Attaque du Hamas contre Israël : "Cette opération est inédite par son envergure et son modus operandi", explique un spécialiste du Proche-Orient
Plus de 5 000 roquettes lancées depuis la bande de Gaza et des commandos infiltrés par la mer, les airs et la terre. La branche armée du Hamas palestinien a lancé, samedi 7 octobre, une offensive de grande ampleur contre Israël, qui a riposté par des frappes. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a évoqué une "guerre" et la communauté internationale a condamné cette attaque du Hamas. "On se dirige vers une guerre longue durée", redoute David Khalfa, spécialiste du Proche-Orient et codirecteur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la fondation Jean-Jaurès.
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Franceinfo : pourquoi le Hamas a-t-il attaqué Israël à ce moment précis ?
David Khalfa : Le premier aspect est symbolique, puisque ce sont les 50 ans de la guerre du Kippour [déclenchée par une coalition militaire menée par la Syrie et l'Egypte contre Israël, le 6 octobre 1973]. Le Hamas a le sens du timing et vise, à travers cette attaque, à mobiliser un imaginaire islamo-nationaliste qui trouve un certain écho chez les radicaux du monde arabo-musulman.
Le deuxième aspect est lié à la situation qui règne dans la bande de Gaza, où le bilan du Hamas en termes de gouvernance est désastreux. C'est un régime autoritaire obsédé par sa survie.
Enfin, le Hamas a identifié la polarisation de la société israélienne comme une faiblesse qu'il entend exploiter. Le pays se trouve au beau milieu d'une crise politico-institutionnelle inédite, avec des manifestations hebdomadaires. Et il ne faut pas oublier l'influence de l'Iran, qui perçoit les négociations de normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël comme un affront et veut abîmer l'image d'Israël à l'international en forçant ce pays à entrer dans une guerre terrestre sanglante.
En quoi cette offensive est-elle inédite ?
Cette opération est inédite par son envergure et son modus operandi. Elle est à la fois massive et sophistiquée, puisqu'on parle d'une infiltration par la mer, l'air et la terre, avec des assaillants qui ont pénétré le territoire israélien dans sa profondeur. Plus de 5 000 roquettes ont déjà été tirées vers le territoire israélien dans une volonté des islamistes palestiniens de saturer la défense antiaérienne israélienne. C'est aussi inédit par le nombre de victimes, dont une écrasante majorité sont des civils. Des militaires et des civils, dont des familles avec femmes et enfants, ont également été kidnappés par le Hamas.
Comment expliquer qu'Israël ne semble rien avoir vu venir ?
C'est une attaque sans précédent, et certains en Israël condamnent déjà une faillite historique de l'état-major de l'armée et des renseignements. Il y a une vraie interrogation sur le niveau de préparation du renseignement côté israélien, qui est l'atout majeur de ce pays. Il y a un effet de sidération dans le pays. C'est un scénario catastrophique avec des scènes apocalyptiques et une terreur qui se diffuse dans la population.
Israël est une puissance militaire high-tech, et ce qui interpelle, c'est la lenteur de la riposte et la difficulté opérationnelle apparente de Tsahal [l'armée de défense d'Israël] à identifier des commandos qui se sont littéralement baladés dans les rues du sud du pays. C'est un pays en état de guerre et d'alerte permanent depuis sa création, mais cela n'a pas suffi à éviter ce scénario. D'habitude, c'est Israël qui dicte le tempo, là c'est le Hamas qui a choisi le lieu, l'heure et le modus operandi.
Une guerre est-elle inévitable après cette attaque majeure ?
Le Hamas a remporté une victoire symbolique, mais les conséquences à moyen et long terme vont être terribles pour le Hamas et les Gazaouis [les habitants de la bande de Gaza, qui compte environ deux millions d'habitants]. Cela va durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Israël répond par des frappes aériennes, avant le lancement probable d'une possible invasion terrestre. C'est une vraie guerre qui va s'étaler dans la durée.
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