Vingt ans après l'invasion américaine de l'Irak, le passé de la prison d'Abou Ghraib hante encore les Irakiens
Des camps militaires fortifiés, des miradors... Et au lieu d'un centre-ville c'est une prison de 115 hectares dont les murs s'étendent sans fin. Abou Ghraib, en Irak, à 20 kilomètres à l'ouest de Bagdad, n'est pas une ville où il fait bon vivre. Un million de personnes y habitent et une atmosphère de peur semble même régner dans ses rues sales et désertes. Vingt ans après l'invasion de l'Irak par les États-Unis contre l'avis de l'ONU pour faire tomber le régime de Saddam Hussein, Abou Ghraib et sa prison géante sont devenus le symbole mondial des pires abus contre les droits de l'homme. Des actes de torture y ont été pratiqués à grande échelle par des militaires de l'armée américaine et des agents de la CIA. Des photos prises par les militaires américains eux-mêmes avaient fuité dans les médias.
"Il y avait peut-être 80% des géôliers qui étaient d’Abou Ghraib, donc il y a une connexion entre la ville et la prison", explique Salam Habib, chercheur irakien pour l’ONG britannique AirWars, et journaliste d’investigation. Salam Habib a rencontré de nombreux anciens détenus, marqués à vie : "Ils ne veulent pas dire ce qui leur est arrivé, même avec leurs familles, leurs proches, ils ont honte et préfèrent cacher ça à la société. L’un d’entre eux m’a dit : 'Quand je passe devant Abou Ghraib, je baisse la tête, je ne veux pas me souvenir de ce qu’il m’est arrivé ici, le seul nom d’Abou Ghraib me fait faire des cauchemars'."
"Les tortures à l'électricité et les viols étaient communs. Ils nous affamaient ou ne nous laissaient pas dormir pendant des jours"
Ali Al-Qaissià franceinfo
La photo d'Ali Al-Qaissi a fait le tour du monde. Il est debout sur une boîte, les bras en croix branchés à des fils électriques, une cagoule sur la tête. Un filet de sang s’en échappe. Joint par Skype, il est aujourd’hui réfugié à Berlin et a fondé l’Association des victimes des prisons de l'occupation américaine. "Parmi les techniques de tortures courantes, ils plongeaient nos têtes sous l’eau jusqu’à ce qu’on croie mourir noyé ou nous passaient sous l’eau glacé" raconte Ali Al-Qaissi. Au bout d'un an, Ali Al Qaissi finira par être libéré sans charge contre lui.
Comme lui, plus de 70% des 50 000 prisonniers d’Abou Ghraib auraient été emprisonnés de manière arbitraire d’après un rapport de la Croix Rouge. C’est ce que raconte Hassan Al-Janaby, 50 ans et ancien capitaine de la garde de Saddam Hussein. Il tient un discret magasin de vente de cosmétiques au souk d’Abou Ghraib : "Chaque jour, les forces américaines ou irakiennes arrêtaient entre 100 et 150 personnes, beaucoup sans accusation". Côté américain, seule l'officier qui dirigeait la prison, la générale Janis Karpinski, finira par être mise à l’écart et quelques militaires accusées de tortures seront condamnés. George Bush demanda publiquement pardon et l’histoire s’arrêta là.
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