'Iran, soutien direct du Hezbollah, a félicité Joseph Aoun vendredi, tout en affirmant que l'unité des Libanais vaincrait Israël, son ennemi juré, selon un communiqué du président Massoud Pezeshkian publié par l'agence officielle Irna. 

De son côté, la France se félicite aussi de cette "nouvelle page pour le peuple libanais", comme l'a déclaré l'Elysée dans un communiqué après l'entretien téléphonique organisé jeudi entre Emmanuel Macron et son homologue libanais. "Le chef de l'Etat a indiqué au président Aoun que la France soutiendrait ses efforts pour mener à bien rapidement la constitution d'un gouvernement capable de rassembler les Libanais (...) et de mener les réformes nécessaires au redressement économique (...), à la sécurité et à la souveraineté du Liban", poursuit le communiqué.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.