L'émotion des Palestiniens "traumatisés" par la mort de Shireen Abu Akleh, journaliste d'Al-Jazeera
La journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, une des plus connues de la chaîne Al-Jazeera, a été tuée par balle mercredi alors qu'elle couvrait une opération de l'armée israélienne en Cisjordanie.
Elle s'appelait Shireen Abu Akleh, elle avait 51 ans et c'était une figure de la chaîne de télévision Al-Jazeera, un visage familier des écrans au Proche-Orient, tuée mercredi 11 mai en Cisjordanie où elle couvrait pour sa chaîne des affrontements à Jénine. Malgré son gilet pare-balles siglé 'presse', Shireen Abu Akleh a succombé après avoir reçu une balle dans le visage. Émotion considérable chez les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, l'enclave palestinienne.
Les locaux d'Al-Jazeera à Gaza sont toujours provisoires, depuis le 15 mai 2021, date à laquelle une frappe israélienne pulvérisait l'immeuble où se trouvaient les locaux de la chaîne de télévision et de l'agence Associated Press, pendant la guerre entre le Hamas et Israël. Les employés de la chaîne devaient intégrer de nouveaux locaux dimanche 15 mai. Cet "anniversaire" sera encore plus dur raconte Wael Al-Dahdouh, emblématique correspondant d'Al-Jazeera à Gaza et qui n'arrive pas à parler de sa collègue au passé. "Shireen est vraiment une super journaliste, très célèbre aussi, confie-t-il. C'est une personne incroyable et ce qui s'est passé est un très, très grand choc. On ne s'était rencontré qu'une seule fois quand elle était venue à Gaza. Mais on s'est vu des centaines, des milliers de fois à travers l'écran pendant nos directs."
"On avait l'habitude de couvrir l'actualité main dans la main, on s'échangeait des infos à propos de la situation en Palestine. On se connaissait vraiment bien et notre relation est formidable."
Wael Al-Dahdouh, correspondant d'Al-Jazeera à Gazaà franceinfo
Toute la journée, des personnalités de Gaza sont venues présenter leurs condoléances à l'équipe d'Al-Jazeera qui a continué ses directs en arabe et en anglais. Les hommes, assis sur un canapé, reçoivent les respects de visiteurs. Hasard du calendrier, une délégation de diplomates européens passaient la journée à Gaza pour célébrer avec quelques jours de retard la Journée mondiale de la liberté de la presse. "C'est très sérieux parce que ça va à l'encontre des principes essentiels de la liberté d'expression et la capacité d'un média à être indépendant et à avoir la capacité de faire des reportages dans des zones de conflit sans avoir peur d'être tué, réagit Sven Kühn von Burgsdorff, chef de la délégation européenne dans la région, présent auprès du consul général de France à Jérusalem. On a immédiatement demandé qu'une enquête immédiate et indépendante soit conduite. Apparemment, le ministre des Affaires étrangères israélien a proposé une enquête conjointe entre Israël et les Palestiniens." Les Européens partis, on a vu arriver des immenses couronnes de fleurs au nom des différents mouvements politiques palestiniens.
"Tous les Palestiniens sont tristes"
Shireen Abu Akleh était née à Jérusalem il y a 51 ans. Elle avait acquis la nationalité américaine mais la collègue d'Al-Jazeera était bien Palestinienne, arabophone. Une voix et un visage familiers pour les téléspectateurs de tout le monde arabe. Beaucoup de jeunes palestiniens l'ont vue raconter la deuxième intifada il y a 20 ans. "Notre collègue a été tuée pour ça, confie avec émotion Sami Owaida, un médecin de 57 ans. Nous sommes très, très tristes, traumatisés et choqués par ce qui se passe parce qu'elle a été ciblée volontairement. Ça me touche beaucoup. Tous les Palestiniens sont tristes."
"Elle était à Gaza plusieurs fois, elle a toujours essayé de couvrir tout ce qui se passe ici de façon transparente et professionnelle. Et elle est très gentille."
Sami Owaida, médecin à Gazaà franceinfo
"Elle a été ciblée" alors qu'elle portait une veste 'presse'. "Qu'est-ce que ça veut dire ?, se demande Sami Owaida. Ça veut dire que les Israéliens s'en foutent de tout le monde. Je ressens beaucoup de colère."
Dans une école de musique de Gaza, keffieh sur les épaules et bougie à la main, les enfants ont chanté devant un autel improvisé, une petite table avec des fleurs et la photo de la disparue.
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