Humanitaires tués à Gaza : un ancien chef militaire français dénonce "une tragédie" "tout à fait incompréhensible"

Alors qu'une frappe israélienne a touché un convoi humanitaire, lundi à Gaza, le général Dominque Trinquand précise, sur franceinfo, le processus d'intervention des ONG sur les champs de bataille.
Article rédigé par franceinfo
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Les secours interviennent sur le site des frappes israéliennes qui ont touché un bâtiment annexe de  l'ambassade iranienne à Damas, en Syrie, le 1er avril 2024 (LOUAI BESHARA / AFP)

Sept personnels d’une ONG parmi lesquels six internationaux ont été tués, mardi 2 avril, dans une frappe de l’armée israélienne à Gaza. L’armée Israélienne a lancé une enquête. Les réactions viennent du monde entier. Mais pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU à New York, invité sur franceinfo,"on ne peut pas parler de crime de guerre, pour l'instant."

Franceinfo : Est-ce un crime de guerre ce qu'il s'est passé à Gaza ?

Dominique Trinquand : Ça ne peut pas être qualifié de crime de guerre, pour l'instant. L'État israélien présente ses excuses, lance une enquête. C'est une tragédie, naturellement. C'est ce qu'on appelle des dégâts collatéraux. Mais l'enquête permettra de vérifier ce qui s'est passé parce que la coordination entre cette ONG et l'armée israélienne fonctionnait bien. Tout était parfaitement identifié. Donc on a beaucoup de mal à comprendre que l'armée israélienne ait commis une erreur pareille.

Comment les humanitaires et les secours qui interviennent sur le terrain communiquent avec les armées ?

Ils se coordonnent avec les états-majors, en donnant la position où ils sont, les itinéraires et les horaires auxquels ils passent. Et normalement, à partir de ce moment-là, il n'y a aucune erreur qui peut être commise. Donc, j'ai beaucoup de mal à expliquer comment une erreur pareille a pu être commise sur une organisation qui travaille depuis longtemps, avec une logistique très éprouvée et une coordination avec l'armée israélienne. C'est tout à fait incompréhensible. Il faudra savoir si cette frappe est venue d'un drone, d'un avion, si le drone était piloté directement à vue ou si ça a été un tir automatisé. C'est la seule explication que je peux donner à cette frappe-là.

Comment se déroule le processus pour les militaires avant de lancer des frappes ? Y a-t-il des vérifications ?

Lorsqu’une frappe est identifiée ou possible, à ce moment-là, vous avez toute une check-list qui est suivie. Avant d'avoir l'autorisation de tir, il est vérifié sur la check-list s’il n'y a pas justement des éléments qui ont déjà été fournis à l'armée indiquant qu'il y a eu une opération en cours d'une ONG par exemple. Deuxièmement, visuellement, si le véhicule peut être identifié et là je comprends que les véhicules en plus avaient sur le toit indiqué le sigle de l'ONG. Donc tous ces éléments, normalement sont vérifiés avant que l'ordre de tir ne soit donné.

Israël parle d'une frappe "non intentionnelle" dans le langage militaire, ça veut dire quoi ?

Si elle est non intentionnelle, cela signifie qu'il y a quelque chose dans la frappe qui s'est déclenché, comme une munition qui n'est pas allée à l'endroit où elle devait aller. C’est-à-dire qu'une frappe était prévue, mais elle n'était pas prévue à cet endroit-là et elle a été déviée par un phénomène que je ne peux pas expliquer là. Mais c'est ce que je comprends par une frappe non intentionnelle. 

"Ça veut dire que l'ordre n'a pas été donné de tirer sur ce véhicule, mais probablement de tirer ailleurs et puis il y a eu une erreur au moment du ciblage."

Dominique Trinquand

à franceinfo

L'armée israélienne annonce une enquête. Peut-on lui faire confiance ?

Oui, je pense. Le sujet est trop grave. D'abord, c'est la première fois qu'une organisation humanitaire internationale est frappée de cette façon-là. Deuxièmement, c'est une organisation américaine, donc les Américains ont des moyens d'avoir l'information également. Donc, je pense qu'Israël fera toute la vérité sur ce qui s'est passé.

Est-ce qu'Israël est en train de perdre la bataille des images ou l'a-t-elle déjà perdu ?

Je crois que la bataille des images a été perdue. Là, nous parlons d'une ONG internationale, donc tout le monde s'émeut dans le monde. Mais pensons aux milliers de morts qu'il y a eu par ailleurs par les différentes frappes. Et ceci a fait perdre cette bataille de l'image, Israël n'ayant toujours pas réussi à trouver les responsables du Hamas qu'elle cherche depuis plusieurs mois. Donc je pense que cette bataille, elle est perdue aujourd'hui.

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