Israël-Palestine : sur quelle base juridique la préfecture justifie-t-elle l'interdiction de la manifestation prévue ce samedi à Paris ?
Dans son arrêté, la préfecture de Paris cite des risques de "troubles à l'ordre public". Une justification contestée par les organisateurs.
La manifestation en soutien à la Palestine, prévue à Paris samedi 15 mai à 15 heures, aura-t-elle lieu ? C'est ce qu'ont promis ses organisateurs, qui ont déposé un recours après l'interdiction du rassemblement par le préfet de police de la capitale Didier Lallement. Ce dernier a été rejeté, vendredi 15 mai, par le tribunal administratif de Paris "sans tenir d'audience", d'après l'un des avocats de l'Association des Palestiniens en Ile-de-France. Sefen Guez Guez a donc annoncé sur Twitter qu'ils allaient saisir le Conseil d'Etat en appel.
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Avant cette bataille judiciaire, cette décision d'interdire la manifestation, à l'initiative du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, avait provoqué de vives protestations politiques, notamment à gauche, alors qu'Israël et Palestine connaissent une escalade de violences depuis plusieurs jours. Les organisateurs, l'Association des Palestiniens en Ile-de-France, estiment qu'elle est "injuste et abusive".
Une décision qui doit être motivée
Mais que dit la loi ? Un préfet peut décider d'interdire tout rassemblement qui présenterait "un risque trouble à l'ordre public", selon l'article L211-4 du Code de la sécurité intérieure. Cet article est d'ailleurs cité dans l'arrêté de la préfecture de Paris qui interdit la manifestation du 15 mai. Mais "la préfecture doit objectiver sa décision", souligne Serge Slama, professeur de droit public à l'université de Grenoble-Alpes, interrogé par franceinfo.
L'arrêté explique ainsi que les "services de police et de gendarmerie seront très fortement mobilisés", samedi 15 mai, pour veiller au respect "des mesures renforcées de sécurité sanitaire" et ne pourront donc pas assurer la sécurité de la manifestation dans un contexte de "menace terroriste". La préfecture cite également "un risque sérieux que les affrontements entre les Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes (...) se transportent sur le territoire national".
Surtout, "l'argument central de la préfecture est le fait qu'une manifestation violente pro-Palestine se soit tenue à Paris en 2014", relève Serge Slama. La manifestation du 19 juillet 2014, à l'époque également interdite par la préfecture, s'était muée en affrontement entre policiers et casseurs, faisant plusieurs blessés. Vendredi, Gérald Darmanin a rappelé lors d'un déplacement à Lille cet épisode marqué par "des scènes ignobles", "des cris de mort aux Juifs".
Des mesures censées être proportionnées
Mais cette justification est rejetée par les avocats des organisateurs. "Depuis 2014, il y a eu plusieurs manifestations de défense de la cause palestinienne qui se sont déroulées sans aucun problème", confie Sefen Guez Guez, l'avocat de l'Association des Palestiniens en Ile-de-France, à l'AFP. Les préfets justifient fréquemment des interdictions de rassemblement par des exemples piochés dans le passé, poursuit Serge Slama. "Ça a été beaucoup utilisé lors des manifestations des 'gilets jaunes'. On disait : 'Il y a eu des violences la semaine dernière, alors on interdit'", détaille le spécialiste.
Nous ne devons pas revivre les scènes ignobles de 2014 dans les rues de Paris.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) May 14, 2021
Il ne peut pas y avoir de manifestations de haine en France. pic.twitter.com/7MbuK7eD9p
"Pour être légale, poursuit Serge Slama, la décision doit être nécessaire, adaptée et proportionnée. Souvent ce qui pêche, c'est la proportionnalité. Le préfet n'aurait-il pas pu prendre une autre mesure moins restrictive de libertés ?" A Marseille, la préfecture des Bouches-du-Rhône a par exemple choisi d'autoriser un rassemblement statique samedi. Après le rejet du recours en référé-liberté déposé par les organisateurs, il reviendra donc au Conseil d'Etat de trancher en appel.
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