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Témoignage "Si nous ne témoignons pas, personne ne saura ce qui se passe à Gaza" : depuis la Turquie, un photographe palestinien s'emploie à recueillir et diffuser le travail de ses collègues

L'une des grandes difficultés dans ce territoire coupé du monde est de rendre compte indépendamment de la situation : Gaza est fermée aux journalistes. Ceux qui sont sur le terrain, souvent dans des conditions de travail très précaires, ont déjà payé un très lourd tribut, avec près d'une cinquantaine de morts.
Article rédigé par Marie-Pierre Vérot - édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Ahmad Deep, un photographe palestinien installé à Istanbul, en Turquie, s'applique à récolter les documents envoyés par ses collègues journalistes de Gaza, le 15 novembre 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

Toute la famille d'Ahmad Deep est à Gaza. Sa mère, ses frères et sœurs, leurs enfants. Ils sont partis se réfugier dans le Sud, mais ont été séparés par le conflit. La priorité du photographe, chaque matin, c'est de tenter de les joindre puis il passe ses journées et ses nuits à monter les images que lui envoie son équipe sur le terrain, des heures pour une ou deux minutes, parfois rien, car les connexions sont coupées. Mais faire sortir ces témoignages est pour lui crucial.


"Ces gens risquent leur vie et donnent la priorité au reportage. Ils préfèrent faire leur travail plutôt que de s'occuper de leur famille. Pourquoi prendraient-ils de tels risques ?",interroge-t-il.

"Ce n'est pas pour faire de la propagande ! Mais pour dire la vérité."

Ahmad Deep, photographe palestinien installé à Istanbul

à franceinfo

"Parce qu'ils savent que cela n'a pas de prix aujourd'hui, explique-t-il. Nous devons continuer parce que si nous ne témoignons pas, personne ne saura ce qui se passe à Gaza".

Ahmad Deep, un photographe palestinien installé à Istanbul, en Turquie, visionne les documents que lui envoient ses collègues depuis Gaza, le 15 novembre 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

La propagande, bien sûr, est partout, mais Ahmad est sûr d'une chose : on ne peut contester le nombre de morts. "Les statistiques des hôpitaux sont totalement indépendantes du Hamas, affirme-t-il. Ils ne peuvent pas changer les identités des victimes que les hôpitaux publient. Ce sont de vraies personnes. Si vous ne le croyez pas, Israël n'a qu'à laisser entrer Human Rights Watch ou des journalistes indépendants. Mais le problème, c'est que dire la vérité aujourd'hui, c'est prendre parti. Et c'est très dangereux pour un journaliste". Ces journalistes, ce sont des héros pour lui.

Des guerres, Ahmad en pourtant a connu et couvert, confie-t-il. "Je suis né et j'ai été élevé dans la ville de Gaza. Cela veut dire que je suis né avec le bruit des bombes et des raids aériens, des affrontements."

"Cette guerre est totalement différente de celles que j'ai couvertes, même en Syrie."

Ahmad Deep

à franceinfo

Ahmad décrit une "telle intensité, une telle inhumanité", ajoutant : "Personne n’est jamais à l’abri, nulle part." Et ce qu'il a le plus de mal à supporter, c'est de voir la parole de ses collègues, l'intégrité de ces professionnels aguerris mise en doute juste en raison de leur origine, parce qu'ils sont de Gaza.

Un photographe palestinien s'emploie à recueillir et diffuser le travail de ses collègues. Le reportage de Marie-Pierre Vérot

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