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Pourquoi les manifestations pro-Gaza dégénèrent en France

Alors qu'ils se déroulent dans le calme en Europe, les rassemblements pro-palestiniens ont connu de violents débordements samedi et dimanche à Paris et Sarcelles. Des heurts qui ont une résonnance particulière dans l'Hexagone.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des violences éclatent après une manifestation pro-palestinienne à Sarcelles (Val-d'Oise), le 20 juillet 2014. (MAXPPP)

Londres, Dublin, Bruxelles... Partout en Europe, des milliers de sympathisants de la cause palestinienne ont réclamé ce week-end l'arrêt des bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Partout dans le calme. Même dans l'Hexagone, plusieurs manifestations se sont déroulées sans heurts que ce soit à Lille, Marseille ou Lyon. Sauf à Paris et Sarcelles (Val-d'Oise), samedi 19 et dimanche 20 juillet, où les rassemblements, interdits par les préfectures, ont dégénéré en de violents affrontements.

Lors de son intervention du 14-Juillet, François Hollande avait évoqué ces risques de violences : "Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s'importer en France", avait martelé le président de la République. Mais pourquoi la guerre à Gaza a-t-elle des répercussions dans l'Hexagone ? Eléments de réponse.

Parce que les deux communautés sont très présentes

Pour expliquer le caractère passionnel du débat en France, certains spécialistes avancent l'argument de la démographie. "La communauté juive comme la communauté arabe sont très représentées" en France, explique à 20minutes.fr Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques et chercheur associé à l'Université Libre de Bruxelles (Belgique). "Dès lors, la répercussion est très forte, tout simplement par le nombre de personnes qui peuvent se sentir concernées", poursuit-il.

L'Hexagone abrite, en effet, depuis les années 1970, l'une des plus grosses communautés musulmanes d'Europe, détaille Libération, qui avance le chiffre de 6 millions de personnes. La France accueille également la communauté juive occidentale la plus importante après celle des Etats-Unis, avec plus de 600 000 membres. "Ce seul fait justifie l'intensité des débats autour du conflit israélo-palestinien", analyse le journal.

Mais ces deux communautés ne se sont ni implantées, ni intégrées en France de la même façon, ajoute Libération, qui évoque le poids de l'histoire de la décolonisation du Maghreb, facteur de "ressentiments" et de "frustrations" côté arabo-musulman. Si les migrants juifs d'Afrique du Nord ont pu s'appuyer sur une communauté structurée, cela n'a pas été le cas des travailleurs immigrés musulmans. Citée par Libération, la sociologue des religions Martine Cohen juge que la différence des parcours d'intégration de ces deux communautés a contribué à une polarisation du débat autour du conflit israélo-palestinien France.

Parce que la France a été prise dans l'internationalisation du conflit

Ce n'est pas la première fois que le conflit israélo-palestinien agite ainsi la société française. Dans une tribune sur le Huffington Post, Marc Hecker, docteur en science politique et auteur de Intifada française ? De l'importation du conflit israélo-palestinien date le début de la polarisation à la guerre des Six-Jours en 1967.

Des milliers de manifestants se réunissent alors devant l'ambassade d'Israël pour manifester leur soutien à l'Etat hébreu, tandis que face à l'exode des Palestiniens, des associations de soutien aux réfugiés se mettent en place. La mouvance pro-palestinienne commence ainsi à se structurer.

En parallèle, note Marc Hecker, les combattants palestiniens internationalisent le conflit. L'Hexagone est l'un des principaux théâtres de cette stratégie. Le chercheur évoque notamment des attaques contre des avions israéliens à Orly ou l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, mais aussi l'assassinat de responsables palestiniens sur le sol français perpétré par les services secrets de l'Etat hébreu.

Parce que des groupuscules soufflent sur les braises

Si le conflit mobilise autant de personnes dans l'Hexagone, "la majorité des militants sont non violents, rappelle au Figaro Marc Hecker. Les grandes associations, des deux côtés, ont des positions relativement consensuelles qui vont dans le sens de la 'solution à deux Etats'."

D'après ce spécialiste, les violences sont le fait d'une minorité. Effectivement, note Libération, des extrémistes profitent de l'actualité pour souffler sur les braises dans l'Hexagone. Le quotidien cite notamment la mouvance autour de Dieudonné et d'Alain Soral, qui publient de nombreuses tribunes et vidéos au sujet du conflit. A cela s'ajoutent la présence dans les manifestations de groupes proches de leaders intégristes et, plus surprenant, de supporters du PSG exclus du Parc des princes, explique Libération.

Côté israélien, Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, pointe la responsabilité "des extrémistes racistes qui se livrent à des ratonnades en marge des manifestations". Il cite notamment le cas de la Ligue de défense juive (LDJ), organisation qualifiée de "groupe terroriste" en 2001 par le FBI aux Etats-Unis, très mobilisée ces derniers jours dans l'Hexagone.

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