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L'exploitation des travailleurs étrangers en Jordanie

Nombre des domestiques étrangers en Jordanie subissent des mauvais traitements. Un mal qui touche apparemment d'autres secteurs d'activité. Il est d'autant plus préoccupant que d'une manière générale, l’immigration représente une partie significative de la main d’œuvre du pays.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Maçons travaillant près d'une église orthodoxe dans la ville de Madaba (sud de la Jordanie), sous le portrait du roi Abdallah II (5-5-2009). (AFP - KHALIL MAZRAAWI)

Confiscation du passeport, coups, insultes, payes non versées… Tel est le lot quotidien dans le Royaume hachémite d’un grand nombre des 70.000 domestiques asiatiques, originaires du Sri Lanka, d’Indonésie et des Philippines, si l’on en croit l’ONG Human Rights Watch (HRW). Des personnes avec ou sans papiers.

«L'agence de recrutement a pris mon passeport à la seconde où je suis arrivée à l'aéroport d'Amman», raconte Norhima Hayral, 27 ans, citée par l’AFP, qui a trouvé refuge dans un centre d'hébergement pour domestiques maltraitées, financé par l'Agence pour l'emploi à l'étranger du gouvernement philippin. «Je travaillais pour une famille jordanienne de huit personnes (...). La femme me frappait tout le temps. (…) Un jour, on m'a demandé de faire le ménage dans une maison en dehors d'Amman (la capitale du pays, NDLR)j. Le propriétaire a commencé à me toucher et quand j'ai résisté, il m'a frappée. Il m'a menacée avec un couteau, m'a entraînée dans une chambre et m'a violée», se souvient-elle en pleurant. Montrant ses ecchymoses, la jeune femme explique qu'en raison de son statut de clandestine, elle n'a jamais pu porter plainte.

En 2007, la situation était telle que les autorités philippines avaient interdit à leurs ressortissants (ils seraient au nombre de 30.000 dans le royaume) de prendre un emploi en Jordanie. Et ce en raison du «nombre croissant de travailleurs en détresse» qui demandaient de l’aide auprès de leur ambassade.

Une interdiction levée en octobre 2012 après la signature par les deux pays d'accords visant à protéger les domestiques, avec notamment l'instauration d'un salaire minimum de 400 dollars.

Pour autant, la situation ne semble guère s’être améliorée, constatent les observateurs. Notamment en raison de «l’application laxiste» de la législation locale. Dans le même temps, la Jordanie n’a pas ratifié une convention internationale pour la protection des travailleurs domestiques, adoptée en juin 2011, qu’elle avait pourtant signée.

Ouvriers dans le désert, à la frontière irakienne, à Ruweished (250 km à l'est d'Amman), le 17 mars 2003. (AFP - Awad AWAD )

«Traite des êtres humains»
Au-delà, les abus concernent d’autres secteurs d’activité où sont employés les migrants: agriculture, construction, hôtellerie, santé... Selon la Confédération syndicale internationale, leurs conditions de travail dans ces secteurs «s’apparentent à la traite des êtres humains». Pourtant, rapporte l’Organisation internationale du travail (OIT), «depuis 2010, les travailleurs migrants sont autorisés à se syndiquer, à voter lors des élections professionnelles et à participer aux comités de travailleurs à l’échelon des entreprises»

Parmi ces travailleurs, on compte de nombreux Egyptiens : 500.000 d’entre eux seraient employés dans le royaume, les deux tiers illégalement, selon des chiffres officiels cités par le site jordanien albawaba. En décembre, le ministre jordanien de l’Intérieur, Awad Khleifat, avait évoqué la possibilité d’expulser des centaines de milliers d’entre eux dépourvus de permis de séjour. Projet apparemment abandonné suite à l’intervention du Caire, qui évoque le chiffre de 800.000 Egyptiens travaillant en Jordanie.

Quoi qu’il en soit, le pourcentage d’immigrés de toutes nationalités est probablement beaucoup plus important que celui avancé par l’OIT (500.000). Selon le site migrant-rights.org, le pourcentage d’étrangers pourrait en fait atteindre 40% de la main d’œuvre locale pour une population de 6,3 millions d'habitants.

Quelques voix se sont élevées dans le royaume contre le traitement infligé aux immigrés. L’organisation Tamkeen tente ainsi de les aider, notamment par des actions en justice. Elle a obtenu la régularisation d’un certain nombre d’Egyptiens. Et grâce à elle, les migrants peuvent désormais ouvrir des comptes bancaires. En 2007, lors de la fondation de Tamkeen, «les employeurs, mais aussi l’administration jordanienne, avaient (de ces migrants) une vision très négative, les considérant souvent comme des sous-hommes», explique sa présidente Linda Al Kalash. Malgré les efforts de l’organisation, la situation a-t-elle vraiment changé depuis ?

AlJazeera (en anglais), 17-10-2010a

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