: Reportage "Je ne veux plus vivre dans des abris" : la résilience des habitants d'un kibboutz miraculé, un mois après l'attaque du Hamas
Le 7 octobre, à l’aube, des commandos du Hamas ont semé la terreur dans des villes et des villages autour de la bande de Gaza. 1 400 morts, essentiellement des civils, plus de 240 otages toujours aux mains de l’organisation terroriste et des kibboutz décimés puis vidés de leurs habitants. Ils étaient tous sur la route 232, parallèle à la frontière est de Gaza. Un seul a résisté : celui de Sa'ad.
Ragiv protège ses yeux du soleil et regarde vers le ciel. "Ce qu’on entend, c'est un drone qui surveille la zone." L’artillerie est à pied d’œuvre, les canons sont à l’extérieur du village et les obus volent au-dessus des têtes des dizaines de soldats qui vivent désormais ici. Ragiv fait partie des derniers habitants de Sa'ad toujours sur place, avec les 15 autres membres de la sécurité du kibboutz.
Fusil automatique en bandoulière, il organise la défense des lieux, un centre de commandement caché à cinq ou six mètres sous le sol. Il y a un mois, le 7 octobre dernier, à partir de 6h30 du matin, il a dirigé les opérations pour protéger les 1 048 habitants du kibboutz et leurs proches. Il n’y a eu ce jour-là à Sa'ad, situé à trois kilomètres seulement de la bande de Gaza, ni mort, ni blessé, ni disparu.
"Ils sont arrivés devant la porte par laquelle vous êtes passés"
Ragiv, un habitant resté au kibboutzà franceinfo
"Il y avait une vingtaine de terroristes. Il y a eu un échange de tirs entre des soldats qui passaient par là, à l’extérieur, et notre groupe d’autodéfense qui a bloqué les accès de l’intérieur. Sa'ad est un kibboutz religieux. Le jour de shabbat, il est complètement fermé. Aucun véhicule ne circule, personne ne rentre ni ne sort. Nous avons donc pu arriver à temps à l’armurerie puis se mettre en position. C’est un miracle que nous ayons échappé au pire."
Un mois après, c’est l’heure des comptes : "L’armée, nos dirigeants, on s’est tous bercés d’illusions." Ariel est agent de liaison entre l’armée israélienne et la sécurité du kibboutz. "Nous pensions qu’en face, nous avions affaire à des citoyens, des gens avec qui nous aurions pu faire la paix", raconte-t-il. "Nous avons fait entrer des ouvriers de Gaza vers Israël. Ils travaillaient chez nous. Mais aujourd’hui, ce n’est plus possible de les avoir comme voisins. Je ne veux plus vivre dans des abris, je veux vivre normalement."
La seule solution pour Ariel est désormais, selon lui, "d’écraser le Hamas", et de faire définitivement tomber la barrière de sécurité entre Gaza et Israël qui, de toute façon, n’a pas résisté à l’attaque du 7 octobre.
Les habitants déplacés
Depuis, les habitants du kibboutz ont été déplacés dans un hôtel sur les rives de la mer Morte, à plus de 100 km à l'Est de Sa'ad. Dimanche dernier, il y avait même école, notamment pour les 23 élèves de la classe de CM1, sous une tente climatisée. Au premier et au deuxième rang, Roï et Yla, neuf ans. "On est comme des Bédouins, comme dans les années 1960. C’est mon grand-père qui me l’a dit. À Sa'ad, c’est encore dangereux, il y a des alertes et des missiles. On s’ennuie ici. Je veux rentrer à la maison. On n’a ni nos livres, ni nos trousses, il manque plein de trucs. Ce n’est pas comme chez nous."
370 enfants et adolescents, comme Roï et Yla, ont repris l’école sous les 15 tentes installées sur le parking de l’hôtel. Ils travaillent sur leurs chaises et leurs tables, ramenés du kibboutz il y a quelques jours. Ils ont aussi gardé leur maîtresse. Cette dernière, Tali, a totalement adapté son enseignement. "C’est important que l’emploi du temps ressemble à ce qu’ils faisaient avant. Mais on organise aussi des cercles de parole pour discuter de tout", dit-elle. "Avec les filles, j’ai mis en place un projet d’écriture, elles évoquent leur souvenir dans une sorte de journal de guerre. Il y a eu beaucoup de pleurs. Les filles s’inquiètent pour leurs frères qui sont à l’armée. Ça réveille tout un tas de sentiments pas simples à gérer. Mais on fait face."
Près de 200 femmes et hommes de Sa'ad ont été appelés dans l’armée, soit un habitant sur cinq. Les 800 autres occupent les 296 chambres de cet hôtel, loin du désert. L’État continue pour le moment de financer l’hébergement d’urgence, jusqu’au 31 décembre.
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