Beligh Nabli : "On a l'impression d'assister aux funérailles des accords d'Oslo"
Beligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS et professeur à Sciences Po, a estimé qu'avec les funérailles de Shimon Peres, "on a l'impression d'assister aux funérailles des accords d'Oslo d'un point de vue symbolique".
Le prix Nobel de la paix Shimon Peres est inhumé vendredi 30 septembre à Jérusalem. Plus de 90 délégations internationales assistent ce matin aux funérailles de l'ancien président israélien. Barack Obama et François Hollande sont sur place. Beligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS et professeur à Sciences Po, a estimé vendredi 30 septembre sur franceinfo qu'"on a l'impression d'assister aux funérailles des accords d'Oslo d'un point de vue symbolique".
franceinfo : Israël semble vouloir se souvenir uniquement du Shimon Peres, artisan de la paix dans la région. Pourquoi à votre avis ?
Beligh Nabli : Oui, il représente quelque chose qui contraste avec l'état de la société israélienne, c'est à peu près le seul aujourd'hui qui pouvait encore incarner la voix de la paix avec une certaine légitimité puisqu'il a été l'un des instigateurs des accords d'Oslo. Il a même bénéficié du prix Nobel de la paix au nom de cette action. Surtout, il avait une vision de cette paix qui pouvait apparaître comme relativement réaliste, il parlait beaucoup d'économie, ce n'était pas un idéaliste mais lorsqu'il parlait de paix, il avait une vision de la région. Il considérait que la paix était dans l'intérêt de l'état israélien et que cette paix pouvait être, dans l'intérêt de l'économie israélienne, intégrée dans une économie régionale. C'était aussi un nationaliste d'une certaine manière.
Est-ce que l'espoir de paix est mort en même temps que Shimon Peres ?
On a l'impression d'assister aux funérailles des accords d'Oslo d'un point de vue symbolique. Et la présence de Mahmoud Abbas peut être comprise comme cela. Shimon Peres a essayé de représenter cette face pacifique mais ouverte à un accord de paix avec les Palestiniens sur la scène internationale, c'est pourquoi il y a une telle représentation de la communauté internationale à ses funérailles. C'est quelqu'un qui représentait l'état d'Israël même quand il n'exerçait pas une fonction de représentation internationale. Il avait une vocation plus symbolique, même s’il a exercé toutes les principales fonctions institutionnelles.
Les Israéliens lui sont gré, il a représenté une image positive sur la scène internationale alors que le pays a une image contrastée. D'un côté, vous avez une société fermée, radicalisée, et de l'autre un consensus national autour de la figure la plus ouverte du point de vue israélien. Shimon Peres pouvait assumer, d'un point de vue interne, une politique agressive qui se traduisait par une stratégie de colonisation et sur le plan international, tenir un discours de paix, au nom de sa fonction de ministre des Affaires étrangères. Et cette ambiguïté-là il a su l'entretenir en tant qu'animal politique.
Il n'y a pas de pays arabes présents aux funérailles, que faut-il en conclure ?
On nous dit que toute la communauté internationale est réunie de manière consensuelle lors de ces funérailles, malheureusement c'est faux. Cela souligne un prisme déformant dans notre manière de commenter l'événement. C'est la communauté occidentale qui est présente en force. Mais le fait qu'un certain nombre de pays, représentant un certain nombre de régions importantes du monde, ne soient pas présentes souligne bien finalement que la réussite multiforme de l'état israélien sur le plan économique contraste avec une incapacité à faire une paix véritable qui permettrait une normalisation véritable.
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