Guerre Israël-Hamas : "La stratégie du Hezbollah, c'est de fixer une partie de l'armée israélienne face au Liban", analyse le politologue Antoine Basbous
Pas de grande annonce, mais des menaces. Le leader du Hezbollah, Hassan Nassrallah, a affirmé vendredi 3 novembre que "toutes les options" étaient ouvertes quant à une implication de son mouvement dans le conflit entre Israël et le Hamas. Les affrontements entre l'organisation pro-iranienne et l'armée israélienne se sont multipliés depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, faisant craindre un embrasement de la région et l'ouverture d'un second front à la frontière avec le Liban.
Pourtant, dans sa première prise de parole depuis les assauts terroristes du 7 octobre, le dirigeant du Hezbollah n'a pas prôné la "guerre totale" contre Tel-Aviv. Pour comprendre ce discours, franceinfo a interrogé Antoine Basbous, politologue et directeur de l'Observatoire des pays arabes.
Franceinfo : Le leader du Hezbollah s'est exprimé pour la première fois depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza. Qu'en retenez-vous ?
Antoine Basbous : Le Hezbollah a fait la promotion pendant des jours de cette allocution, mais quand vous analysez ce qui a été dit, il y a un effet "pschitt". C'est un discours qui contient la même virulence à laquelle Hassan Nasrallah nous a habitués, sauf qu'elle ne mène pas à une violence opérationnelle.
Il n'y a pas eu de nouvelles prises de position ou une annonce qui sorte de l'ordinaire. Le secrétaire général et guide religieux du Hezbollah s'est contenté de faire une simple analyse de la situation, trois semaines après les attaques du Hamas contre Israël. Toutefois, cette allocution permet de donner des arguments à ses militants, pour les mobiliser et occuper l'espace médiatique.
Hassan Nasrallah n'a pas annoncé d'action militaire d'ampleur contre Israël. Comment l'expliquez-vous ?
L'objectif du Hezbollah est de ne pas perdre son avantage au Liban. S'il y avait une guerre [ouverte avec Israël], le pays serait anéanti. Tout le monde reprocherait alors à l'organisation d'avoir pris en otage le Liban et d'avoir détruit ses institutions dans l'unique but de rester le seul maître à bord.
Hassan Nasrallah se comporte comme le "guide suprême" du pays. Aujourd'hui, le Liban n'a plus de président de la République, seulement un gouvernement intérimaire qui gère les affaires courantes, ainsi qu'un président du Parlement qui est aux ordres du Hezbollah. Le véritable homme fort du pays, c'est lui.
A-t-il donné des indications sur les objectifs de son organisation dans la guerre entre Israël et le Hamas ?
Il n'a pas appelé à une offensive majeure, mais il a tout de même affirmé que "toutes les options étaient sur la table". S'il y avait une initiative militaire d'Israël [contre le Liban], il reverrait ses objectifs. Mais sans initiative de l'Etat hébreu, il en restera là, à occuper le sud du pays. La stratégie du Hezbollah dans ce conflit, c'est de fixer le tiers de l'armée israélienne, une partie de son aviation et sa marine face au Liban.
Il a également formulé deux objectifs majeurs : arrêter l'agression d'Israël contre Gaza et obtenir la victoire du Hamas. Il a cherché à démontrer la fragilité de Tel-Aviv mais aussi l'implication des Etats-Unis, en les diabolisant et les accusant d'être derrière toutes les crises du monde. Cette charge supplémentaire contre Washington est un défi lancé aux Américains, en leur disant : "Nous sommes toujours là, prêts à vous affronter".
Le chef du Hezbollah a également affirmé ne pas avoir été au courant des attaques du Hamas contre Israël avant qu'elles ne se produisent. Cette déclaration est-elle crédible ?
Pour moi, ce n'est pas très crédible parce qu'Hassan Nasrallah s'est réuni avec les leaders du Jihad islamique et du Hamas à Beyrouth en septembre, et qu'il héberge une partie des dirigeants [en exil] du Hamas. Ils sont très proches, donc j'ai du mal à penser que le Hezbollah n'était pas au courant.
Toutefois, c'est vrai qu'il y a eu des tensions entre ces organisations. Le Hezbollah a été récemment critiqué par deux personnalités du Hamas, Khaled Mechaal et Moussa Abou Marzouk. Ils reprochent à l'organisation libanaise de manquer à ses obligations. Le Hezbollah évoque souvent la résistance et "l'unité des fronts" contre Israël. Mais le moment venu, ils considèrent qu'ils se dérobent.
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